a écrit :Liban : le plan Chirac pour sortir de la crise
LE MONDE | 26.07.06 | 11h43 • Mis à jour le 26.07.06 | 14h48
Comment sortir de la crise actuelle au Proche-Orient ?
Une réunion a été convoquée à Rome sur le Liban. D'abord, elle va avoir pour objet les problèmes humanitaires. Le nombre des victimes, le nombre des personnes déplacées, la destruction massive, notamment au Liban, de tous les équipements nécessaires à la vie créent une situation humanitaire qui devient dramatique et qui exige une réaction de la communauté internationale. Les Américains ont évoqué une somme de 30 millions de dollars, affectée à l'aide humanitaire au Liban. La France, qui est déjà très engagée dans l'aide humanitaire, est décidée à faire un geste important. J'ai demandé que 15 millions d'euros supplémentaires soient affectés à l'aide humanitaire au Liban. Et, comme je l'avais demandé, des couloirs humanitaires vont être créés.
Le deuxième point est politique. Il est essentiel que la communauté internationale se mette d'accord sur les grandes lignes d'un arrangement politique, mis en œuvre après un cessez-le-feu. L'essentiel, c'est qu'il y ait un cessez-le-feu, qui suppose d'ailleurs que les soldats israéliens pris par le Hezbollah soient libérés, de même d'ailleurs que doit l'être celui qui a été pris par le Hamas. Mais il est essentiel d'avoir d'abord un cessez-le-feu. C'est le préalable.
Ce cessez-le-feu comporte deux exigences. D'une part, la sécurité d'Israël, qui doit être assurée, et, d'autre part, l'application réelle, sur le terrain, de la résolution 1559 de l'ONU.
Il n'y aura pas de Liban stable et démocratique, comme c'est sa vocation déjà confirmée, si une partie de son territoire échappe à l'autorité du gouvernement et relève de la seule autorité de milices. C'est ce qu'avait clairement indiqué la [résolution] 1559, et c'est ce qui doit être réalisé.
Tous les Libanais, qui sont un très vieux peuple, une vieille civilisation, qui a surmonté au cours de l'histoire toutes les épreuves possibles, y compris leur propension à se disputer, doivent comprendre qu'il n'y a pas d'Etat stable, démocratique, tel qu'ils le souhaitent, si l'autorité du gouvernement ne s'exerce pas sur l'ensemble du territoire.
Cela implique un retrait du Hezbollah du sud du Liban, un accord sur les fermes de Chebaa et un accord sur un échange de prisonniers, notamment un retour de prisonniers libanais qui se trouvent actuellement en Israël. Tout cela avec ensuite, en appui, une force multinationale pour s'assurer la mise en œuvre de l'ensemble de ces dispositions.
Appelez-vous à un cessez-le-feu immédiat ?
Je le souhaite. Car il n'y a pas de solution militaire à ce problème. Et s'il en était besoin, le drame que vient de vivre la Finul démontre que la situation empire sur le terrain. En frappant la Finul, où servent aussi des soldats français, c'est la force de paix de la communauté internationale qui est atteinte. On ne peut que condamner cette action, qui démontre plus que jamais l'urgence de l'arrêt des combats.
Dans ce conflit, les responsabilités sont évidemment partagées. Ce qui est sûr, c'est que la méthode utilisée, les frappes sur Gaza, d'une part, et sur le Liban ensuite, est à mon avis disproportionnée. D'autre part, je peux comprendre beaucoup de choses, mais je ne crois pas à une solution militaire dans ce genre de conflit.
Un cessez-le-feu, cela veut dire que les conditions en sont réunies. C'est prioritaire. Que ces conditions soient faciles à mettre en œuvre, ça, c'est un autre problème. J'ai parfaitement conscience de sa complexité. Mais, à partir du moment où il n'existe pas de solution militaire, un cessez-le-feu s'impose. Il faut en discuter les modalités.
Entre qui et qui l'accord politique dont vous parlez pourrait-il être négocié ?
Cet accord politique, qui suppose un cessez-le-feu, doit être négocié, d'une part, entre le gouvernement libanais et le Hezbollah, et, d'autre part, entre la communauté internationale, Israël et le Liban.
Vous paraît-il toujours inopportun de qualifier le Hezbollah d'organisation terroriste ?
Ce n'est pas au moment où l'on veut essayer d'avoir un retour du Hezbollah, si c'est possible, au sein de la communauté libanaise et sa transformation en un parti politique qu'il faut soulever des questions de cette nature.
Comment envisagez-vous une force internationale au Liban, et quel serait le rôle de la France ?
La force multinationale suppose des conditions impératives. La première, c'est l'acceptation du cessez-le-feu par l'ensemble des protagonistes. La deuxième, c'est l'acceptation du principe même d'une force internationale par les différentes parties. Et la troisième, c'est que cette force internationale soit sous le chapitre VII de l'ONU.
Le mandat de cette force doit être très soigneusement élaboré. Il y a d'abord un objectif politique, qui est le recouvrement par le gouvernement libanais légal de la totalité de sa souveraineté sur l'ensemble de son territoire. C'est une condition sine qua non. Il y a aussi un objectif militaire, qui est de donner la possibilité aux forces libanaises, restructurées et aidées, de se déployer sur l'ensemble du Liban, et d'assurer la sécurité du pays.
Cette force d'intervention doit avoir des moyens et des règles d'engagement adaptés à sa mission.
La zone de déploiement doit avoir une dimension cohérente avec sa mission. Sa mission serait de contrôler le cessez-le-feu et d'assurer le respect des frontières, à la fois les frontières israélo-libanaise et syro-libanaise, naturellement. Il s'agit de veiller à ce que la zone d'où le Hezbollah se serait en principe retiré – c'est l'objectif – soit totalement démilitarisée. Et, enfin, la mission de cette force est de s'assurer qu'aucun tir de roquettes, quelle que soit leur nature, ne puisse être effectué sur Israël.
Il faudra par ailleurs traiter de la sécurité de la frontière israélo-palestinienne.
Pour la France, l'OTAN n'a pas vocation à mettre sur pied une telle force. Pour des raisons techniques, mais aussi pour des raisons politiques, l'OTAN n'est pas faite pour ce genre d'intervention. L'OTAN est perçue, qu'on le veuille ou non, comme le bras armé de l'Occident dans ces régions, et, par conséquent, en termes d'image, l'OTAN n'a pas vocation à cela.
Si le Hezbollah refuse le désarmement et si Israël accepte un scénario de règlement du conflit, qui désarmerait le Hezbollah ? La force internationale ? l'armée libanaise ?
C'est une des vraies questions. Je ne pense pas qu'une force internationale, dans l'hypothèse où aucun engagement politique ne pourrait être obtenu, ait la possibilité ou la vocation de désarmer le Hezbollah. C'est au gouvernement libanais de le faire. Ce qui implique qu'il y ait un accord politique. Le Hezbollah est actuellement dans le gouvernement libanais. On peut très bien imaginer, en tout cas souhaiter, que le Hezbollah tire les conséquences de sa présence même au sein du gouvernement, et qu'il se transforme en force politique. D'où la nécessité qu'il y a à avoir un minimum de contacts entre le gouvernement libanais et le Hezbollah. Le Hezbollah, désarmé, a vocation à être une force politique au Liban.