Caupo écrit :
a écrit :Dire que les idées ne sont "au mieux" que des "représentations de la réalité" réduit le matérialisme dialectique à un mécanicisme. Les idées ont une vie propre et heureusement, autrement l'avenir de la recherche scientifique, de la philo et de toute activité ou les hypothèses s'avancent aux découvertes de la réalité serait vouée à l'échec.
Que la base des idées se trouve dans le réflexe de la réalité dans nos cerveaux ne veut surtout pas dire qu'elles restent limitées à ce rôle, bien au contraire, les idées peuvent se développer par elles mêmes et jouent à sont tour un rôle fondamental sur les "faits". Autrement on serait forcés de ne rien changer et vu que ça a changé déjà pas mal...
En fait on va des idées vers l'action, et ces actions peuvent correspondre aux faits observés et pensées (la on a bon) ou au contraire ne pas correspondre ou correspondre assez partiellement aux faits (la on a faux). Que les idées soient un réflexe de la réalité complexe cela nous éloigne de l'idéalisme, mais dire qu'on va des faits à l'action, ça nous rapproche de l'idéalisme ( le mécanicisme en est une de ses variantes honteuses)
Nous avons ici en quelques mots, contrairement à ce qui est prétendu, la définition d’une approche idéaliste des phénomènes.
Cet idéalisme s'appuie sur un contre sens éculé : "Dire que les idées ne sont "au mieux" que des "représentations de la réalité" réduit le matérialisme dialectique à un mécanicisme".
C'est pourtant la définition marxiste : Lénine explique : " les choses existent hors de nous. Nos perceptions et nos représentations en sont les images ».
Pour éviter que ce processus devienne "mécaniste", il y deux possibilités (pour schématiser) :
1°) La première consiste, pour s’en sortir, à clamer l’autonomie des représentations ou, à tout le moins, de l’espérer : « Les idées ont une vie propre et heureusement ». Cette illusion est vieille comme l’idéalisme : de Platon jusqu’à Gramsci, qui situe la domination d’une classe sur une autre classe dans l’hégémonie culturelle de la bourgeoisie et érige la lutte idéologique au centre de son combat ; jusqu’à l’école de Francfort qui attribue les grandes catastrophes du XXeme siècle dans les dérives de la rationalité moderne ; jusqu’à Althusser qui, s’inspirant de Gramsci, fait de la domination des « appareils idéologiques d’Etat » le nerf de la guerre ; jusqu’à Foucault qui élabore une conception immanente du discours ; jusqu’à Castoriadis, qui voit dans la volonté autonome une bonne raison de pas se plomber la cervelle ; jusqu’à Bourdieu, qui met sur le même plan « capital économique » et « capital symbolique « ou « intellectuel », qui se décarcasse pour prouver la relative « autonomie » des champs et qui fait de la domination un phénomène "arbitraire" qu'il faudrait dévoiler... On pourrait en mettre une pelée supplémentaire, mais ce serait trop long. A chaque fois, le même résultat : la réalité n’est rien en dehors des représentations qu’on en a ; pour changer la réalité, il suffit donc de changer les représentations. Ce qui compte surtout, en attendant le changement escompté de cette prise de conscience salvatrice , c’est de prouver aux autres et à soi même qu’il existe bien, en ce bas monde, un petit coin de liberté : on est pas des machines, bordel ! ce petit coin s’acquiert arbitrairement en postulant : « les idées ont une vie propre » qui peuvent jouer « un rôle fondamental sur les "faits" ».
2°) La seconde est exprimée par la suite de la citation de Lénine : « Le contrôle de ces images, la distinction entre les images exactes et les images erronées, nous est fourni par la pratique". Marx le disait aussi : « LA PRODUCTION DES IDEES, DES REPRESENTATIONS ET DE LA CONSCIENCE EST D'ABORD DIRECTEMENT ET INTIMEMENT LIEE A L'ACTIVITE MATERIELLE ET AU COMMERCE MATERIEL DES HOMMES, ELLE EST LE LANGAGE DE LA VIE REELLE. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l'émanation directe de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu'elle se présente dans le langage de la politique, des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. d'un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc. mais les hommes réels, agissants, tels qu'ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et des relations qui y correspondent, y compris les formes les plus larges que celles-ci peuvent prendre. ».
Bref : ça veut dire en gros qu’il n’est pas besoin d’espérer la conscientisation pour sauver le monde. Ce sont les conditions réelles de l’existence sociales qui sont déterminantes : non que les idées ou représentations n’ont pas d’impacts sur la vie quotidienne des individus (ce serait idiot de l’affirmer, et personne ne le fait), mais ces idées et représentations prennent origine et forme dans la pratique réelles des individus, dans le procès de travail. Celui-ci, pour le moment, est encore sur la planète à un stade consternant, puisqu’il est dominé par des rapports de production qui font de l’exploitation de l'homme par l'homme leur mode de reproduction... Dire que les idées ont une vie propres, c’est les dissocier de ce processus : c’est l’inverse du matérialisme dialectique. Ne pas comprendre le primat des rapports sociaux de production sur les représentations qu'on en a, c’est ne pas comprendre pourquoi les représentations que se font les hommes de la réalité sont à ce point... idéalistes. Donc : « on va des idées vers l’action » ne veut rien dire si on déconnecte les idées de l’action, c'est-à-dire des conditions matérielles de la vie sociale dont les idées sont issues.
Ce dernier point permet aussi de comprendre pourquoi la science n’est pas vacciné contre « l’échec ». Car, répétons-le, la science (« humaine » ou sociale principalement) n’est pas un mouvement, autonome, détaché des processus du travail réels, ni un mouvement se réalisant dans la subjectivité plus ou moins féconde de savants ou d’intellectuels ; le développement scientifique est conditionné par – et en cela il le reflète – par l’état du développement social et des rapports de production d’une époque considérée. C’est en fonction de cet état que nos cerveaux vont fonctionner plus ou moins bien, pour se représenter le monde, se l’expliquer et le comprendre. Dire cela, ce n’est être « forcé de ne rien changer », c’est précisément l’inverse. C'est-à-dire fonder la nécessité de la révolution sur autre chose que l'illusion d'une « vie propre » des idées.
Précision : je disais "sciences humaines et sociales principalement", parce que dans les sciences dites exactes, il est des résultats qu'on peut cummuler aux cours des siècles et se protéger ainsi des réculs. En sciences sociales, par contre, s'il n'y a pas de mouvement ouvrier capable de secouer le cocotier, rien ne peut réellement empêcher les "spécialistes", "experts" et autres "sociologues sympas" de revenir à des vieilles rengaines idéalistes (solipsisme, structuralisme, constructivisme et quelques autres aberrations épistémologiques en cours ou à venir).