55% de Non au réferendum : victoire ou pas?

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Philippe » 11 Juin 2005, 10:34

(Monde Diplomatique a écrit :
ESPOIRS
Une fois encore, en disant « non » de manière retentissante, le 29 mai 2005, au projet de traité constitutionnel pour l’Europe, la France rebelle a fait honneur à sa tradition de « nation politique par excellence ». Elle a secoué le Vieux Continent, suscitant à nouveau l’espoir des peuples et l’inquiétude des élites établies. Elle a renoué avec sa « mission historique » en faisant la preuve, par l’action audacieuse de ses citoyens, qu’il est possible d’échapper à la fatalité et aux pesanteurs des déterminismes économiques ou politiques.
Car ce « non » a une signification centrale : il marque un coup d’arrêt à la prétention d’imposer, partout dans le monde et au mépris des citoyens, un unique modèle économique – celui défini par le dogme de la globalisation.
Ce modèle avait déjà suscité, depuis le milieu des années 1990, des résistances diverses. Par exemple, lors du grand mouvement social en France de novembre 1995. Ou encore à Seattle (1999), où naquit ce qu’on devait appeler ensuite – surtout après le premier Forum social mondial de Porto Alegre (2001), suivi des événements de Gênes (2001) – le « mouvement altermondialiste ». Et dans divers Etats, de l’Argentine à l’Inde, en passant par le Brésil. Mais c’est la première fois que, dans un pays du Nord et dans le cadre d’une consultation politique institutionnelle, une société a l’occasion de dire officiellement « non » à la globalisation ultralibérale.
Les éditorialistes des médias dominants, tels des entomologistes penchés sur un insecte qu’ils croyaient disparu, tentent de défigurer le « non » massif de la France. Ayant pour la plupart fait une campagne unilatérale pour le « oui » en dénonçant le « populisme », la « démagogie », la « xénophobie », le « masochisme », etc., de leurs adversaires, ils se révèlent incapables d’adapter leurs analyses à l’ampleur de leur déroute. Extraordinaire suffisance de notables qui ne comprennent pas – et supportent encore moins – que le peuple (mot qu’ils n’utilisent qu’en se pinçant le nez) ait refusé de se ranger aux prescrïptions du « cercle de la raison » européiste. Car c’est bien le peuple qui a repris le chemin des urnes : 30 % d’abstentions seulement, contre 57 % il y a tout juste un an lors des élections au Parlement européen.
Cette mobilisation, en particulier dans les catégories populaires et aussi chez les jeunes, sur un thème aride – un texte de 448 articles, sans compter les annexes, déclarations et protocoles – constitue à elle seule un succès inespéré pour la démocratie. Le peuple a fait son grand retour : face au sentiment de dépossession s’exprime sa volonté de réappropriation.
Depuis ses débuts en 1958, et surtout depuis l’Acte unique européen de 1986, la construction communautaire a exercé une contrainte croissante sur toutes les décisions nationales. Le traité de Maastricht (1992), puis le pacte dit de stabilité et de croissance (1997) ont retiré aux gouvernements deux des leviers majeurs de l’action publique : la politique monétaire et la politique budgétaire. Le troisième, la politique fiscale, est de moins en moins autonome, car elle s’inscrit dans une logique généralisée de « concurrence libre et non faussée ».
Les citoyens ont compris que le traité soumis à leur approbation «  constitutionnalisait », à l’échelle européenne, la concurrence exacerbée non seulement entre les producteurs de biens et de services, mais aussi entre l’ensemble des systèmes sociaux happés dans une spirale descendante. Ce n’étaient certainement pas les très maigres «  avancées » démocratiques du traité qui pouvaient contrebalancer le verrouillage du modèle concurrentiel qu’il induisait, vidant ainsi de signification les futures consultations électorales.
Le vote « non » a été un vote extrêmement informé par des milliers de rencontres, débats et lectures, les ouvrages sur la Constitution ayant figuré pendant des mois en tête des succès de librairie. Face à la propagande d’Etat, relayée par la plupart des médias, les citoyens ont voulu se faire leur propre opinion. Ils y ont été aidés par le travail de fourmi réalisé sur le terrain par les multiples collectifs qui se sont spontanément mis en place dans toute la France, en particulier les comités locaux d’Attac. Ce foisonnement fait honneur à la démocratie...
CE VOTE A-T-IL ÉTÉ NATIONALISTE ? Non, il a été très majoritairement pro-européen. Ne s’y sont pas trompés tous ces syndicalistes et militants associatifs de nombreux pays de l’Union qui, soit chez eux, soit par leur participation à la campagne en France, ont témoigné de leur solidarité avec l’aspiration à une autre Europe portée par les forces vives du « non ». Privés de référendum, beaucoup d’Européens ont demandé aux Français d’émettre en leur nom un vote par procuration !
A l’étranger, certains ont interprété ce « non  » comme un affaiblissement de l’Europe face aux Etats-Unis qui laisse la grande puissance américaine sans contrepoids. Ils se trompent : la Constitution aurait aligné encore plus l’Union (en particulier sur le plan militaire) sur Washington.
Une situation nouvelle est créée, permettant une remise à plat des valeurs et des règles du vouloir vivre en commun en Europe. Ce vouloir vivre ne saurait se réduire à son degré zéro qu’est la liberté de circulation des capitaux, des biens, des services, et même des personnes. De ce point de vue, le «  non » du 29 mai ne ferme aucune porte. Il permet, en revanche, tous les espoirs.
IGNACIO RAMONET.
LE MONDE DIPLOMATIQUE | JUIN 2005 | Page 1
Maintenant, j'ai difficile de faire un choix sur le sens du non. Tous dépend, à mon avis, d'une continuation de la mobilisation . Mais de fait, "ce n'est pas une victoire des travailleurs", mais (je l'espère) le début d'un combat.
Philippe
 
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Message par lenzo » 11 Juin 2005, 10:54

Monde diplo :
a écrit :Le traité de Maastricht (1992), puis le pacte dit de stabilité et de croissance (1997) ont retiré aux gouvernements deux des leviers majeurs de l’action publique : la politique monétaire et la politique budgétaire. Le troisième, la politique fiscale, est de moins en moins autonome, car elle s’inscrit dans une logique généralisée de « concurrence libre et non faussée ».

OK la politique monétaire n'est plus décidé indépendamment dans chaque Etat, on n'est plus à l'ère du franc mais de l'euro...
Quand aux politiques fiscale et budgétaire alors là les gouvernements nationaux font ce qu'ils veulent ou presque sur les prélèvements et la redistribution, sur la nature et le montant des impôts comme sur les subventions au patronat ou les versements à la santé et à l'éducation.

Peut être un chouïa hors sujet ? :ermm:
lenzo
 
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Message par Philippe » 11 Juin 2005, 11:26

Camarde Lenzo, ne crois-tu pas que, justement, les politiques nationales sont conditionnées par l'idéologie capitaliste et que la liberté d'action des Etats, au niveau imposition et répartition devient toute relative ? Avec la tarte à la crème du déficit national brut et leur phantasme de convergence, les politiques nationales européennes tendent à se cloner dans un même moule. Chasse aux chômeurs, privatisations sauvages. Flexibilité du travail comme condition de la croissance. Flexibilité sous la cravache plutôt, pour transformer le travailleur en esclave docile. Le lobby des vautours de l’assurance privée lorgnant sur le pactole juteux que serait la disparition de l’assurance sociale. Même s’il existe encore une liberté « relative » des Etat de la CEE, l’Europe, avec sa soumission au « lois de marché » impose de plus en plus, non seulement d’accroître les richesses des nantis mais de plus, d’éradiquer tout ce qui constitue le social, la solidarité, le bien commun.
Philippe
 
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Message par logan » 11 Juin 2005, 12:02

(Caupo @ samedi 11 juin 2005 à 12:04 a écrit : Bref, le 29 ça a été un vote "nationaliste" anti-immigrés, cela n'a pas porté des conséquences, chirac ça va, et cela ne prefigure rien vu qu'aujourd'hui "rien ne se  passe"....


Caupo, ne caricature pas mon propos.

Le fait est que des raisons nationalistes existent en bonne place parmi les motivations à voter non.
Or ces raisons sont totalement passées sous silence par certains qui font dans le triomphalisme, c'est tout ce que je dis.
logan
 
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Message par logan » 11 Juin 2005, 12:21

(Caupo @ samedi 11 juin 2005 à 12:04 a écrit : Le vote du 29 mai a été un vote de classe par sa composition sociologique et prefigure un glissement sur des positions de classe des travailleurs frappés par la politique de la droite, cela malgré les relants nationalistes d'un secteur des votants (c'est pour eviter cela justement qu'il y aurait fallu faire une campagne d'explication à fond) et ce vote qui a été bien ressenti comme tel, comme un vote de classe, est un pas en avant très important pour les luttes qui inévitablement se produiront à des écheances plus fréquentes et plus aigues, non pas d'une quelconque désir ou devinette, mais des conditions objectives crées par le patronat et le gouvernement.

"Un vote de classe par sa composition sociologique"?

Ca semble le bon sens même quand 80% des ouvriers et chomeurs votent non.

Pourtant cela ne suffit pas à parler d'un vote de classe.
Ou alors quand LePen réunit des millions de voix de chômeurs et d'ouvriers sur son nom c'est un vote de classe?

Ce qui définit une classe ce n'est pas seulement sa place dans la société. C'est aussi et surtout la conscience qu'elle a d'elle-même, la conscience qu'elle a de ses objectifs et sa capacité de les atteindre au travers des luttes.

Alors peut-on intérpréter le vote non comme le vote d'une classe consciente de sa force et prête à en découdre?
Je l'espère mais pour l'instant STRICTEMENT RIEN ne le montre (ah si les 3000 manifestant à la bastille le soir du vote!! :noel: )
logan
 
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Message par Barikad » 11 Juin 2005, 15:03

Bien sur que c'est un vote de classe, c'est indeniable !
Vouloir faire" le tri dans les motivations des electeurs est un exercice difficile et surtout vain. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'une majorité de travailleurs s'est deplacé dans les bureaux de vote pour infliger une claque à la droite et à la gauche. Qu'ils l'aient fait avec des illusions et des préjugés, comment pourrait il en etre autrement ???

(Caupo a écrit :(quoique bien plus importante que celle de la LCR qui a parle et servi la soupe à la Buffet et à Fabius mais qui n'a pas fait le boulot dans la rue ni dans les boites)

C'est pourle moins inexact, pour ne pas dire faux...
Barikad
 
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Message par logan » 11 Juin 2005, 16:29

Touriste voici ce qu'écrivait LO dans lutte de classe, AVANT que le non l'emporte.


(Lutte de Classe N°88 avril%mai 2005 a écrit :

France - Non à leur projet de Constitution

[...] Alors, si le « non » l'emporte, il y aura lieu de se réjouir tout simplement parce que le projet de Constitution est rejeté. Ceux qui nous gouvernent sauront au moins qu'ils ne peuvent pas faire cautionner par les électeurs tout et n'importe quoi. Nombre d'électeurs en tireront la satisfaction d'avoir embêté Chirac, Raffarin et compagnie, ceux qui assument depuis trois ans la politique rétrograde que l'on sait. 
Que Hollande, Strauss-Kahn, Lang et compagnie se soient mis dans le même lot ajoutera une satisfaction supplémentaire pour beaucoup. Qu'il ne soit pas dit que l'électorat socialiste lui-même pardonnera chaque fois aux dirigeants de son parti de se mettre à la remorque de Chirac, Raffarin et Sarkozy. Pour une fois, les dirigeants du Parti socialiste paieront pour avoir proposé, en guise de « politique de gauche », rigoureusement la même que ce que propose la droite. 
Bien sûr, en cas de victoire du « non », Raffarin risque d'y laisser sa place, à moins qu'il soit écarté d'ici là à titre préventif. Mais, bien entendu, la victoire du « non » n'empêchera pas un seul patron de licencier, pas plus qu'elle n'en incitera un seul à augmenter les salaires! Et le successeur éventuel de Raffarin, quel qu'il soit, ne reviendra sur aucune des mesures réactionnaires prises par le Premier ministre actuel. 


Il n'y a pas une virgule à changer
logan
 
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