(Le Monde @ 18 mars 2005 a écrit :La progression du "non" à la Constitution européenne mobilise les tenants du "oui" et satisfait ceux du "non"
Avec 51 % des voix contre 49 % au "oui", le "non" à la Constitution européenne est aujourd'hui donné majoritaire en France, selon un sondage paru vendredi dans le journal "Le Parisien-Aujourd'hui en France". Cette enquête d'opinion, réalisée par l'institut CSA, révèle également que 53 % des personnes disent vouloir s'abstenir, voter blanc ou nul. Ce sondage a été réalisé les 16 et 17 mars, par téléphone, auprès d'un échantillon représentatif de la population française de 18 ans et plus, inscrite sur les listes électorales.
PARTISANS DU "OUI"
Nicolas Sarkozy a indiqué jeudi soir 17 mars à Strasbourg, où il tenait le premier meeting de la campagne de l'UMP pour le "oui" à la Constitution européenne, qu'il n'était "pas inquiet" du premier sondage donnant le "non" gagnant en France. "Cela prouve qu'il faut expliquer les enjeux, se battre avec ses convictions", a poursuivi M. Sarkozy. "Un référendum n'est jamais gagné d'avance, j'ai toujours pensé qu'il en serait ainsi et c'est la raison pour laquelle je me lance dans cette campagne totalement et complètement", a-t-il ajouté.
Le ministre de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres, a déclaré qu'il n'était "pas surpris" par le premier sondage donnant le "non" gagnant en France, ajoutant que les Français avaient "besoin d'explications" et "se posaient des questions". "Ça ne me surprend pas, ça me mobilise encore davantage", a déclaré le ministre à l'issue de sa visite au Salon du livre, qu'il a inauguré, jeudi soir, en compagnie du premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.
François Hollande a estimé que Jacques Chirac devait s'impliquer dans la campagne du référendum pour la ratification du projet de Constitution européenne. "Dès lors qu'il est lui-même le négociateur et le signataire du texte, il a à le présenter et à le défendre devant les Français", a dit le premier secrétaire du Parti socialiste sur LCI. "François Mitterrand l'avait fait au moment (du traité) de Maastricht" en 1992, a-t-il souligné.
Le député-maire de Tulle a également insisté sur le fait que les socialistes favorables au "non" au traité constitutionnel européen, ne devaient en aucune manière utiliser "le sigle socialiste" pour défendre leur position. "Il n'y a pas deux campagnes du Parti socialiste", a-t-il déclaré. "Il y a des personnalités qui se mettent de côté : Henri Emmanuelli, qui s'est mis lui-même en congé du bureau national, puis Jean-Luc Mélenchon, personnalité qui n'a pas une influence considérable au sein du parti, mais qui a un petit courant", a-t-il observé. Mais ce sont des "campagnes individuelles", a ajouté M. Hollande.
Dominique Strauss-Kahn, le secrétaire national du PS chargé du projet pour 2007, a estimé que "le meilleur sondage ce sera le soir du 29 mai". "En 2002, on a bien eu des sondages qui nous annonçaient qu'on allait gagner la présidentielle", a-t-il souligné à La Rochelle. "Ce sondage ne m'intéresse pas et je n'y crois pas, ce qui m'intéresse c'est le combat politique", a dit M. Strauss-Kahn.
"Si le 'non' passe, c'est en France que le cataclysme politique se produira", a pour sa part estimé Jacques Delors, l'ex-président de la Commission de Bruxelles, dans un entretien à paraître vendredi dans le quotidien Le Progrès. "En Europe, il ouvrira une crise très grave qui freinera la construction européenne et cela, aux dépens des intérêts français", a-t-il ajouté.
PARTISANS DU "NON"
L'annonce des résultats du sondage CSA-Le Parisien sur le référendum a été faite, jeudi soir, alors même que les partisans du "non" à gauche étaient réunis à Paris et à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise). Les tenants du "non" au sein du PS ont pris soin de commencer leur intervention en affirmant qu'ils ne "s'exprimaient pas au nom de leur parti", mais bien au titre de leurs convictions personnelles, sans pour autant renier leur appartenance respective. Les talents de tribun de Jean-Luc Mélenchon en ont fait la vedette incontestée du meeting de Paris. "Le 'non' rassemble la gauche dans sa diversité" alors que "le 'oui' ne le peut pas", a-t-il lancé, très applaudi par les quelque 1 500 militants présents. "La fatalité néolibérale n'est pas invincible", a-t-il affirmé en exhortant à participer au vote.
L'écologiste Francine Bavay a affirmé que "ce texte, qui n'est pas une Constitution, constitutionnalise une seule chose, le marché". "Ce texte productiviste ne va pas dans le bon sens", a-t-elle dit, "il ne nous donne pas l'outil démocratique dont nous avons besoin".
Intervenant pour la LCR dans le Val-d'Oise, Alain Krivine a reproché au texte d'être une "constitution militaire où il est écrit noir sur blanc que l'Europe est liée à l'OTAN".
Interrogé sur France 2 dans la soirée, Laurent Fabius a assuré "respecter la position" majoritaire pour le "oui" de son parti, ajoutant cependant que "beaucoup de socialistes, dont je suis, ont une conviction différente". Interrogé sur les responsables socialistes qui font estrade commune avec des partis de gauche pour le "non", il a estimé qu'"on ne résout jamais les questions de conviction par des mesures uniquement disciplinaires".
Avec AFP et Reuters