Texte de Marcel Valière ( le vrai) et d'Henri Féraud au moment de la scission de l'Ecole Emancipée en 1969 d'avec l'OCI
a écrit :Certes, MARX n'a pas traité réellement des relations du parti politique et du syndicat, mais il nous a laissé des conceptions théoriques que vous n'ignorez pas, mais dont il faudrait tenir compte. II nous a appris que parti et syndicat constituent deux niveaux différents de développement de la conscience de classe et, s'il insiste pour qu'on élève jusqu'au niveau politique, ce qui, politique, ce qui, dans les syndicats, n'est que conscience économique, il ne dit pas que c'est en violentant les travailleurs pour leur imposer malgré eux des mots d'ordre politiques qu'on réussira à transformer leur conscience. II dit : " Il faut que les syndicats APPRENNENT à agir de manière plus consciente ". II ne dit pas : " II faut les FORCER à agir de manière plus consciente ". De même, le Deuxième Congrès de l'I.C., après avoir dénoncé le réformisme et l'opportunisme syndical, déclare que ceux-ci ne pourront être vaincus que par une " lutte de plus en plus âpre". Mais cette lutte ne se mène pas au nom de mots d'ordre ou d'une politique imposés par le P.C. Elle ne peut se mener que " dans la mesure où les couches profondes du prolétariat APPRENDRONT PAR EXPERlENCE, PAR LES LEÇONS DE LEURS VICTOIRES OU DE LEURS DEFAITES, que jamais le système économique capitaliste ne leur permettra des conditions de vie humaines... ".
Toutes ces considérations nous mènent au fond du problème qui n'a rien de nouveau. Le problème du ROLE DIRIGEANT du parti dans la lutte des classes, par rapport aux autres organisations prolétariennes et spécialement syndicales.
Disons-le tout de suite, pour que nulle équivoque ne subsiste. Personnellement, nous croyons à la nécessité d'une organisation politique, d'un parti regroupant les militants les plus lucides et les plus expérimentés de la classe ouvrière, et nous croyons au ROLE DIRIGEANT de ce parti. En ce sens, nous estimons qu'il est déplorable qu'il n'existe plus, à l'heure actuelle, non seulement de parti révolutionnaire influent, mais qu'il n'existe pas non plus d'Internationale. Ceci dit, il faut s'entendre sur le sens des termes : rôle dirigeant. En un premier sens, qui s'est imposé avec le stalinisme, le rôle dirigeant est conçu de façon telle que le syndicat devient " une courroie de transmission entre le parti et les masses". Nous savons qu'en principe vous refusez cette interprétation. II en est une autre qui consiste, pour le parti, à élaborer en son sein une politique et ses mots d'ordre, et à les défendre démocratiquement au sein des organisations syndicales, mais en se pliant d'avance aux décisions démocratiquement prises par les syndiqués, c'est-à-dire en ne passant pas outre à ces décisions, pour imposer malgré tout ces mots d'ordre, si l'ensemble des syndiqués les refuse. Dans ce cas, les membres du parti continuent leur propagande à l'intérieur de l'organisation syndicale, pour tenter de modifier les conceptions des syndiqués, mais ils se plient à la discipline de l'organisation syndicale. Nous entendons bien que, toujours en principe, c'est le point de vue que vous défendez. Et comment en serait-il autrement ? Trotzki lui-même n'a jamais soutenu un autre point de vue. II affirme, certes, le rôle dirigeant du parti. " La classe ouvrière ne peut vaincre, écrit-il dans la "Nouvelle Etape ", que si elle a à sa tête une organisation qui représente son expérience historique vivante généralisée du point de vue de la théorie, qui dirige politiquement toute la lutte ". Il ajoute même : " Il faut admettre que le parti devienne une force dirigeante à l'intérieur du syndicat ". Mais il ajoute: " Il va sans dire que CELA NE SIGNIFIE NULLEMENT UNE SUBORDINATION DU SYNDICAT AU PARTI, soit extérieure, soit au point de vue de l'organisation. Le parti jouit seulement à l'intérieur du syndicat de l'INFLUENCE QU'IL A CONQUISE par son travail, par son ACTION SPIRITUELLE, par son autorité ". Dans sa lettre à Cachin et à Frossard, il répète: " Il ne s'agit pas de priver les syndicats de leur autonomie et de les soumettre au parti, CE SERAIT UNE ABSURDITE. Il s'agit que les communistes deviennent au sein des syndicats les meilleurs travailleurs syndicaux, qu'ILS GAGNENT LA CONFIANCE des masses ".