On trouve le résumé suivant des positions défendues dans « Auschwitz ou le grand alibi », et rappelons à ceux qui disent que cette brochure « ouvre la porte au négationnisme » que l'on peut avec la même logique dire que Marx ouvrait la porte aux futurs G Mollet et Tony Blair.
a écrit :A la tête de l'entrée en « révisionnisme » de cette fraction de l'ultra-gauche en France, le dénommé Pierre Guillaume. Né pendant la guerre, il avait affûté ses premières armes théoriques, au début des années soixante, au sein du petit groupe Socialisme ou Barbarie (SOB), de Cornélius Castoriadis, Claude Lefort, Jean François Lyotard et Pierre Souyri, tous dissidents du trotstkysme, groupe dont le travail théorique avait notamment consisté en une analyse de l'URSS comme capitalisme bureaucratique d'état. En 1963, P. Guillaume suivit ceux qui se détachèrent alors de SOB pour fonder Pouvoir ouvrier, dont la vocation militante était l'implantation dans la classe ouvrière, groupe dirigé par un ancien membre du POUM espagnol, Vega, qui avait été fortement marqué, avant d'entrer à SOB, par ce qu'on appelait le « bordiguisme », du nom d'Amadeo Bordiga (1889-1970) dont il sera question plus loin 21. En octobre 1967, P. Guillaume quittait Pouvoir ouvrier et fondait alors, avec une demi-douzaine d'exclus ou de démissionnaires, un groupe plus informel, qui prenait le nom de la librairie qu'il avait ouverte au Quartier latin deux ans plus tôt, La Vieille Taupe Cette librairie, qui fonctionna jusqu'en 1972 et fut fréquentée par nombre des acteurs étudiants du joli mai, avait acquis en 1967 les restes encore très importants du fonds Costes, qui avait été avant la guerre l'éditeur de Marx. On y trouvait aussi un très grand nombre de textes révolutionnaires des décennies passées, les cahiers Spartacus, les publications des divers courants dits gauchistes de l'époque, sans oublier les collections encore disponibles de Socialisme ou Barbarie, dissous en 1965, la revue bordiguiste Programme communiste, et, pour un temps, les numéros sur papier glacé de celle de Guy Debord et Raoul Vaneigem L'Internationale Situationniste (1958-1968), dont la brochure « De la misère en milieu étudiant », parue à l'hiver 1967, était comme annonciatrice du printemps suivant: revue dont la théorie du spectacle et la critique du militantisme sacerdotal jetaient une tache hédoniste et colorée parmi les austères brochures ronéotypées des révolutionnaires de diverses obédiences qui n'avaient pas encore appris à prendre leurs désirs pour des réalités.
Après l'extinction des emportements de mai, le groupe de La Vieille Taupe amorça une orientation pure et dure: la révolution avait échoué faute d'une véritable direction révolutionnaire, et l'on entrait dans une de ces phases de l'histoire du mouvement ouvrier pendant lesquelles la conscience même du prolétariat se concentrait en la personne de quelques-uns seulement, en l'occurrence les penseurs de La Vieille Taupe évidemment Cette poignée de sauveurs du Mouvement communiste, ainsi que furent intitulés les quelques numéros de la brochure publiée par La Vieille Taupe à partir de 1969, reprenait là un thème central de la version bordiguiste du marxisme, du nom d'un des fondateurs, en 1921, du parti communiste italien, Amadeo Bordiga, qui avait créé à Naples, en 1918 la revue Il Soviet, porte-parole de la position « abstentionniste » que critiquait Lénine dans Le Gauchisme, maladie infantile du communisme publié en 1921. Bordiga fut exclu du parti communiste italien en 1930 après des années de divergences avec Gramsci et Togliatti et, plus largement, avec la ligne de la IIIe Internationale sur la question du Front unique. Et pour comprendre comment les vieilles taupes gardiennes de la révolution en sont venues à mettre en doute, comme le premier fasciste venu, puis à nier, comme un quelconque Faurisson, le génocide des juifs par les nazis, c'est bien à ce conflit politique antérieur à l'événement lui-même qu'il faut remonter, à l'affrontement des deux tendances au sein du mouvement communiste international à partir de la fin des années vingt. On sait comment la tendance qui préconisait l'alliance électorale des communistes avec les sociaux-démocrates pour barrer la route au fascisme conduisit, en France, à la venue au pouvoir du Front Populaire en 1936 Et comment, à l'inverse, les communistes allemands, partisans dans leur très grande majorité de la tendance opposée, de « classe contre classe », et confiants dans la perspective prochaine d'une révolution sociale, continuèrent jusqu'en 1933 à s'opposer à toute alliance avec les « socio-fascistes » de la social-démocratie, tenue pour l'ennemi principal 22. Il se trouve qu'en Italie, cette dernière position était défendue par Bordiga. Or, quinze ans après la fin de la guerre, en 1960, la revue française du bordiguisme, Programme communiste, publie un article intitulé « Auschwitz ou le Grand Alibi ». En 1960, à l'époque où les futurs « révisionnistes » de La Vieille Taupe ont à peine vingt ans et quelques illusions à perdre avant de se transformer enfin en gardiens de la vérité, le génocide est trop récent encore pour n'avoir pas eu lieu. L'analyse de leurs aînés bordiguistes ne remet pas du tout en question la réalité de l'événement. Ce que dénoncent ceux qui se considèrent comme les uniques héritiers de la pensée de Marx, de l'invariance (titre d'une revue bordiguiste) de sa théorie face aux réformistes et bureaucrates de tous poils qui l'ont pervertie en l'exploitant, c'est l'utilisation, par les impérialistes vainqueurs des nazis, qu'ils soient d'idéologie bourgeoise ou prétendument marxiste, du génocide comme d'un alibi destiné à duper les masses prolétariennes en établissant une opposition, de fait totalement fictive, entre les démocraties et les régimes fascistes. Belle constance des vrais théoriciens de la révolution que ne saurait perturber le cours de l'histoire. L'explication ultime de tout phénomène, et donc de l'antisémitisme, étant nécessairement, à leurs yeux, d'ordre économique, il leur fallait proposer une construction de la réalité qui rendit compte de ces impératifs théoriques. « Du fait de leur histoire antérieure, les Juifs se trouvent aujourd'hui essentiellement dans la moyenne et petite bourgeoisie. Or cette classe est condamnée par l'avance irrésistible de la concentration du capital ». L'antisémitisme résulte donc « directement de la contrainte économique » qui a mené la petite bourgeoisie allemande à sacrifier « une de ses parties [les juifs], espérant ainsi sauver et assurer l'existence des autres [...]. En temps "normal", et lorsqu'il s'agit d'un petit nombre, le capitalisme peut laisser crever tout seuls les hommes qu'il rejette du processus de production. Mais il lui était impossible de le faire en pleine guerre et pour des millions d'hommes: un tel "désordre" aurait tout paralysé Il fallait donc que le capitalisme organise leur mort [...]. Le capitalisme allemand s'est d'ailleurs mal résigné à l'assassinat pur et simple Non certes par humanisme, mais parce qu'il ne rapportait rien [...] [Les Juifs ont été détruits] non parce que Juifs, mais parce que rejetés du processus de production, inutiles à la production ». Telle est la thèse défendue en 1960 par les champions du matérialisme économico-logique, qui dénoncent « l'identité des idéologies fascistes et antifascistes » et savent, en bordiguistes convaincus, que la pire conséquence du fascisme est précisément cette idéologie antifasciste produite par le capitalisme pour immobiliser la classe ouvrière en lui désignant un faux ennemi, prétendument diabolique, et renforcer ainsi, en la dissimulant, l'exploitation dont les prolétaires sont l'objet; parce que « les horreurs de la mort capitaliste doivent faire oublier au prolétariat les horreurs de la vie capitaliste et le fait que les deux sont indissolublement liées » 23.
Ce thread pour continuer la discussion commencée par quelques camarades pas tous de bonne foi. (Certains réclament la censure de la brochure Auschwitz.... de Bordiga, sans l'avoir lue)