a écrit :Iko, pourrais-tu nous expliquer un peu plus précisément le lien entre les concepts de la psychanalyse décrits plus haut (transfert, phallus, etc...), comment ils se déclinent sur ce cas, ce qu'ils apportent comme compréhension?
et en echo celle de Canardos :
a écrit :j'ai vraiment du mal à voir la liaison entre la psychotherapie "analytique" et l'évolution de leo et à distinguer un quelconque transfert dans ce qui est décrit.....
Que nous apprend cette vignette clinique de la psychanalyse ?
Je vais vous dire ce que j'y vois en précisant que je ne suis pas psychanalyste mais un infirmier de secteur psychiatrique.
D'abord un respect du sujet et de son symptôme. Une fois que le risque de mort est mis à distance on laisse le patient vivre ses symptômes (son anorexie et ses rites obsessionnels). Facile ? Et bien pas du tout. Parce que tout ceci se passe dans une collectivité où il faut bien qu'il y ait quelques règles concernant l'organisation générale, l'hygiène, l'ordre. ("C'est au réfectoire qu'on mange", "on ne confond pas gouttière et garde manger", "ça attire les cafards", "c'est pas drôle pour les voisins..."). Tout ceci est mis de côté devant la nécessité de respecter son rapport si particulier à la nourriture.
Les soignants semblent bien accepter les inconvénients et se montrent tolérants. Peut-être même devront-il intervenir au près de ceux des autres résidents qui se montreront moins compréhensifs.
Qu'est-ce qui fait courir les soignants dans cette direction ? Un a priori théorique référé à la psychanalyse ou/et une fétichisation de la liberté individuelle ou/et un contre-transfert ? Peut-être les trois à la fois.
Pourquoi s'enquiquiner à respecter le symptôme sinon parce qu'il a une fonction et un sens ? Mais il est remarquable que personne ne propose d'interprétation. On laisse Leo cheminer. On va essayer de réunir les conditions qui vont lui permettre d'y comprendre quelque chose ou d'évoluer vers autre chose. Le chemin se fait en marchant comme dit le poète espagnol, Machado.
Dans une démarche comportementale on aurait passé contrat : Soins intensifs en chambre fermée, obscurité. Pesée tous les trois jours, même heure sur la même balance, si prise de poids : récompense (visite, permission) si perte de poids : poursuite des soins intensifs (interdiction téléphone, courrier etc) Non ! Je ne caricature pas. J'ai vu ce genre de prise en charge.
Là aussi on passe contrat mais dans un contexte différent où il y a échange de service : l'usage du frigidaire contre service en cuisine. Mais voilà du coup Leo inscrit dans une fonction qui va le réhabiliter à ses propres yeux parce qu'il va servir à quelque chose dans la collectivité. Il va être autre chose que la proie de ses rites. Il n'aura plus besoin de s'imposer comme au début "Il envahit l'espace, on n'entend que lui" , il existe désormais.
Cette évolution du regard qu'il porte sur lui-même va peut-être lui permettre d'accéder à un travail sur lui-même parce qu'il le mérite bien et qu'entre lui et ses interlocuteurs existe désormais un lien de confiance.
- Et le tranfert ? Me direz-vous. Et bien je le vois là :
"Je vais te dire quelque chose
et tout bas à l'oreille :
Je vais manger là, aujourd'hui."
Il me semble qu'il y a une dimension affective dans cette démarche, un partage. L'étymologie de compagnon : "manger le pain avec"
Mais aussi il y a probablement transfert sur l'ambiance de la cuisine. Il y est décrit comme très différent que dans sa chambre : "Tout le monde le regarde, tout le monde le sait et il souffre muré dans sa chambre alors que la journée se termine"
En tout cas on sent qu'au fil du temps quelque chose se noue et que ça bouge.
Dernière remarque : la désaliénation sociale se retrouve dans la façon dont le cuisinier ne se cantonne pas à son rôle statutaire mais intégre une écoute particulière et tolérante qui a à voir avec une fonction soignante.
Déclivage des statuts des uns et des autres dans la machine abstraite, le collectif.
Enfin je ne sais pas si je fais avancer le schmilblic...