Anti-guerres en Italie

Message par conformistepote » 30 Mars 2003, 18:13

En Italie, les altermondialistes rénovent le pacifisme
LE MONDE | 29.03.03 | 13h20
Les "No Global" ont fédéré sous leur bannière arc-en-ciel les associations, partis et syndicats opposés à l'intervention américaine. Pour les jeunes militants, Internet ou le téléphone portable sont devenus des moyens de mobiliser l'opinion.
Rome de notre correspondante

Après plus d'une semaine de conflit en Irak, le mouvement antiguerre italien maintient sa pression. Les grandes manifestations nationales font toutefois progressivement place à d'innombrables rendez-vous de protestation, du nord au sud de la péninsule.

A chacun son style et ses moyens : des catholiques font ouvrir les églises pour des prières continues jusqu'à ce que le conflit armé s'arrête ; des partisans de la désobéissance civile bloquent les trains transportant le matériel pour l'armée américaine et brûlent des dépôts de carburants. Partout s'active la masse des militants. Une constellation dont les actions alimentent les éditoriaux des médias qui lui ont donné le nom d'"Arc-en-ciel" (Arcobaleno), tiré des couleurs du drapeau qu'elle s'est elle-même donné et qui est devenu le signe de ralliement de ses partisans.

L'origine de ce drapeau est elle-même significative. L'Arcobaleno était, jusqu'en novembre 2002, le fanion des altermondialistes, qui, en Italie, continuent de s'appeler les "No Global". Au début décembre, leur Forum social européen (FSE), à Florence, s'est achevé par une manifestation géante pour la paix à laquelle se sont joints le syndicat CGIL, le parti Refondation communiste, les Verts, les écologistes de la puissante Legambiente... Tous réunis sous la bannière arc-en-ciel. Depuis, ce camp antiguerre élargi a été encore renforcé par de nombreux catholiques et même des religieux, attentifs aux appels du pape Jean Paul II.

L'Arcobaleno est-il le fruit du travail efficace d' un noyau d'activistes d'extrême gauche ? Ou celui d'une récupération intelligente de l'indignation contre la guerre par des forces politiques traditionnelles ? De la Libération à la chute du mur de Berlin, le Mouvement de la paix – c'était son nom alors – affichait ses sympathies pro-soviétiques. Ses héritiers suivent aujourd'hui la contestation plutôt qu'ils ne la précèdent.

Les altermondialistes, créateurs de l'Arcobaleno, en restent le principal moteur. Cela s'illustre par les méthodes employées, le style festif et anticonsumériste, ainsi que par l'affirmation de certaines valeurs.

L'opposition sans nuance au libéralisme américain et à ses valeurs mercantiles, le refus de la guerre du président Bush et de ses alliés – dont le gouvernement italien –, le rejet de la violence dans les actions de contestation ont soudé des composantes hétérogènes : groupuscules politiques, partis d'opposition, associations écologistes et "rondes citoyennes" qui ont rejoint la nébuleuse originelle, au nom de la paix.

Le mouvement a atteint ainsi une maturité qui lui a, jusqu'à présent, évité d'être victime de débordements, à l'inverse de ce qui se passe dans d'autres pays. L'Arc-en-ciel est aussi internationaliste que le sont les altermondialistes. Les syndicats italiens et les partis d'opposition se faisant, eux aussi, de plus en plus "européens", à l'inverse de la majorité berlusconienne, de plus en plus atlantiste.

L'"auto-convocation" des militants, pratiquée souvent par le biais d'Internet ou des messages du téléphone portable, est le moyen le plus sûr de réagir vite, dans la rue. D'autant que l'Italie est le premier marché européen du portable.

Le réseau Internet est également l'outil du débat en temps réel, d'un continent à l'autre, d'une sensibilité à l'autre. Ou le moyen de s'échanger des slogans originaux. L'américain "Bombing for peace is like fucking for virginity" ("Bombarder pour la paix, c'est comme baiser pour la virginité") a été très vite adopté en Italie. Deux télévisions pionnières, comme le furent jadis les radios libres, Global TV et No War TV, se sont, elles, lancées dans la bataille par satellite, joignant Rome à Séoul ou Sydney et faisant dialoguer des ouvriers de Fiat et des étudiants en pleine effervescence.

La créativité s'en donne à cœur joie. Dans la capitale, il y a quelques jours, les travailleurs ensommeillés du petit matin ont marqué le pas, découvrant, en plein centre-ville, une pancarte indiquant : "Limite infranchissable, installation d'une batterie aérienne". Plus loin, deux autres : "Camp de réfugiés" et "Déminage".

Pour Filippo Ceccarelli, spécialiste de la "société du spectacle" (au sens défini par les situationnistes) et journaliste à La Stampa : "La fantaisie médiatique des pacifistes se base sur les contre-cultures alternatives. Leurs actions ont plus à faire avec l'art qu'avec la violence. Ils utilisent la provocation pour obtenir un fort impact d'image."

Les nouveaux pacifistes italiens affichent les valeurs qui les rassemblent. Il en est d'inattendues. "Certains ont même réussi à transformer Che Guevara, le héros de la lutte armée des années 1960, en héros de la paix", fait remarquer l'analyste Ernesto Galli Della Loggia, dans le Corriere della Sera. On en voit l'effigie dans tous les défilés, sur les T-shirts et les drapeaux.

La différence entre les pacifistes actuels et ceux des générations précédentes ? Valentino Parlato, fondateur du quotidien de la gauche intellectuelle, Il Manifesto, se souvient des années où lui-même militait au Parti communiste, pour mieux juger : "Les jeunes ont apporté trois nouveautés. La durée – qui est de voir loin –, l'autonomie par rapport aux forces politiques et le caractère global de cette contestation sur le plan mondial."

A l'évidence, L'Olivier, la coalition d'opposition du centre gauche, n'est pas leader dans le mouvement pour la paix, comme on l'a vu lors de la manifestation romaine du 22 mars : ce jour-là, l'Olivier n'avait réuni que le sixième des effectifs mobilisés par l'Arcobaleno.

Danielle Rouard


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Des défilés grecs aux accents antiaméricains


Les manifestations antiguerre ont rassemblé, de façon presque inattendue, des centaines de milliers de personnes à Athènes, Salonique et dans tout le pays. Deux grands groupes antimondialisation, issus de la gauche, sont à l'origine du mouvement. Le Forum social grec, formé en 2002 et présent au Forum social de Florence, en novembre, constitue une nébuleuse d'antiracistes, de féministes, écologistes, syndicats et partis de gauche. Il a surtout été impulsé par un petit parti parlementaire de la gauche réformiste, la Coalition de gauche et du progrès (Synaspimos), elle-même lointaine héritière d'une scission du Parti communiste grec (KKE), en 1968. L'autre mouvement, Action Salonique 2003, proche du KKE, créé à l'automne 2002 en vue de la présidence grecque de l'UE, rassemble diverses organisations de jeunesse et défile souvent aux côtés du front syndical Pame, formé par le Parti communiste. La guerre a redonné à l'antiaméricanisme, très vivace en Grèce, un rôle de catalyseur, et l'important nombre de jeunes pacifistes, lycéens notamment, explique la vitalité du mouvement. – (Corresp.)

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 30.03.03
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