(Wapi @ mercredi 31 mai 2006 à 13:13 a écrit :Bon ... m'est d'avis que tu ne vas pas durer longtemps sur ce forum, surtout si c'est pour essayer de nous servir la soupe frelatée des Indigènes de la République ou autre indigents de la pensée.
Ici, les communautaristes ne sont pas les bienvenus. Si tu lis le forum depuis un certaintemps, tu as dû t'en rendre compte.
Pourquoi s'enerver ainsi et restreindre tout ce que j'ai développé à cette seule phrase ? Je ne comprend pas en quoi il serait politiquement incorrect d'admettre la réalité ou pourquoi tu me soupçonnes d'un parti pris hostile simplement parce que je relève ce qui me semble être une évidence.
Depuis deux-trois ans il y a eu floraison de groupements qui contestent leur non-représentation par les organisations et structures politiques françaises. Les indigènes n'en sont qu'un épiphénomène, il en existe bon nombre d'autres, à commencer par le Cran. La question est cruciale à gauche parce qu'il existe une tradition militante qui a toujours eu tendance à considèrer les travailleurs immigrés, leurs descendants et les victimes du racisme en général comme une chasse gardée, un réservoir naturel de sympathisants-adhérents-militants ou une simple clientèle électorale à gauche.
Le choc a été brutal pour bon nombre de militants de gauche et d'extrême-gauche quand ils ont vu des blacks et des arabes rigolards faire la fête à Chirac le 5 mai 2002 (place de la république ! tout un symbole)(et la tête de Bernadette terrorisée, cramponnée au grand con). Je me souviens encore des commentaires de certains de ces militants, et amis, avec lesquels je regardais la télé à ce moment-là : "Quoi ? Avec tout ce que l'on a fait pour eux !" La bourgeoisie a parfaitement compris tout l'intérêt qu'elle pouvait tirer de cette rupture symbolique.
Mais si l'on s'intéresse d'un peu plus près à ce que ces divers groupements défendent, ce n'est pas tant l'afiliation ethnique que – au contraire – leur combat contre un système politique général qui les maintient – économiquement et socialement – dans cette affiliation ethnique.
Ils entendent lutter contre leur infériorisation (prolétariat du prolétariat ?) collective en raison de leur "profil" ethnique, donc de leur communautarisation/ségrégation par la fameuse "communauté nationale". Il faut aussi faire attention avec ce vocable flou de "communautariste", car ces divers groupements ont vite fait de retourner l'opprobe sur les "communautaristes blancs" qui trustent le pouvoir politique.
Pour revenir à ce qui m'a fait intervenir initialement : qui est communautariste lorsqu'on trace une équivalence entre la catégorie politique extrêmement floue de "jeunes de l'immigration" et la poignée de décérébrés kémites ? (que l'on voit se gesticuler a peu près une fois par mois le samedi sur le terre-plein de la place de la république à Paris sans qu'ils attirent grand monde).
Tu es choqué et tu montes sur tes grands chevaux parce que j'utilise le terme provocateur de "blanchitude" mais ça ne te dérange pas qu'on puisse ainsi amalgamer collectivement "les jeunes de l'immigration" ?
Donc s'il y a un travail politique à mener, c'est bien sur le décalage des organisations ouvrières avec ce prolétariat ethnicisé par le système. L'ordre capitaliste a tout intérêt a entretenir ces divisions au sein de la classe ouvrière. Et plutôt que de condamner le fait que les travailleurs victimes d'une oppression sociale ancrée dans l'oppression raciale s'organisent de façon autonome, je pense qu'il serait beaucoup plus fructueux de s'interroger sur les raisons pour lesquelles ils estiment que les organisations traditionnelles ne parviennent pas à mener ce combat.
Pourquoi les organisations syndicales françaises n'ont pas su intégrer et perpétuer la mémoire de la participation pleine et entière des ouvriers immigrés d'Afrique du Nord, d'Afrique noire, des Antilles aux luttes ? Pourquoi de nombreux cadres syndicaux et politiques sont-ils issus de l'immigration polonaise, espagnole ou italienne mais pas africaine ou arabe ?
De nombreux immigrés retraités m'ont souvent raconter la fraternité ouvrière rencontrée auprès de leurs collègues français cégétistes qui les ont aidés à s'installer (un frigo, une table, des chaises, un vieux canapé…), leurs souvenirs des luttes communes contre le patron… et leurs soirées de "chopines". Et à chaque fois ils concluaient : "mais quand ils ont licencié, c'est toujours nous que les délégués syndicaux ont désigné en premier". Ils disent cela sans haine, juste l'amertume sur le sens perdu de la fraternité. Aujourd'hui, ce sont leurs enfants et petits-enfants qui ont encaissé toutes ces humiliations collectives et qui n'entendent pas se laisser mener à l'abattoir comme leurs aînés, alors qu'ils se trouvent confrontés à la même ségrégation, violemment réactivée par le sarko-lepénisme triomphant. Il me semble qu'il est plus que temps de construire avec eux un front commun pour combattre la division de la classe ouvrière plutôt que de s'inventer de faux ennemis