Cronstadt de JJ Marie

[Valiere]

D'accord avec Eric, l'intérêt de ce livre réside dans la rigueur historique, Jean Jacques n'hésitant pas à donner des indications montrant la bureaucratisation à la base du PCF tout en resituant dans la perspective historique

[Apfelstrudel]

Je viens de le finir, c'est très intéressant mais il vaut mieux déjà connaître l'histoire de la révolution russe et de la guerre civile.
L'auteur explique très bien certaines choses : le contexte de la fin de la guerre civile avec les révoltes paysannes, les liens mais aussi les différences entre celles-ci, les grèves de Petrograd et l'insurrection de Cronstadt. Par exemple, l'annonce de l'insurrection de Cronstadt accéléra la reprise du travail à Petrograd où de nombreuses usines étaient alors en grève, car les ouvriers étaient malgré tout conscients du risque que représentait un Cronstadt livré aux blancs.
On voit bien aussi ce que représentait concrètement pour le parti communiste le fait de devoir porter seul le poids du pouvoir et de la guerre du fait de la démoralisation des travailleurs. Le récit de l'assaut et surtout de ses préparatifs est édifiant : le refus de se battre chez les soldats est tel que les bolcheviks sont obligés d'utiliser comme troupes des bataillons d'élèves officiers et la Tcheka. Plusieurs centaines de délégués du congrès du parti qui venait d'avoir lieu doivent même être envoyés pour augmenter la proportion de communistes sûrs dans les troupes et renforcer leur moral.
Et enfin, tout au long du livre, il apparaît de façon limpide qu'en aucun cas Cronstadt ne pourrait être une troisième révolution, et pas seulement à cause des idées réactionaires manifestement présentes chez de nombreux mutins et leurs dirigeants. Si un parti présent partout, composé de nombreux militants dévoués et aguerris, et capable d'avoir une politique sûre d'elle-même peut, après une révolution qui l'a porté au pouvoir, conserver celui-ci fermement au service des travailleurs, et si une bourgeoisie battue et expropriée mais comprenant toute une couche d'anciens privilégiés hostiles au régime et une émigration organisée avec de nombreux officiers blancs peut renverser ce pouvoir et l'exercer elle-même, pour son propre compte et d'une toute autre manière, en revanche, une troupe de paysans affamés armés, mués par le désir certes légitime mais néanmoins égoïste d'avoir plus à manger, peut tout au plus affaiblir le pouvoir contre lequel elle se révolte, favorisant automatiquement le camp d'en face, mais certainement pas devenir une direction révolutionnaire autonome, contrairement à ce que pensent assez naïvement certains anars.

[yannalan]

jj Marie a écrit également une histoire de la guerre civile qui permet de resituer l'époque (ed.Autrement)

[Apfelstrudel]

Personne n'avait assez à manger, et les marins faisaient partie des relatifs privilégiés. Revendiquer le droit d'aller individuellement s'approvisionner dans leurs familles à la campagne, ça n'a pas grand chose à voir avec les préoccupations politiques révolutionaires que certains leurs portent. Appeler cela "égoïsme", ce n'est pas un jugement moral à l'encontre d'affamés, c'est leur niveau de conscience.

[Valiere]

La bureaucratisation était déjà e cours, JJ Marie ne le nie pas!