:whistling_notes: "J'ai la mémoire qui flanche
J'me souviens plus très bien..." :whistling_notes:
... bon, pas trop en fait puisque, vérification faite, l'article d'Einstein auquel je pensais n'est pas de 1905 mais de 1907 :
"Über das Relativitätsprinzip und die aus demselben gezogenen Folgerungen" - Jahrbuch der Radioaktivität und Elektronik, Vol.4, pp.411-462, 1907
Dans cet article, Einstein aborde entre autres la question de ce qu'il appelle "la masse inertielle de l'énergie" ; il y formule pour la première fois l'idée d'un décalage spectral d'origine gravitationnelle, après un paragraphe où il traite de l'application du principe de relativité ("c'est-à-dire l'hypothèse de l'indépendance des lois de la nature vis-à-vis de l'état de mouvement du système de référence", dixit Einstein) à des systèmes en translation uniformément accélérée l'un par rapport à l'autre (d'où l'équivalence avec un champ de gravitation uniforme). Il s'agit donc, dans un cas particulier traité de façon approchée, d'une extension de la relativité restreinte, laquelle découlait de l'application de ce principe à des systèmes non accélérés... mais on est encore bien loin de la relativité générale (1915).
Einstein revient sur le sujet dans un autre article, en 1911, toujours antérieur donc à la relativité générale, où il formule explicitement le principe d'équivalence... et en déduit la "pesanteur de l'énergie" et le décalage spectral gravitationnel :
"Über den Einfluss der Schwerkraft auf die Ausbreitung des Lichtes" - Annalen der Physik, Vol.35, pp.898-908, 1911
[ces deux articles existent en traduction française partielle dans le volume 2 des OEuvres choisies de Einstein, publiées sous la direction de Françoise Balibar aux Editions du Seuil, en 1993]
Par la suite, c'est-à-dire après la relativité générale, le décalage gravitationnel vers le rouge sera effectivement longtemps considéré comme l'un des tests possibles de cette théorie... mais en fait, à tort ! En effet, dans la mesure où cet effet découle directement du principe d'équivalence, il s'accorde avec toutes les théories métriques de la gravitation, c'est-à-dire avec les théories qui associent la gravitation à une courbure de l'espace-temps. La relativité générale est l'une de ces théories, dans laquelle la relation entre courbure locale et densité de matière est donnée par les équations d'Einstein ; dans d'autres théories (comme celles de Brans & Dicke ou de Rosen) la métrique dépend autrement de la distribution de matière. Pour toute une série de phénomènes physiques, ces théories conduisent à des prédictions quantitatives différentes : il devrait donc être possible, en principe, de discriminer au moyen de tests expérimentaux extrêmement précis... mais aussi extrêmement difficiles à mettre en oeuvre de façon incontestable (la simple mise en évidence expérimentale du décalage gravitationnel vers le rouge, en 1960, a déjà représenté une sorte d'exploit de physique expérimentale !). Il y avait pas mal de travaux là-dessus il y a quelques années ; je ne sais pas où ça en est aujourd'hui...
[une référence déjà un peu ancienne sur le sujet : "La renaissance de la relativité générale" - Clifford Will in "La nouvelle physique" - collectif sous la direction de Paul Davies, Flammarion, 1993]
... j'espère ne pas déclencher les foudres de Caupo avec cette référence : Paul Davies est en effet un physicien théoricien, croyant, auteur entre autres choses de God and the new physics et Mind of God... dénoncé comme représentant d'un courant cherchant à "injecter du mystique et du religieux dans la science" par Woods & Grant dans Reason in revolt !
(Shadoko @ jeudi 5 mai 2005 à 00:05 a écrit :il n'y a aucune raison qu'une particule sans masse (photon) perde de l'énergie en s'arrachant d'un champ gravitationnel.
... si, justement en raison de l'équivalence masse-énergie, même si le photon n'a évidemment pas de masse au repos. Même chose dans le fond que pour la quantité de mouvement du photon, qu'on peut très simplement mettre en évidence expérimentalement (voir par exemple la mise en rotation d'un système à ailettes semi réfléchissantes sous l'effet de la lumière... si l'expérience existe toujours dans la salle d'optique du Palais de la découverte, à Paris).
Ceci dit, j'ai écrit en partie une bêtise plus haut : en 1905, Einstein ne parle évidemment pas de trous noirs ou de courbure de l'espace-temps... mais la déviation gravitationnelle des rayons lumineux figure, elle, dans l'article de 1907 -- donc, once more, avant la relativité générale... et en fait pour les mêmes raisons que le décalage spectral gravitationnel...