a écrit : Un meurtre enflamme à nouveau le centre-ville de Perpignan
LE MONDE | 30.05.05 | 14h01
Une semaine après la mort de Mohamed Bey-Bachir, Franco-Algérien de 28 ans lynché par un groupe de Gitans (Le Monde des 25 et 27 mai), un nouveau crime, dimanche 29 mai, a relancé les violences en plein coeur de Perpignan, où cohabitent communautés gitane et maghrébine. Un homme d'origine maghrébine a été tué par arme à feu, dimanche en fin d'après-midi, puis huit autres personnes ont été blessées, dont deux par balles, au cours d'affrontements survenus ultérieurement.
Dans la nuit, le centre de Perpignan et plusieurs quartiers populaires périphériques ont été quadrillés par les forces de l'ordre. Selon la préfecture, 425 hommes ont été déployés dès le début de la soirée, lorsqu'ont commencé les premières échauffourées, alors que le calme avait régné jusque-là, au lendemain d'une marche de deuil qui avait rassemblé 5 000 personnes de la communauté maghrébine. Une cinquantaine de voitures ont été brûlées, 37 personnes ont été interpellées et placées en garde à vue lors des violences.
"LA GUERRE EST DÉCLARÉE"
Dimanche, vers 18 h 45, rue Dugommier, au coeur du quartier Saint-Matthieu, un homme prénommé Driss, issu de la communauté maghrébine, était sur le pas de sa porte et parlait avec des voisins, selon des témoins, quand une Peugeot 205 blanche a surgi au bout de la petite artère avec deux hommes et une femme à son bord. Le véhicule s'est avancé pour se placer à hauteur de l'homme quand, soudain, l'un des occupants a sorti une arme et lui a tiré plusieurs coups de feu à bout portant.
Selon d'autres témoignages, c'est un homme à pied qui serait l'auteur du meurtre. "Rien ne permet pour le moment de dire si le tireur était gitan, arabe ou européen" , ont déclaré les autorités.
L'appel à la vengeance s'est alors propagé de quartier en quartier : Saint-Matthieu, Saint-Jacques, le Vernet. En moins d'une heure, la ville s'est retrouvée à feu et à sang. Rue Dugommier, alors que tous les accès au quartier étaient bouclés par les forces de l'ordre, un attroupement de membres de la communauté maghrébine se pressait autour du lieu du crime pour crier sa haine et sa soif d'en découdre.
"La guerre est déclarée. On ne va quand même pas se laisser faire" , entendait-on dans la foule, tandis que, derrière un cordon de sécurité, les services de police, rejoints par le procureur de la République et un juge d'instruction, procédaient aux constatations et aux prélèvements d'usage. Le ton et la colère ont monté.
Des groupes se sont détachés du rassemblement pour ouvrir la voie en direction de Saint-Jacques avec la ferme intention de "déloger les Gitans" de la place du Puig. D'autres arrivaient encore, barres de fer, couteaux, et pelles de chantier à la main. Des habitants de Saint-Matthieu ont ensuite formé un cortège destructeur, brisant les vitrines des commerces de la rue Foch, fracassant les pare-brise et les vitres des véhicules, incendiant les poubelles et les voitures et laissant sur leur passage un spectacle apocalyptique dans toutes les rues du centre-ville.
Les abords de la place Cassanyes avaient déjà sombré dans le chaos. Au milieu des flammes et des affrontements entre les forces de police et les casseurs, des coups de feu ont retentit depuis les fenêtres et les balcons des immeubles. Soudain, un autre homme s'est écroulé au milieu de la place, blessé à la tête. Un autre encore a été blessé par balle rue Lucia, où Mohamed Bey-Bachir avait été roué de coups mortels une semaine auparavant. Plusieurs voitures ont été incendiées à proximité du poste de police de la place Cassanyes, peu après 20 heures, tandis que des manifestants s'en sont pris aux vitres du bâtiment, à l'aide de bâtons et de barres métalliques.
Deux coups de feu ont été tirés contre les forces de l'ordre, qui ont riposté à l'aide de gaz lacrymogènes en chargeant les manifestants. Les coups de feu n'ont pas fait de blessé parmi les forces de l'ordre. Dans la nuit, le quartier Saint-Matthieu a été isolé par un cordon de gardes mobiles. Des échauffourées ont également eu lieu dans le quartier des Baléares.
La préfecture, où une cellule de crise a été installée, a demandé des renforts à Marseille, Toulouse et Bordeaux pour venir appuyer les trois compagnies de 80 CRS qui assurent le maintien de l'ordre dans le quartier depuis une semaine. Tandis que, la nuit, des patrouilles de la sécurité urbaine parcouraient les rues commerçantes dévastées du centre de la ville.
Jean-Claude Marre
Article paru dans l'édition du 31.05.05
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