les contre-vérités du non

Message par pelon » 01 Avr 2005, 11:43

a écrit :
Point de vue
Référendum : les contre-vérités du non
LE MONDE | 30.03.05 | 14h30  •  Mis à jour le 30.03.05 | 15h42

Le débat sur la Constitution européenne vient de commencer de la pire des manières : par
la contre-vérité. Ou plutôt par des contre-vérités, une avalanche de contre-vérités, déclenchée par ceux qui appellent les Français à voter non.

Loin de moi l'idée de condamner ce vote sous prétexte qu'il ne sera pas le mien. Les Français doivent avoir le choix. Mais si un Français sur quatre paraît envisager de voter non aujourd'hui, autant que ce soit en connaissance de cause. Or au coeur du pacte qui se noue sous nos yeux entre la gauche de la gauche et la droite de la droite, il y a le permis de mentir, sans limites.

Je passe sur le hooliganisme verbal qui a secoué notre vie publique ces jours derniers, allant jusqu'à comparer l'approbation de la Constitution européenne à la collaboration pétainiste. Il donne la mesure de la violence que s'autorisent les thuriféraires du non. A Guéret, ils furent à deux doigts du passage à l'acte.

Mais c'est probablement dans la contre-vérité plus que dans l'injure que peut se lire la stratégie de campagne du non. A campagne polyphonique, contre-vérités plurielles. J'ai envie d'évoquer trois d'entre elles.

Première contre-vérité : voter non, c'est refuser la directive sur la libéralisation des services, dite "Bolkestein", et (dixit M. de Villiers) la "priver de base juridique".

Stupéfiante ambition, étant donné que : 1) il ne s'agit que d'un projet, dont le Conseil européen vient d'ailleurs de décider, à la demande de la France, de revoir le contenu ; 2) la Constitution européenne n'étant pas en vigueur ­ c'est précisément l'objet du référendum ­, on voit mal comment elle pourrait fournir la fameuse base juridique.

Bref ! La vérité est que le vote référendaire sera sans aucun effet sur ce projet de directive, fondé sur le bon vieux traité de Rome de 1957. Sauf à les croire affectés de troubles spatio-temporels, la mauvaise foi de ceux qui lient ces deux sujets est parfaite. La directive sur la libéralisation des services pourrait entrer en vigueur, Constitution européenne ou pas.

C'est d'ailleurs pourquoi le gouvernement n'attend pas pour obtenir une profonde remise à plat de ce texte, dès maintenant. Il fait son travail, en espérant que les parlementaires européens, qui auront leur mot à dire, feront le leur. Ainsi, si M. de Villiers veut s'opposer à quelque chose, il aura l'occasion de le faire dans l'hémicycle de Strasbourg, où son activisme a été fort modeste lors de ses précédents mandats.

Deuxième contre-vérité : dire non à la Constitution, c'est dire non à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

De toutes les contre-vérités du moment, c'est sans doute la perle. Car il n'existe, ni en droit ni en fait, le moindre lien entre les deux sujets. Et pour cause : le texte de la Constitution européenne n'intéresse que les 25 pays membres de l'Union européenne, et il ne contient rien qui ait trait spécifiquement à la Turquie. Les négociations d'adhésion de ce pays à l'Union européenne ne sont d'ailleurs pas ouvertes, et ne le seront qu'à des conditions strictes : le lancement des négociations concernant la Croatie ne vient-il pas d'être reporté, faute que toutes les conditions posées par les Européens aient été respectées ?

Ceux qui entretiennent ce lien artificiel entre Constitution européenne et Turquie feignent de confondre deux calendriers : celui, immédiat et concret, de la ratification constitutionnelle ; celui, lointain et incertain, de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. En un mot : ils se trompent délibérément de référendum. Car l'adhésion turque, si elle devait prendre tournure, serait préalablement soumise au peuple français par un autre référendum.

Deux enjeux, deux votes. Pourquoi les confondre ? C'est clair : l'on se cherche des victimes, des épouvantails sur lesquels concentrer la colère ou l'inquiétude des gens. Avec la Commission "de Bruxelles", la Turquie est une coupable idéale. Ce pays aux confins de l'Europe est majoritairement musulman, relativement pauvre, voisin de contrées dangereuses : trois raisons de faire peur à beaucoup de Français. Et en appeler à la peur a toujours réussi aux démagogues.

Troisième contre-vérité : "J'aime l'Europe, je vote non" (sic). Voilà le comble du nationalisme honteux : affirmer qu'un refus français pourrait précipiter une relance de la construction européenne. Je reconnais cependant qu'il faut un certain cran pour appeler à la crise salutaire, comme jadis à la "bonne guerre". Car, évidemment, le "camp du non" n'a en ses soutes aucune Constitution européenne de rechange, faute d'accord entre M. Le Pen et Mme Laguiller ; évidemment, la France serait marginalisée par un vote négatif, dans la pire position pour prendre l'initiative ; évidemment, tout substitut à la Constitution européenne devrait recueillir l'approbation unanime de nos 24 partenaires européens, ce qui n'irait pas sans quelque discussion.

En réalité, chacun peut se le figurer, la France du non serait une France muette en Europe. Elle se retirerait un long moment, crédit épuisé, du jeu politique. En revanche, d'un point de vue juridique et administratif, rien ne changerait le 30 mai : la Constitution bloquée par la France, les traités actuels ­ ceux de Maastricht, Amsterdam, Nice, etc. ­ continueraient à s'appliquer sans réserve. Les promesses de grand soir européen ne valent simplement rien.

Ces trois contre-vérités ­ Bolkestein, Turquie, grand soir ­ ne sont que les éléments principaux d'une campagne plus vaste, extraordinairement dure, parfois haineuse. Je relisais, tout récemment, les discours prononcés avant le référendum sur le traité de Maastricht. Comme on est loin de l'éloquence passionnée, respectueuse, d'un Philippe Séguin ! Le débat, pourtant difficile, avait alors été sincère : chacun avait parlé de la France, de l'Europe, de son intime conviction. N'est-ce pas de cela que nous devrions discuter ?

Hélas ! L'enjeu, aujourd'hui, est tout autre : sauver la campagne référendaire de la confusion et de la médiocrité. De Gaulle recommandait naguère de "combattre la démagogie par la démocratie". Nous y sommes. Car les Français ont droit à un vrai débat, digne, argumenté, objectif, qui ne porte que sur le seul enjeu du 29 mai : la Constitution européenne est-elle un bon texte pour l'avenir ?
MICHEL BARNIER est ministre des affaires étrangères.


par Michel Barnier
Article paru dans l'édition du 31.03.05
pelon
 
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Message par mael.monnier » 04 Avr 2005, 21:05

Je suis d'accord avec txi, Barnier a certainement le plus proche de la vérité comparé à Bernard Cassen d'ATTAC par exemple (dont je suis en train de faire une réponse à son article « Débat truqué sur le traité constitutionnel » publié dans Le Monde diplomatique de février 2005 car c'est vraiment manipuler les gens et leur faire prendre des vessies pour des lanternes).

Lorsqu'il dit :
a écrit :on se cherche des victimes, des épouvantails sur lesquels concentrer la colère ou l'inquiétude des gens. Avec la Commission "de Bruxelles", la Turquie est une coupable idéale. Ce pays aux confins de l'Europe est majoritairement musulman, relativement pauvre, voisin de contrées dangereuses : trois raisons de faire peur à beaucoup de Français. Et en appeler à la peur a toujours réussi aux démagogues.

Je pense qu'il n'a pas tort là-dessus. La colère c'est pas contre "l'UE" et encore moins contre la Turquie qu'il faut la porter mais contre le patronat, les actionnaires et gros propriétaires de façon internationale... Il faut bien un "grand soir" et c'est pas le soir de ce référendum qu'il arrivera en mettant un "NON" dans les urnes...
mael.monnier
 
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Message par Thomas » 04 Avr 2005, 21:43

il n'a peut être pas tort là dessus mais Cassen ne s'est jamais prononcé contre la Turquie , son article a des bases politiques autrement plus justes que celui de Barnier....
Thomas
 
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