(L'Humanité a écrit :
La Gauche
Entre tentation du repli et esprit de conquête
Le résultat du 29 mai a marqué la gauche. Elle peut l’emporter si elle fait preuve d’ambition sur le contenu transformateur et l’ampleur de son rassemblement.
La campagne référendaire et le résultat du vote ont été de grands révélateurs des enjeux auxquels la gauche est confrontée, et ont fait bouger les positions des formations qui la composent. Le plus important des révélateurs est le résultat du 29 mai lui-même. Le Parti socialiste et les Verts, qui, dans la dernière période, représentent au plan électoral les deux principales forces de la gauche, avaient appelé à approuver le traité constitutionnel européen. Dans la campagne référendaire, leurs militants se sont divisés. Le 29 mai, une majorité de l’électorat de gauche, comme une majorité des électeurs PS et Verts, a voté « non », au mépris de la consigne donnée par les partis auxquels ils se réfèrent. Et toutes les enquêtes d’opinions montrent qu’ils l’ont fait au nom des valeurs de gauche et en exprimant un fort sentiment antilibéral et anticapitaliste.
Pour le Parti socialiste, le choc est terrible. Si, en termes d’image, la « synthèse » réalisée au congrès du Mans paraît en avoir atténué l’onde, il y a peu de chance qu’elle permette de répondre aux exigences de cet électorat. Pour la réaliser, François Hollande a certes concédé quelques amendements qui nuancent à gauche le coloris de son orientation. Mais au bout du compte, le PS reste accroché à un choix que son premier secrétaire qualifie ainsi : pour être « durable » au pouvoir, la gauche doit tenir ses promesses et donc ne promettre que ce qu’elle peut tenir. Ce sophisme oublie que pour l’emporter durablement, la gauche doit d’abord réaliser ce que ses électeurs attendent d’elle : un changement concret et positif de leurs conditions de vie. Ce qui, pour un très grand nombre d’hommes et de femmes, passe par des changements profonds dans la société, qui mettent en cause les logiques libérales et le système capitaliste. Le refus du PS de prendre des engagements qui contrent le libéralisme obère l’avenir. Et quand, par exemple, le PS est absent des ripostes communes sur la privatisation d’EDF ou qu’il tergiverse sur l’état d’urgence, il affaiblit l’opposition à l’offensive de la droite. Pourtant, la campagne du référendum et la mobilisation de millions d’électeurs pour le « non » ont ouvert à la gauche des perspectives, bien plus tôt que ne le laissait prévoir l’ampleur de la déroute du 21 avril 2002. Après le séisme, dans toute la gauche, la tentation a existé de faire « le gros dos ». Le PS, qui misait sur le rejet de la droite pour favoriser une alternance en 2007, avait vu cette lecture confortée par les résultats des élections régionales et européennes de 2004. La LCR avait choisi de tenter de tirer tout le bénéfice de la bonne image d’Olivier Besancenot en faisant alliance pour les élections de 2004 avec Lutte ouvrière. Sans succès. Au sein du PCF, plusieurs options minoritaires se sont fait jour. Les premières visant à reconstituer les forces et l’influence du parti comme un préalable à la construction d’une majorité politique, les secondes misant en premier lieu sur la constitution d’un rassemblement à la gauche de la gauche. La campagne référendaire et le résultat du 29 mai ont bousculé les choses dans toutes les formations.
L’originalité de la stratégie choisie par le PCF est d’avoir conservé une ambition élevée pour la gauche : la constitution d’une majorité politique, pour un véritable changement, dès les échéances de 2007. Les obstacles en sont réels : les choix du PS, sa volonté de les imposer à toute la gauche et les « bougés » insuffisants de son congrès ; les choix également de la LCR qui, s’appuyant sur l’idée qu’il existe « deux gauches », repousse les ambitions d’un rassemblement majoritaire. Pour les surmonter, le PCF mise sur « l’intervention citoyenne », la participation de ceux qui ont su faire entendre leur voix le 29 mai. Il relance sa campagne de forums pour permettre à des milliers de citoyens d’écrire le programme de la gauche à l’encre de leurs exigences. Atout pour cette démarche, la campagne du référendum a marqué un certain retour de la politique dans les milieux populaires, chez les salariés, parmi les syndicalistes et les militants associatifs qui s’en étaient détournés. Enfin dans la campagne du référendum, il est indéniable que le PCF a retrouvé un rôle important. Par les milliers d’initiatives rassembleuses qu’il a prises, par sa contribution au dynamisme des collectifs du « non ». Également parce que c’est Marie-George Buffet qui a su réunir sur les mêmes tribunes tous les représentants du « non de gauche », des responsables politiques et du mouvement social. Et qui a pris l’initiative de partager avec eux son temps de parole dans la campagne officielle. Une position qui donne du crédit à la proposition, mise au débat public par le PCF, que la candidature de Marie-George Buffet soit, pour la présidentielle de 2007, celle d’un rassemblement sans exclusive autour d’un programme de réelle alternative antilibérale.
Pour la gauche dans son ensemble et au sein de chacune de ses forces, reste à savoir ce qui l’emportera : la tentation du repli ou l’esprit de conquête.
Olivier Mayer