a écrit :En juin dernier, le ministre de l'Economie et des Finances du gouvernement de Villepin-Sarkozy avait déjà affirmé avoir calculé que "chaque enfant naît aujourd'hui avec une dette de plus de 17 000 euros". Effrayé par une telle situation il avait alors " décidé d'en parler avec courage " aux Français.
Aujourd'hui, il double la dose en affirmant que la dette de l'Etat n'est pas de 1 167 milliards d'euros (fin 2005) mais de 2 000 milliards d'euros puisqu'il faut ajouter au premier chiffre les engagements hors bilan de l'Etat pour les retraites des fonctionnaires d'Etat (450 milliards d'euros) et les retraites des collectivités territoriales et des hôpitaux publics (450 milliards d'euros également).
Breton plus ultra-libéral que la Commission européenne La Commission Européenne doit une bonne partie de ses pouvoirs au " Pacte de stabilité " acceptée par les pays de la zone euro en juin 1997. Ce pacte lui confie des pouvoirs exorbitants de contrôle des finances publiques des Etats de cette zone en perpétuant et en durcissant les critères de passage à l'euro (les fameux critères de Maastricht) qui fixaient à 3 % du PIB le plafond du déficit annuel d'un pays de cette zone et à 50 % du PIB le plafond de la dette publique de ces mêmes Etats.
Or, pour cette Commission, les retraites futures des fonctionnaires (même si elles sont un engagement de l'Etat) ne font pas partie de la dette publique. Ces retraites ne sont qu'une dette " implicite ", un simple engagement. Aucun pays au monde (à l'exception du Canada) n'intègre les retraites des fonctionnaires dans le montant de sa dette publique.
La différence entre ces deux types de dette crève pourtant les yeux : la dette publique est la somme des déficits annuels. Pour financer la véritable dette publique, il faut, chaque année emprunter des capitaux. Il n'est nul besoin d'emprunter pour combler le déficit qui serait dû aux retraites des fonctionnaires en l'an 2023 (par exemple), ce déficit n'existant pas. Nous ne sommes pas, en effet, en 2023 et si les recettes fiscales augmentaient suffisamment, ce déficit pourrait même ne pas exister.
Pourquoi d'ailleurs Breton s'arrête-t-il en si bon chemin : les retraites du secteur privé sont garanties par l'Etat, le déficit de la Sécurité sociale et celui de l'Unedic également ? S'il était conséquent, il devrait considérer que la dette publique s'élève donc à 6 ou 7 000 milliards d'euros dans notre pays. Mais peut-être n'est-ce que partie remise ?
Pourquoi, surtout, Breton donne-t-il des bâtons pour se faire battre à la Commission européenne ?
Les retraites des fonctionnaires : une dette parfaitement justifiée La retraite des fonctionnaires est un élément de leur statut. Ils bénéficient d'une telle retraite, financée par leurs cotisations mais surtout par l'Etat, en fonction des services qu'ils rendent à la collectivité.
Pour Thierry Breton, c'est l'inverse qui paraît vrai : toute dépense publique serait injustifiée, qu' il s'agisse d'ailleurs des salaires des fonctionnaires aussi bien que de leurs retraites.
Mais plutôt que de parler de façon extrêmement générale de " réforme de l'Etat ", si Thierry Breton avait le " courage " de dire la " vérité " aux Français il faudrait qu'il leur dise quels sont les fonctionnaires qu'il faudrait supprimer : les agents hospitaliers, les enseignants, les magistrats, les policiers, les agents de la voirie, les cheminots, les traminots, les inspecteurs du travail, les spécialistes de la santé publique, les services vétérinaires en ces périodes de vaches folles et de grippe aviaire ?
Ce que Breton ne veut pas reconnaître c'est que les fonctionnaires (d'Etat ou des collectivités territoriales comme des hôpitaux publics) sont non seulement nécessaires mais aussi indispensables à la cohésion sociale, à la vie de tous les jours et même à la compétitivité des entreprises.
Les objectifs de Thierry Breton
La Commission européenne, après de telles déclarations, risque d'être beaucoup plus pointilleuse sur le montant du déficit français. En donnant ainsi des bâtons pour se faire battre, Thierry Breton reconnaît clairement le rôle de ce Pacte de stabilité : obliger à diminuer les déficits publics en diminuant les dépenses publiques et en privatisant les entreprises privées.
C'est d'ailleurs ce qu'il préconise en s'appuyant sur un rapport (à paraître) d'économistes ultra-libéraux comme Michel Pébereau, Michel Camdessus ou Jacques de Larosière.
Comme pour les retraites ou l'assurance-maladie, le but est de dramatiser afin d'empêcher toute réflexion et d'occulter les vraies raisons de la dette publique. Tout cela, bien sûr, au nom de " la dette qui pèserait sur la tête de nos enfants " qui se porteront beaucoup mieux quand les services publics, les retraites ou le droit de travail ne seront plus qu'un vague souvenir.
Les vraies raisons de la dette publique
D&S a maintes fois tenté de le mettre en lumière: si l'endettement de la France atteint prés de 1 200 milliards d'euros, ce n'est pas parce que les dépenses publiques sont trop importantes. La récente explosion des banlieues démontre exactement le contraire.
Non, si la dette publique est aussi importante c'est parce que les gouvernements successifs depuis plus de dix ans baissent systématiquement les impôts des riches (impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés).
L'Etat perd ainsi sur tous les tableaux : ces rentrées fiscales reculent et il doit emprunter (en payant des intérêts) pour combler le déficit qui en découle. Les détenteurs de capitaux gagnent sur tous les tableaux : ils paient moins d'impôt et il perçoivent les intérêts des sommes qui leur ont été empruntées au lieu de leur être prélevées.
La nouvelle augmentation des taux par la Banque Centrale Européenne accroîtra les bénéfices de ces détenteurs de capitaux et appauvrira l'Etat : Thierry Breton reconnaît lui-même que le service de la dette est le deuxième poste de dépense, après l'Education nationale !
L'euthanasie des rentiers chère à Keynes est plus que jamais d'actualité.
Jean-Jacques Chavigné
A noter que tous les pays capitalistes du Monde ont une dette (de l'administration publique) de la même ampleur que la France donc que celle-ci n'a rien de grave, c'est partie intégrante du fonctionnement du système capitaliste.