(LE MONDE | 19.02.05 a écrit :Les députés veulent rendre obligatoire l'apprentissage de "La Marseillaise" à l'école
L'examen du projet de loi Fillon s'est aussi soldé par la création d'un enseignement du fait religieux.
L'Assemblée nationale a achevé, samedi 19 février vers 0 h 30, l'examen du projet de loi d'orientation sur l'école présenté par le ministre de l'éducation nationale, François Fillon, en adoptant deux dispositions totalement inattendues. La première prévoit de rendre obligatoire l'apprentissage de La Marseillaise à l'école primaire. La seconde promeut l'enseignement du fait religieux au sein du système éducatif.
Pour le reste, l'essentiel du projet initial a été adopté, le gouvernement ayant seulement retiré, comme il l'avait promis, toute référence à la réforme du baccalauréat. Le vote solennel de l'Assemblée doit intervenir le 2 mars, avant l'examen par le Sénat, dans le cadre d'une procédure d'urgence qui interdit une seconde lecture.
La Marseillaise obligatoire au primaire.
Présenté par Jérôme Rivière (UMP, Bouches-du-Rhône), un amendement rendant obligatoire l'apprentissage de "l'hymne national" a été adopté, le ministre de l'éducation nationale s'en étant remis à "la sagesse" des parlementaires. M. Rivière a souligné l'importance de La Marseillaise, "symbole fort de notre République","chant de ralliement pour tous les Français" notamment dans les manifestations sportives.
Le député a précisé que "l'enseignement de La Marseillaise à l'école participe à répondre à l'enjeu de l'assimilation des populations extérieures venues sur le territoire national". M. Rivière a ajouté que cette obligation d'apprentissage permettrait de "transmettre à chaque élève l'histoire d'un peuple uni autour des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité, d'un peuple qui n'a jamais cessé de se battre pour faire gagner la liberté".
Pour le député, cette disposition complète l'instauration, votée en 2003, d'une amende de 7 500 euros en cas d'insulte publique à l'hymne national, peine décidée après l'épisode des sifflets contre La Marseillaise lors d'un match de football au Stade de France. En 1985, déjà, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'éducation nationale, avait soulevé une polémique en exprimant sa volonté de rendre obligatoire un tel apprentissage.
L'enseignement du fait religieux.
A l'initiative de Jean-Pierre Brard (PCF, Seine-Saint-Denis), l'Assemblée a adopté un amendement prévoyant d'instaurer un enseignement du fait religieux au sein du système éducatif. M. Fillon s'est déclaré favorable à cet amendement, bruyamment soutenu par l'UMP.
"L'analphabétisme religieux des jeunes est patent, a expliqué M. Brard. C'est l'une des causes de nos difficultés à développer le mieux-vivre ensemble, à l'école et dans la société." "Pour passer d'une "laïcité d'incompétence" à une "laïcité d'intelligence", nous devons enseigner l'histoire des religions d'une manière objective, scientifique, rationnelle et non pas confessionnelle", a justifié le maire de Montreuil.
Cet amendement, voté dans le cadre du rapport annexé à la loi et qui n'a donc pas de valeur normative, dispose que "dans le respect de la liberté de conscience et des principes de laïcité et de neutralité du service public, il convient d'organiser, dans l'enseignement public, la transmission de connaissances et de références sur le fait religieux et son histoire". En 2002, M. Chirac s'était déjà prononcé pour un enseignement raisonné des faits religieux.
La réforme du baccalauréat abandonnée.
Face à la mobilisation des lycéens, le ministre de l'éducation nationale s'était engagé à gommer, dans son texte de loi, toute référence à la réforme du baccalauréat. Le projet d'accentuer la part du contrôle continu, vivement contesté par les syndicats, a été supprimé par un amendement du gouvernement.
Concernant les examens, le ministère a, en revanche, maintenu l'idée d'instaurer une note de vie scolaire au brevet. Le Parti socialiste a critiqué le retour de la "bonne vieille note de discipline". Dans l'avenir, l'éducation physique et sportive sera également prise en compte lors du brevet. Le texte adopté prévoit un renforcement significatif des langues vivantes.
Le programme personnalisé de réussite scolaire.
Avec la mise en place d'un socle commun des connaissances, adoptée par l'Assemblée nationale, jeudi 17 février (Le Monde du 18 février), le soutien scolaire constituait le deuxième point-clé du projet de loi. Comme il l'avait laissé entendre lors des travaux en commission, le ministre de l'éducation nationale a accepté de débaptiser le "contrat individuel de réussite éducative", devenu "programme personnalisé de réussite scolaire". M. Fillon a reconnu que le terme de contrat pouvait soulever des difficultés dans la mesure où son non-respect ne débouchait sur aucune conséquence.
La programmation des moyens.
Le gouvernement a mis en avant sa volonté d'afficher des dépenses budgétaires correspondant à ses réformes. Dans le rapport annexé au projet de loi, plusieurs amendements ont précisé le coût attendu de ces différentes politiques, dont le montant global représenterait, en année pleine, 2 milliards d'euros. L'opposition a fustigé une "programmation virtuelle". "On peut toujours aligner des chiffres dans un amendement, ils ne signifient rien s'ils ne sont pas assortis d'engagements budgétaires précis", a souligné Yves Durand (PS, Nord) en dénonçant les nombreuses suppressions de poste en cours dans le cadre de la "carte scolaire" pour la rentrée 2005.
Le remplacement des enseignants absents.
L'Assemblée a adopté le principe d'un remplacement, par un de ses collègues de l'établissement, d'un enseignant absent pour une courte durée. "Nous jugeons normal que, dans de tels cas, le professeur puisse être remplacé par un collègue, dans la même discipline si c'est possible, et sinon dans une autre", a expliqué M. Fillon, réfutant le terme de "réquisition".
Enfin, le gouvernement est revenu sur l'article qui, de l'avis de Sciences-Po, menaçait l'existence des conventions passées avec des lycées classés ZEP pour favoriser une diversification des recrutements (Le Monde du 18 février). Assurant que cette disposition ne représentait aucune menace pour l'expérience conduite par l'IEP de Paris, mais reconnaissant qu'elle pouvait entraîner des "difficultés d'interprétation", M. Fillon a demandé et obtenu, en seconde lecture, l'annulation de l'amendement voté la veille.
Luc Bronner