Je suis assez d'accord avec Vérié (tout arrive !) et c'est pourquoi, contrairement à Nuit Noire, je ne le ferai pas circuler en dehors de cercles militants et sans en discuter.
Car le personnage de Donnadieu est effectivement le héros positif. Donnadieu en tant qu'acteur a eu une récompense pour son rôle dans le film, et s'y est tellement investi qu'il en fait la pub lui-même. Or ce personnage est une franche crapule. Un bureaucrate radical, qui sait coller aux masses, comme on sait le faire à la CGT et bien plus mal à la CFDT ou à FO, pour mieux les vendre au patronat. C'est ainsi qu'il conçoit son rôle d'avocat des travailleurs : arracher des compromis "raisonnables", même quand les gens ne sont pas "raisonnables"...
Bien des militants de LO se sont trouvés dans cette même position de négociateur dans des conflits. Ils ne mentent pas aux gens, ne leur font pas prendre le compromis pour autre chose qu'il est. Cellule de reclassment ? Création d'emplois ? on sait que c'est bidon, à quoi ça sert de faire semblant d'y croire ? Larose lui-même en fait un bilan plus que mitigé dans son livre et préconise quoi ? d'autres cellules de reclassement !!! Avoir 80 000 F quand on en voulait 150, ça arrive. Mais quand les gens l'ont décidé ainsi, se disent qu'ils sont au bout, qu'ils ne peuvent pas plus. Pas quand un bureaucrate a décidé à leur place, en négociant dans leur dos le chiffre du compromis avec une ministre devant laquelle il est petit garçon (son rôle dans le film est arrangé par rapport à ce qu'il en dit lui-même dans le livre).
Il ne s'agit pas de dire de façon puérile "pas de compromis". C'est une attitude qui apprend des choses aux gens. Une attitude qui leur donne confiance en eux, qui fasse qu'ils reprennent la tête haute, avec le sentiment d'avoir été au bout de ce qu'ils pouvaient, sans avoir été trahis.
Et qui permet parfois de gagner plus. Avec des militants de LO, les mineurs de potasse Lorraine ont gagné plus, ceux de Chausson Creil et Gennevilliers aussi. Et ont eu la satisfaction d'avoir fait ce qu'ils voulaient. Des années après, ils s'en souviennent avec fierté. J'ai rencontré une fois un ancien de Renault 47 qui parlait encore de sa grève avec fierté...