a écrit :Selon les militants LO, le vote populaire tend vers le PS ou le FN
Chaque été, depuis des années, les militants de Lutte ouvrière (LO) labourent le terrain dans des " caravanes propagandistes " de l'organisation. De commune en commune, l'exercice consiste à vendre l'hebdomadaire Lutte ouvrière, à faire des " accroches " sur les places de marché, dans les cités ouvrières ou la sortie des usines. Les villes-étapes sont soigneusement choisies : de Vergèze dans le Gard à Bar-le-Duc dans la Meuse, d'Imphy ou Decize dans la Nièvre à Sedan dans les Ardennes, en passant par Saint-Dizier en Haute-Marne, Dieppe en Seine-Maritime, Hesdin dans le Pas-de-Calais ou Friville-Escarbotin dans la Somme.
Loin des stations balnéaires, les caravanes permettent à LO d'aller à la rencontre de son électorat potentiel et d'esquisser la photographie la plus précise possible de son état d'esprit. Les relevés de ses militants sont généralement crédités du souci de coller au plus près à la réalité. A moins de neuf mois de l'élection présidentielle, ils pointent un réflexe de vote utile en faveur du PS, quand en 2002, lorsque Lionel Jospin était candidat, ils faisaient part de son rejet. Ils s'interrogent aussi sur l'ampleur du vote FN.
" ESSAYER D'EXPLIQUER "
Voici des extraits de comptes rendus de deux " caravanistes " de juillet, " Zdanko " et " Ottokar " tels qu'ils les ont livrés sous pseudonyme au forum Internet dans lequel se retrouvent militants et sympathisants de LO. Zdanko était dans le sud de la France : " Imagine un coin où il fait 40 degrés, où tu es en train de te battre pour rester sur le parking du supermarché du coin, et où, en plus, tu te fais engueuler par les gens à propos du vote utile et de Sarkozy qui ne doit pas passer... ". " On a vendu pas mal de journaux, on est tombé sur quelques personnes vraiment intéressées par nos idées. Mais globalement, les gens sont indifférents. J'ai personnellement constaté que le "Tous les mêmes" englobait de plus en plus Lutte ouvrière, mais aussi la LCR ", remarque-t-il. " Il y a une démoralisation qui s'est encore approfondie depuis quelques années ", en conclut-il. " Au niveau politique, poursuit Zdanko, les gens disent beaucoup qu'ils iront voter PS. C'est pas très profond, mais c'est là et bien là. "
S'agissant du CPE, le contrat première embauche que le gouvernement a abandonné après la mobilisation étudiante du printemps, Zdanko note : " Personne ne nous en parle de lui-même, absolument personne. Quand moi j'en causais, les gens avaient un peu un sourire de sympathie, mais j'ai le sentiment que ça ne les a pas marqués. " Il relève : " Pas beaucoup de remarques racistes, un peu plus sur les RMIstes, pas non plus beaucoup de gens se revendiquant de Le Pen. "
Ottokar était, lui, en Normandie. " Je n'ai pas eu tellement de Le Pen, mais les potes qui connaissent le coin m'ont dit qu'ils en entendaient plus que l'an passé. " Et de témoigner : " Des gars FN qui nous le disent, et pas forcément de façon hostile, on en croise depuis quelques années - à l'occasion des caravanes - . Des gens qui nous suivent dans la dénonciation des injustices, des patrons, des riches, des licenciements, des politicards... Puis qui, à un moment donné, soit disent : "Le parti j'en ai déjà un", et c'est le FN ! soit alors disent "Arlette Laguiller, il y a un truc que je lui reproche"... et c'est de ne pas parler des immigrés. "
Pour Ottokar, il faut " essayer d'expliquer que Le Pen est en fait leur ennemi, que c'est un milliardaire, qu'il est pour l'allongement des années avant de partir en retraite, etc. Mais il faut bien avouer que ça glisse un peu. " " D'autre part, ajoute-t-il encore, vu les réactions sur 2002, ils ont l'impression que c'est le vote Le Pen qui a foutu le plus la merde. Et ça les réjouit, ça les venge en quelque sorte. "
Bref, résume Ottokar, " parfois, il faut s'engueuler, et parfois, il faut discuter. C'est un peu comme ça sort. Mais tout dépend aussi avec qui et dans quelles circonstances. Il y a de petits bleds ouvriers où Le Pen a fait 25 %. On ne peut pas engueuler un passant sur quatre ".
Caroline Monnot