Le cauchemar de Darwin.

Message par Matrok » 14 Mars 2006, 22:46

J'avoue que j'ai bien du mal à comprendre ce tu reproches en fin de compte à ce film Vérié... Corrige moi si je me trompe, mais en gros tu lui reproches d'être un film, du cinéma quoi. Tu vas jusqu'à lui reprocher d'être émouvant ! Mais quel que soit le sujet qu'il traite, et qu'on appelle ça "documentaire" ou "fiction" ou je ne sais comment, "Le Cauchemar de Darwin" c'est avant tout du cinéma, et c'est pour ses qualités en tant que film autant que pour le message qu'il porte que ce n'a pas été apprécié que par les spécialistes de l'Afrique ou les militants d'extrême-gauche et écolos, mais aussi par la presse bourgeoise "de gauche" et par un public assez large vu le petit nombre de copies distribuées en France. Je ne peux pas être d'accord, pas même sur le fond, lorsque tu écris :

a écrit :Les gens s'en tapent, dis-tu. L'essentiel, c'est de les émouvoir. Mais, que diraient par exemple les travailleurs d'une entreprise si on distribuait un très beau pamphlet, très littéraire, pour dénoncer leurs conditions de travail, mais qui comporterait des erreurs et qui mélangerait leur situation avec celles d'employés d'autres entreprises... tous exploités en effet par le capitalisme ?

Si on faisait cela sur une boite où interviennent des militants syndicalistes et d'organisations comme LO, il est permis de supposer qu'ils ne seraient pas contents et diraient que l'auteur du pamphlet devrait être plus rigoureux, qu'il va même leur faire du tort. C'est d'ailleurs ce qu'on apprend aux gens qui distribuent des tracts dans les boites : être très précis et très rigoureux. Pour ne pas donner des armes aux patrons, aux cadres mal intentionnés etc. Alors pourquoi en serait-il autrement pour un film dénonciateur ?


Non seulement, je n'y reviens pas, "Le Cauchemar de Darwin" n'est pas un tract et c'est tant mieux (mais vu le titre et l'affiche on s'en doutait), mais avec des arguments comme ça on en arriverait à nier à des artistes le droit de prétendre montrer la vérité - car comme on te l'a déja fais remarquer il n' y a pas de mensonge dans ce film contrairement à ce que prétend l'article du Monde. Or seul un artiste pouvait faire un film de la force du "Cauchemar" et par conséquent attirer l'attention d'un large public sur la réalité du capitalisme en Afrique. Bon il ne t'a pas plu ce film, mais je suppose que tu l'as vu en DVD après qu'on t'ait raconté tout ce qu'il y avait dedans d'où le désamorçage. Tu l'as pris comme un tract peu précis, alors que pour l'avoir vu en salle (dans une toute petite salle Lyonnaise en cave, le CNP Terreaux pour ceux qui connaissent), je peux te dire que sans préparation on prend ça comme un coup de poing dans le ventre.

Par ailleurs :

a écrit :Mais je me demande si ce succès n'est pas lié  au côté écologique - gaspillage des ressources naturelles, risque de disparition des espèces etc -, à la mode chez les bobos genre "échange équitable", plutot qu'à un sentiment de solidarité sincère envers les travailleurs et les populations d'Afrique...


Ce n'est pas complètement faux de dire que le propos "écologiste" est sans doute en partie la raison de son succès - modéré quand même, c'est pas Star Wars III ni même Fahrenheit 9/11. Car à l'évidence c'est un film écologiste. Seulement cette écologie là, celle qui au sens propre s'intéresse à la gestion des écosystèmes et à la dénonciation de leur destruction (qui naturellement revient souvent comme ici à une dénonciation du capitalisme) je ne vois pas de raison de la craindre ni de s'y opposer. Il me semble que ça n'a rien à voir avec les âneries bobo genre "commerce équitable", pas plus qu'avec l'écologie réactionnaire qu'on a l'habitude de dénoncer ici (souvent avec raison d'ailleurs).
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Message par Sterd » 14 Mars 2006, 23:04

[quote=" (Matrok @ mardi 14 mars 2006 à 22:46"]
Car à l'évidence c'est un film écologiste. Seulement cette écologie là, celle qui au sens propre s'intéresse à la gestion des écosystèmes et à la dénonciation de leur destruction (qui naturellement revient souvent comme ici à une dénonciation du capitalisme) je ne vois pas de raison de la craindre ni de s'y opposer. Il me semble que ça n'a rien à voir avec les âneries bobo genre "commerce équitable", pas plus qu'avec l'écologie réactionnaire qu'on a l'habitude de dénoncer ici (souvent avec raison d'ailleurs).
Je suis d'accord avec tout ce qui précède, sauf avec la dernière partie. Je ne l'ai pas vu comme un film écologique ni d'écologiste. Le desastre ecologique est en toile de fond, mais le véritable sujet du film ce sont ces milliers de personnes qui crèvent de misère autour des usines faites pour produire le poisson qui ira nourrir les européens. Ce sont ces dizaines d'orphelins qui se battent pour un peu de nourriture. Ce sont ces gamines qui se prostituent, ce sont ces ouvriers et ces paysans qui meurent du sida par dizaines, et tous les autres protagonistes qui apparaissent dans le film.
La perche c'est à la fois le désastre écologique, mais c'est aussi leur seule ressource. La perche seule n'aurait pas créé ce désastre. C'est le capitalisme le vrai désastre.
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Message par ianovka » 15 Mars 2006, 00:43

(Matrok @ mardi 14 mars 2006 à 22:46 a écrit : alors que pour l'avoir vu en salle (dans une toute petite salle Lyonnaise en cave, le CNP Terreaux pour ceux qui connaissent),
:w00t: Je l'ai vu dans la même salle (salle comble d'ailleurs, les 50 places étaient toutes prises :hinhin: ).
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Message par logan » 15 Mars 2006, 12:56

(Sterd @ mardi 14 mars 2006 à 23:04 a écrit :
(Matrok @ mardi 14 mars 2006 à 22:46 a écrit : Car à l'évidence c'est un film écologiste. Seulement cette écologie là, celle qui au sens propre s'intéresse à la gestion des écosystèmes et à la dénonciation de leur destruction (qui naturellement revient souvent comme ici à une dénonciation du capitalisme) je ne vois pas de raison de la craindre ni de s'y opposer. Il me semble que ça n'a rien à voir avec les âneries bobo genre "commerce équitable", pas plus qu'avec l'écologie réactionnaire qu'on a l'habitude de dénoncer ici (souvent avec raison d'ailleurs).

Je suis d'accord avec tout ce qui précède, sauf avec la dernière partie. Je ne l'ai pas vu comme un film écologique ni d'écologiste. Le desastre ecologique est en toile de fond, mais le véritable sujet du film ce sont ces milliers de personnes qui crèvent de misère autour des usines faites pour produire le poisson qui ira nourrir les européens. Ce sont ces dizaines d'orphelins qui se battent pour un peu de nourriture. Ce sont ces gamines qui se prostituent, ce sont ces ouvriers et ces paysans qui meurent du sida par dizaines, et tous les autres protagonistes qui apparaissent dans le film.
La perche c'est à la fois le désastre écologique, mais c'est aussi leur seule ressource. La perche seule n'aurait pas créé ce désastre. C'est le capitalisme le vrai désastre.
=D>
D'ailleurs Sauper dit dans ses interviews que le sujet de son film N'EST PAS la perche du Nil.
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Message par ianovka » 21 Avr 2006, 10:43

Oui, suivi d'un débat avec Sauper.
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Message par bennie » 21 Avr 2006, 13:25

pour ma part, j'en ai Sauper.




























:cry3: pardon!
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Message par Wapi » 23 Avr 2006, 16:39

Un point de vue intéressant, sur le site du Monde :

a écrit :                        Fin du cauchemar de Sauper


      Ceux qui n’ont pas encore vu Le Cauchemar de Darwin en salles ni en DVD pourront le voir lundi prochain (le 24 avril) sur Arte à 20h40. Depuis le temps qu’on leur rebat les oreilles avec ce documentaire, et que la polémique fait rage, ils pourront enfin se faire une opinion par eux-mêmes. Ici même le débat a été rude. Depuis, le vent a tourné. Dans tous les sens. On connaît bien désormais le phénomène dit de « l’emballement », cette convergence de bruits autour d’une message unique rapidement véhiculé par différentes sources non connectées entre elles (les amis, la famille, les collègues, les medias). On découvre depuis peu le « contre-emballement », qui est la même chose mais dans le sens inverse. Lorsqu’on se retrouve dans l’œil du cyclone, au cœur même de cet étrange phénomène d’aller-retour, on peut se sentir un peu… « paranoïaque, c’est le mot ». Quand je le rencontre dans ce bistro parisien, Hubert Sauper se demande encore ce qui lui arrive. « Ca me dépasse… ». Sur son passeport, il est écrit « profession : universitaire » alors qu’il est cinéaste. Son Cauchemar de Darwin a remporté un immense succès international. Il a été vu par un million de spectateurs dans cinquante pays, dont 400 000 en France. Dans des salles de cinéma, ce qui est une prouesse pour un documentaire, et plus encore lors qu’on sait que sa forme et son sujet sont nettement moins démagogiques que ceux d’un Michaël Moore. Comment l’introduction de la perche du Nil dans les eaux du lac Victoria a bouleversé la vie des habitants de Mwanza, une ville tanzanienne dont la population vit en partie de la pisciculture. S’ensuit un cortège dans lequel misère, prostitution, drogue, sida et trafic d’armes mènent la danse macabre. Chose rare, le public et la critique furent unanimes dans l’enthousiasme. Le documentaire fut sélectionné aux Oscars mais le réalisateur comprit qu’il n’avait aucune chance devant La marche de l’empereur lorsqu’il vit des pingouins en plastique sur les genoux de certains spectateurs lors de la cérémonie ; il n’en obtint pas moins le César du meilleur premier film. De justesse pourrait-on dire car un réquisitoire contre son film, paru « opportunément » juste à ce moment-là dans la revue Les Temps modernes sous le titre «Allégorie ou mystification ? » créa un effet de contre-emballement assez inouï. On vit même des journalistes qui avaient encensé le film à sa sortie se déjuger et l’accabler sur la foi de ce texte. Son auteur, François Garçon, n’est pourtant spécialiste d’aucune des questions qu’il y évoque : historien du cinéma, il est également un homme de télévision, un gérant d’entreprises et un homme d’affaires dont la carrière a été liée au groupe Havas, versé plutôt dans le financement du cinéma « J’ai passé en tout sept mois étalés sur quatre ans en Tanzanie pour faire ce film, dit Hubert Sauper. Lui n’y a jamais mis les pieds ; il s’est contenté de faire son enquête sur Internet, chez les grossistes de Rungis et à Air France armé de sa calculette. Résultat ? Mauvaise foi, contre-vérités, déductions gratuites. En plus, il rappelle plusieurs fois que je suis Autrichien, on se demande pourquoi… ». Il commença par hausser les épaules, puis l’affronta dans un débat mais cela ne suffisait pas à calmer le contre-emballement, véritable motif de son accablement davantage que l’article lui-même. « Cette situation m’inquiète car j’ai affaire à un monstre inconnu » avoue-t-il. Il a donc organisé depuis une conférence de presse à Paris avec les anthropologues et biologistes au fait de la question pour mettre les points sur les i. Il envisage avec son avocat Me Thierry Lévy, de poursuivre François Garçon en diffamation : « Il y a un moment où l’on n’accepte plus d’être présenté comme mystificateur, manipulateur, imposteur. Surtout quand on sent des intérêts… autres que cinéphiliques derrière ce lobbying acharné pour faire publier cet article et pour le faire reprendre ». Le portable sonne. C’est son compatriote le réalisateur de La Pianiste et de Caché, Michaël Hanecke. Il a suivi la polémique, il vient de voir le film : « Qu’est-ce que je peux faire pour vous aider ? »



    Ces derniers temps, en réaction à l’agitation suscitée par l’article des Temps modernes, et aux retournements de vestes, l'heure est au contre-contre-emballement, et à l'analyse critique de la rumeur. Le vent tourne à nouveau, ce qui n’empêche pas d’en pointer la technique la plus discutable : cette habileté du réalisateur dans sa façon de manipuler l'image, et donc l’émotion du spectateur, grâce au montage. Sauper n’en disconvient pas, même si il entend "mystification" dès qu'on parle de « manipulation », et que ce proçès l'insupporte. C'est pourtant le coeur du débat, entre fiction et et non-fiction, cinéma et documentaire, dans cette zone incertaine et floue où lui-même se risque et entrâine le spectateur en connaissance de cause. S’il fallait le rapprocher d’un écrivain et non d’un cinéaste, c’est immédiatement au grand (dans la double acception du terme) reporter polonais Ryszard Kapuscinski qu’il pense. Pour Négus, pour Ebène ses aventures africaines de Nairobi à Kampala, pour son tout dernier Mes voyages avec Hérodote (Plon) même s’il y est hélas davantage question des voyages d’Hérodote que de ceux de Kapuscinski (le lien est impossible mais tant pis, débrouillez-vous pour lire le passionnant entretien qu'il accorde cette semaine au Nouvel Observateur). Stylo ou caméra, qu’importe la technique, seul compte le moyen qu’on se donne : une très particulière appréhension du temps et un certain regard.
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Message par Crockette » 25 Avr 2006, 09:40

le reportage est passé hier soir sur Aerte, il doit (re)passer bientôt vers 0h50.

je l'avais jamais vu, mais cerise sur le gateau : un expert de l'afrique (un africain)était en débat avec le réalisateur.

Pour cet expert tout ce qui a été montré ds le film est juste : "les avions cargos européens ramènent des armes pour les gosses africains à Noel, et ces même avions reviennent en Europe chargés de raisin pour les gosses d'europe".

Ce qui est marrant c'est que le réalisateur commence à prendre conscience que son reprotage fait selon ses dires "mettre en marche le cerveau des gens".

eh oui, son reportage, c'est tout simplement la preuve que le système capitaliste est une aberration écologique (on exporte du poisson vers un continent où on bouffe trop alors que le pays africain voit ses gosses se shoooter car ils meurent de faim...) mais aussi un système économique qui n'hésite pas faire crever à petit feu les gens du sud.

le journaliste d'Arte qu'on ne peut vraiment pas qualifier de partisan, a indiqué qu'une équipe de journalistes suisses étaient partis ds ce pays pour vérifier l'état de ce pays, ils sont revenus en confirmant tout ce qui a étté filmé.

Dommage pour les bureaucrates de la cfdt qui il n'y pas longtemps encore s'étonnaient ds leur magazine que ce reportage ne reflètait qu'une petite partie de l'Afrique : mais à mon avis ils ont pas vu le reportage : car les pilotes parlaient aussi des pays (comme l'Angola) où ils déchargaient les armes avant de recharger de la bouffe.
Crockette
 

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