a écrit :950 euros moins 150
L. a plus de 25 ans. Il a travaillé pendant six ans "au noir dans le bâtiment ou le textile" et habite chez ses parents. Aujourd'hui, il reçoit une de ses premières payes officielles de chez Darty. Et ça l'énerve: "950 Euros pour un mois entier de travail. 35 heures par semaine. Que veux-tu que je fasse avec ça. Je ne peux pas prendre un appart en tout cas. Et le mois prochain, on me retirera 150 euros parce que j'ai été malade pendant trois jours. On me dit que si je veux être payé, je dois venir même quand je ne tiens pas debout." Un de ses collègues a un enfant et un loyer. "Lui, il a reçu 850 euros ce mois-ci. Il a dû se faire arnaquer." L. gagnait presque deux fois plus quand il "bossait comme un clandestin". "Voilà pourquoi plein de jeunes ne veulent pas travailler", conclue-t-il.
Par Paul Ackermann
a écrit :Resquiller dans le bus avec Dolly
Tous les matins quand elle a le temps, Dolly amène ses enfants à l'école (voir le post de samedi précédent). Comme beaucoup de mères. Sauf qu'elle a toujours la peur au ventre quand elle monte dans le bus, car elle n'a pas les moyens de payer le ticket. Avec 15 euros/jour de salaire dans le restaurant où elle travaille parfois, elle n'a simplement pas de quoi. (Prix du ticket: 1,4 euro). Tous les jours, elle prie qu'il n'y ait pas de contrôleurs. Jusqu'à présent avec succès.
Ce matin, je suis à 08:10 à Pavillons sous-les-bois pour accompagner la petite famille jusqu'à l'école de Noisy-le-sec. Moi, non plus je n'ai pas de ticket, s'il y a un contrôle, je serai dans le même panier. Les deux petites filles de Dolly (la troisième, l'aînée est déjà partie plus tôt) sont à croquer. Celia, 9 ans et Raïssa, 8 ans. Intelligentes, bien élevées et d'une incroyable gaîté. Elles réussissent bien à l'école et aimeraient devenir médecin. Les deux sont nées au Congo, mais elles se souviennent à peine du pays. Leur patrie c'est ici. "Noisy-le-sec c'est génial!"
Les deux ne se rendent pas encore vraiment compte de l'horrible choix qu'a du faire Dolly: demander à l'assistance sociale de les mettre en pension. Le couple qui héberge momentanément Dolly et les enfants veut les mettre dehors. Bientôt elle n'aura plus de toit pour eux. Et l'argent manque. Les filles n'ont que deux pantalons chacune. J'ai le cœur qui se serre en entendant Raïssa dire à sa mère: "Ce soir maman, je vais prier pour toi."
Et pourtant, il ne faudrait pas grand-chose à Dolly pour reprendre pied: un appartement, même un studio une pièce. "Avec cela, je pourrais travailler à la maison et gagner de l'argent. Je sais faire des nattes et j'aurais des clientes." Alors les enfants pourraient rester avec elle et attendre septembre prochain quand Dolly devrait enfin obtenir un titre de séjour.
Nous sortons du bus. Les contrôleurs n'étaient pas au rendez-vous aujourd'hui. Ouf! Dernièrement, Raïssa s'est fait prendre, mais elle a eu de la chance. Elle a fondu en larme et on l'a laissée partir. A présent, elle rigole à nouveau avec les autres enfants. Rien ne semble la distinguer parmi les autres, si ce n'est ce destin plus lourd que la plupart de ses camarades.
Je prends encore un café avec Dolly. Elle me parle de ses rêves. A Kinshasa, elle a étudié le droit pendant deux ans à l'Université. Elle a du interrompre ses études pour suivre son mari en France, qui l'a abandonnée entre temps, sans se préoccuper le moindre du monde d'elle. Le Monsieur serait dans les environs à enchaîner les aventures féminines.
A présent, Dolly rêve de reprendre les études: "J'ai lu dans L'Hebdo une annonce pour un certificat en Droits de l'Homme à l'Uni de Genève, par correspondance. Vous pensez que c'est intéressant?" Mais le plus important sont ses enfants: "Qu'importe que je sombre, pourvu que leur vie soit meilleur que la mienne.
Par Pierre Nebel
Ps: Ami lecteur, si tu as un logement à proposer à Dolly, n'hésite pas à t'annoncer. [url=mailto:pierre.nebel@hebdo.ch]pierre.nebel@hebdo.ch[/url]
a écrit :Alexis, Français, fils de communiste et converti à l'Islam
C'est un hasard, mais juste après avoir rencontré Youssef, j'ai rendez-vous avec Alexis, le fils de Gabrielle, la militante communiste dont Serge avait fait le portrait sur le blog. Lui aussi s'est converti à l'Islam il y a 7 ans. Quand je le vois descendre de sa voiture, je me dis qu'il ne ressemble vraiment pas à un extrémiste. Très doux, attentif et habillé comme n'importe qui.
Je prends ma Xème assiette grecque (je ne pourrais bientôt plus les voir) depuis mon arrivée à Bondy alors qu'Alexis me raconte son histoire:
"J'ai toujours eu des amis musulmans dans la cité. Une fois, l'un d'entre eux qui était sur la voie de la délinquance s'est totalement transformé après avoir découvert la religion. Il est devenu serein, calme, opposé à la violence. Cela m'a poussé à m'intéresser à sa foi. J'ai alors compris que cette religion véhicule des valeurs très proches du christianisme.
Après ma conversion, j'étais très attentif aux enseignements des gens qui disaient connaître l'Islam. Je faisais les prières et me conformait aux règles. Mais peu à peu j'ai découvert que les personnes qui prétendaient m'expliquer la religion n'y connaissaient en fait pas grand-chose. Les Maghrébins ne font parfois pas la différence entre leur culture et leur religion. Ils disent "il faut faire cela" et je leur répond "où est-ce écrit dans le Coran?". Et alors ils hésitent et doivent bien avouer qu'ils ne l'ont jamais ouvert.
Désormais j'ai une interprétation très personnelle de l'Islam. Je lis le Coran et je me fais ma propre opinion. Tout ce qui vient de la création vient de Dieu. Tout ce que l'on peut apprendre sur elle permet de s'approcher de Lui.
Le djihad? Il faut le voir dans le contexte de l'époque, toutes les religions étaient guerrières. Désormais les choses ont évoluées. Le prophète a dit qu'il fallait convertir les gens par la persuasion et non par la force. Les femmes? Il y a un devoir de réserve de l'homme comme de la femme par rapport à leur anatomie. Mais pour moi, se couvrir la tête quand on prie signifie juste mettre un petit chapeau comme les juifs."
Alexis a des allures de sage. Il est aujourd'hui voiturier et il a une copine catholique qu'il ne cherche pas à convertir. "Si j'ai des enfants, ils pourront choisir." La conversation se poursuit sur les émeutes. Alexis qui a passé toute son enfance dans les cités a une opinion originale sur leur origine:
"J'interprète cela comme un jeu. Les jeunes ont vu les flics et ont voulu jouer avec eux. En fait c'est bizarre, parce que j'ai l'impression que la situation s'est bien améliorée dans les cités. Dans la cité rouge (Bondy) quand j'étais jeune, il y avait des courses poursuites entre les voitures de police et des jeunes à moto presque tous les jours . Il y avait aussi une véritable guerre de bande avec Bondy nord. Mais maintenant, tout est beaucoup plus calme.
Les jeunes à la TV disent "on brûle des voitures car la société nous rejette et nous donne pas de travail". En fait, je vois tout de suite qu'ils n'en cherchent pas vraiment. Est-ce qu'ils se lèvent tous les matins à 08:00 pour répondre aux annonces? J'ai un ami beur qui a travaillé dur depuis l'âge de 16 ans. Il s'est donné de la peine et aujourd'hui il a un très bon poste. Beaucoup de jeunes pensent mériter quelque chose, mais sans avoir rien fait."
Par Pierre Nebel
Rédigé le 11/12/2005
a écrit :Société
Un blogueur suisse pris à partie à Bondy
Le magazine «L'Hebdo» s'est installé à Bondy depuis le 11 novembre dernier pour y tenir un blog. Mais dimanche soir, plusieurs jeunes ont tenté de pénétrer dans les locaux des blogueurs au cours de ce qui pourrait être une tentative d'intimidation.
Par Ludovic Blecher
lundi 19 décembre 2005 (Liberation.fr - 19:08)
c'est «pour voir la France» que le Newsmagazine suisse «L'Hebdo» a pris ses quartiers à Bondy. Depuis le 11 novembre, alors que le retour au calme se confirmait en banlieue parisienne, des journalistes ont élu domicile dans cette ville de Seine-Saint-Denis. Objectif: chroniquer, sur un blog (1) et de façon hebdomadaire dans le journal, le quotidien en banlieue. En «immersion» totale, six reporters se sont relayés dans un hôtel puis dans un local prêté pour l'occasion par un club de foot. Dans cette pièce de 20 mètres carrés, un matelas a été installé pour permettre aux envoyés spéciaux de «camper», comme ils disent. C'est là que Paul Ackermann, 28 ans, spécialiste des «questions de société», a pris son «service» le 16 décembre. «Je m'amusais bien, j'ai fait des virées avec les habitants pour voir dans quel genre d'endroits ils sortent», raconte-t-il. Il se sentait même «en confiance» avec son environnement. Jusqu'à dimanche soir.
Ce soir là, donc, vers 21h00, «un jeune black d'une vingtaine d'année sonne à la porte». Le reporter ouvre. «Il m'a demandé s'il y avait des gens du club, raconte Paul Ackermann. Je lui a répondu: “non, juste un journaliste“». Fin de l'échange. «Une demi-heure plus tard, il revient, poursuit le blogueur sur son site. Il sonne. J'ouvre à nouveau. Mais cette fois-ci il est accompagné. Un autre, masqué, surgit de derrière le mur. Je tente violemment de refermer la porte mais ils la bloquent, tendent un bras et giclent du gaz lacrymogène dans toute la chambre.» Paul se met à crier et durant une minute, ses agresseurs tentent de forcer l'entrée avant de s'enfuir.
Que voulaient-ils ? «L'ordinateur ou le départ de «L'Hebdo?»», s'interroge Paul Ackermann. Lundi, il n'avait toujours pas la réponse mais, en accord avec sa rédaction, il a décidé de ne pas porter plainte. «Le président du club de foot et ses amis étaient très choqués. Ils ont pris ça comme une attaque personnelle mais il ne voulaient pas que la police s'en mêle», explique le jeune homme. Son rédacteur en chef, Alain Jeannet, assure que «si ça se détériore on déménagera» mais pas question d'arrêter le blog pour autant. D'autant que l'audience a doublé depuis l'agression avec 1300 visiteurs hier. Paul sera donc remplacé comme prévu jeudi prochain. Et d'ici fin février «toute la rédaction (soit 25 personnes) y passera», promet «L'Hebdo».
http://www.liberation.fr/page.php?Article=346139
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