a écrit :Larcher réalise un des rêves les plus fous du MEDEF
Un projet de décret institue dans chaque région un Comité Régional de la Prévention des Risques Professionnels. Selon le projet, le futur Comité Régional participe à l’élaboration de la politique régionale en matière de protection de la santé et de la sécurité du travail et de l’amélioration des conditions de travail et à cette fin :
« 1°) Il participe à l’élaboration et à l’actualisation de diagnostics territoriaux établis en matière de conditions de travail et de prévention des risques professionnels, en fonction des caractéristiques et activités locales ;
2°) Il est consulté sur les projets d’orientations et de plans régionaux d’actions publiques intéressant ces domaines, qu’il s’agisse de plans propres au milieu de travail ou des aspects intéressant celui-ci dans les plans à vocation sanitaire ou environnementale ;
3°) Il peut, de sa propre initiative, émettre des avis adressés aux autorités publiques ou aux instances compétentes créées ou administrées par les partenaires sociaux, notamment en ce qui concerne les études et recherches relatives aux conditions de travail et aux risques professionnels, les priorités d’actions en milieu de travail, l’organisation et le fonctionnement des services de santé au travail. »
Ces comités comporteront pour 1/4 des représentants de l’Etat (dont 1/3 de nos services), 1/4 des représentants des partenaires sociaux, donc du patronat, 1/4 des organismes de prévention et d’expertise ( dont on sait vers où ils sont orientés), et 1/4 de personnes qualifiées. Les deux premiers 1/4 ayant voix délibérative.
Après avoir décidé de faire présider le conseil d’administration de l’INT par une représentante patronale, mis en avant le projet de créer un conseil national de la politique travail doté de représentants du Medef, ainsi qu’un conseil de "discipline-déontologie-indépendance" pour faire bonne mesure, le gouvernement Villepin récidive : le ministre du travail, par décret, octroie un nouveau privilège patronal, celui d’orienter, comme il l’entend, les plans d’actions des inspecteurs du travail.
Inutile de souligner combien l’indépendance du corps de l’inspection consacrée par la convention 81 de l’OIT est gravement remise en cause.
Mais la signification de ces comités régionaux dépasse la mise sous tutelle de l’inspection du travail.
Ainsi, la Politique Travail se révèle être un outil contre l’ordre public social, pour faire émerger une "législation sociale" par morceaux : la durée du travail selon les entreprises, la formation selon les bassins d’emploi et la prévention des risques professionnels à géométrie variable selon les régions.
Surtout, le patronat obtient le pouvoir de co-élaborer les diagnostics territoriaux en fonction de ses propres intérêts.
Alors que les employeurs sont soumis à l’application de la loi, notamment à l’évaluation des risques, ils participeront désormais à la définition de leur propre contrôle et à son orientation. Le patronat ne manquera pas de donner son avis (quelle aubaine...) aux autorités publiques, ni de s’immiscer dans les plans d’actions régionaux, et locaux, et donc dans les actions de contrôle en matière de santé et de sécurité du travail des inspecteurs et contrôleurs du travail. Quid du comportement des employeurs quand il s’agira de discuter de la substitution des produits toxiques encore présent sur le marché (éthers de glycols, produits phytosanitaires ("amiante" de l’agriculture..) ?
Enfin il faut bien comprendre que la composition prévue fait que maintenant, la santé au travail sera appréciée à l’aune de patrons et d’experts qui vont dans certains cas (comme pour le harcèlement) en faire des problèmes de conduite individuelle qui ne peuvent se résoudre que par le "formatage" des hommes au travail. Ne dit-on pas maintenant, y compris à l’O.I.T., que le progrès est de "doter" les travailleurs d’une "culture de la sécurité" (comme s’il existait une "culture du risque") ? Ainsi, ce qui est en train de se faire dans certaines entreprises au sujet des conduites addictives devient préoccupant.
Selon ce type de logique, les accidents du travail seraient provoqués par le comportement "anormal" de la victime et non plus, parce qu’au travail, l’individu est dans un rapport de subordination : la conséquence est énorme en terme de couverture sociale, et dans ses dernières « propositions » dans le cadre de la négociation interprofessionnelle relative au financement du régime AT /MP, le MEDEF demande à ce que les salariés paient une cotisation AT/MP au même titre que les patrons !.... C’est au final un système de gestion des risques et non plus de prévention des risques qui se met en place.
Au-delà, il s’agit de la poursuite d’une évolution par laquelle toute la réglementation hygiène et sécurité qui a été bâtie en fonction du rapport particulier qui est contenu dans la relation salariale - rapport inégalitaire entre les parties au contrat - est menacée d’éclater. D’ailleurs, ces comités sont la traduction du plan « santé au travail » qui revendique de s’inscrire dans le plan santé publique, lui - même partie du plan politique "santé environnement" élaborée par l’Union Européenne, sous le contrôle du lobby des grands groupes.
Alors même que la mise en application des règles de droit en la matière est loin d’être respectée par le patronat dans les entreprises, que le chantage à l’emploi et à la délocalisation dans les pays à faibles normes de sécurité devient la règle, que les contrôles de l’inspection sont de surcroît de plus en plus contestés par le patronat, la création de ces comités illustre à nouveau ce qu’est la réforme de l’Inspection, la nouvelle « administration du travail » dans un nouveau ministère.
C’est pourquoi la CGT revendique notamment :
-Le retrait du projet de décret
-Le retour à un code du travail protecteur de tous les salariés quelque soit leur branche d’activité :
-Le retrait du plan Larcher-Rapoport sur la réforme de l’inspection du travail
-Le doublement des sections d’inspection avec la création nette d’effectifs en IT, CT et agents de secrétariat
-Le maintien de la section territoriale dans sa configuration actuelle garante de son caractère généraliste et indépendant.
De : Cgt unas sete
vendredi 20 janvier 2006