par Valiere » 15 Fév 2005, 16:54
Réponse à un texte Poignant. de mépris et de malhonnêteté
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Les syndiqués de la CGT apprécieront à sa juste mesure la lettre
ouverte adressée par un député européen socialiste à leurs
dirigeants. Il s'agit pour Bernard Poignant, Président de la
Délégation Socialiste Française de sermonner une direction syndicale
à propos d'une position prise par son instance délibérative. Imagine-
t-on le tollé qu'aurait suscité une lettre de Marie-George Buffet
pour reprocher à Bernard Thibault de ne pas se prononcer pour le
non ? Imagine-t-on la réaction qu'aurait eu Bernard Poignant lui-même
si Jacques Nikonoff, président d'Attac, au lendemain du vote des
militants du PS, avait écrit à François Hollande une lettre lui
expliquant tout le mal qu'il pensait du vote de ses militants ?
Mais Bernard Poignant a-t-il seulement déjà entendu parlé de la
charte d'Amiens adoptée en 1906 par la CGT et se prononçant pour
l'indépendance syndicale par rapport aux partis ? Rêverait-il de
mettre en place une nouvelle courroie de transmission qui partirait
rue de Solférino pour aboutir dans les locaux des différents bureaux
confédéraux ?
Non content de vouloir intimider les socialistes favorables au «
non », Poignant, qui avait il y a peu approuvé la circulaire
Bolkenstein, souhaite mettre aux pas les syndicats qui ne pensent pas
comme lui. Mais il nous faut examiner surtout la nature des arguments
opposés pour mesurer jusqu'ou les fanatiques du « oui » sont prêts à
aller pour vendre une copie de plus en plus difficile à défendre.
Première question : "Voulez-vous dire « non » à Chirac ? Vous savez
qu'il restera là jusqu'en 2007". Cela signifie que c'est le souhait
profond de ce député socialiste, qui se moque comme de sa première
chemise que les salariés continuent à souffrir deux ans de plus sous
Chirac. Il ne vient pas à l'idée de cet homme de gauche que, sous la
cinquième République, quand un président de la République s'engage
sur une question et qu'il est désavoué par le peuple, une opposition
digne de ce nom réclame son départ ! Et que la crise serait salutaire
pour tous ceux que ce gouvernement agresse par sa politique !
Deuxième affirmation : voulez-vous dire « non » aux politiques
européennes ? C'est tellement simple, posé comme cela. Pourquoi
pas : « Voulez-vous dire non à la paix ? », comme on l'entend parfois
dans des réunions. Cette façon de s'approprier le terme « européen »
par certains partisans du « oui » et de jeter ainsi l'anathème sur
les partisans du « non », amalgamés à des nationalistes
souverainistes de droite, est insupportable.
Troisième argument : vous vous préparez à dire "non" à la grande
majorité des syndicats européens. Poignant ne dira pas que la CES est
hélas devenue un outil au service de la politique libérale de
Bruxelles, dirigé par un proche de Tony Blair, qui ne consulte jamais
sa base. Il ne dira pas que ce sont les bureaucrates qui monnaient
des places à la CES au prix du ralliement à sa politique libérale. Et
il ne dira pas que FO ne roule pas pour le « oui », et que la FSU,
première centrale syndicale de l'Education nationale, a pris position
contre le traité. Surtout Poignant montre son mépris pour les
syndiqués CGT en opposant artificiellement les « bons
syndicalistes », qui font des compromis sociaux, et « ceux qui
attendent le grand soir ». Comme si la CGT, en négation avec la
réalité du syndicalisme, était incapable d'accepter un compromis
social.
Quatrième argument : vous allez dire « non » à des peuples qui ont
déjà dit « oui » (Lituanie, Hongrie, Slovénie, Italie). Détail
révélateur, ces quatre pays n'ont pas consulté leur peuple, c'est le
Parlement qui a décidé pour eux. Et cela fait enrager tous les
Poignant de France et de Navarre que Chirac ait décidé d'organiser un
référendum, sous la pression de l'ensemble des partis, dont le PS,
dont la direction a répondu à une demande de son aile gauche. Le rêve
de ce « socialiste », et de toute la majorité du PS , Strauss-Kahn
l'a dit lui-même, aurait été que le Parlement décide à la place du
peuple, comme dans 17 pays sur 25, cela aurait fait un 90 % de oui !
Cinquième argument : Poignant arrive à dire aux militants CGT qu'ils
vont voter contre le plein-emploi, le développement durable et les
exclusions puisque ces objectifs sont écrits dans le texte. Le pire
est qu'il a l'air d'y croire sérieusement, comme il croyait que la
circulaire Bolkenstein allait aider les travailleurs français contre
les délocalisations. Et évidemment, évoquant le mot concurrence (il
oublie les qualificatifs libre et non faussée), il le traduit comme
un outil anticapitaliste pour lutter contre les monopoles, alors
qu'il sait pertinemment que cela sera une machine de guerre contre
les services publics et contre toutes les aides publiques à un
secteur jugé indispensable aux intérêts du pays. Député européen,
Poignant ne peut que savoir cela (articles III 166-2 et III 166-3).
Sixième argument, sans doute le plus ignoble. Il évoque la dictature
de la Stasi pour appeler à voter oui, parce que la torture sera
interdite dans la constitution. Autrement dit, ceux qui votent «
non » sont nostalgiques des anciens régimes staliniens et partisans
de la torture contre les peuples ! On a déjà entendu ces ignominies
quand les Poignant osaient insulter ceux qui s'opposaient à la guerre
du Golfe, les traitant de fascistes ou de staliniens !
Septième argument, le coup du moteur franco-allemand, parce que les
Allemands vont voter oui. Là encore, il oublie de préciser que ce
sont les parlementaires allemands qui voteront oui, et pas les
électeurs. Mais surtout, lui qui parle de l'axe franco-allemand,
c'est bien l'Europe à vingt-cinq, contre laquelle il ne s'est pas
battu, et les nouvelles conditions draconniennes de coopérations
renforcées qui sonnent le glas de l'axe franco-allemand (article III-
419).
Enfin, ultime argument, qui sombre dans le ridicule, Poignant parle
d'internationalisme pour culpabiliser les militants cégétistes.
Traduction : voter non, c'est voter nationaliste. Et il appelle à ne
pas détricoter l'Europe. Mais où a-t-il vu une Europe tricotée ? De
quoi parle-t-il ? Par contre, s'il faut utiliser cette expression,
c'est lui, qui, avec ses amis socialistes, détricote la République,
en remettant en cause les services publics solidaires, en la faisant
éclater en mille morceaux, en favorisant les communautarismes
linguistiques et régionalistes depuis des années pour mieux imposer
le libéralisme !
Les militants cégétistes n'ont pas de leçons à recevoir de ce genre
de personnage. Ils ne se laisseront pas intimider par des Bernard
Poignant, militant rocardien de longue date, et les siens. Ils ont de
la mémoire. Qui refusait de payer la 40e heures aux salariés, quand
le temps de travail est passé à 39 heures, en 1982 ? Qui a bloqué
leur salaire en 1983 ? Qui a combattu de tout temps l'union de la
gauche, et qui préférait Raymond Barre ou Jean-Pierre Soisson au
Parti communiste ? Qui pensait l'idée de services publics ringarde,
soutenant l'offensive libérale au sein de la gauche, au nom de la
modernité ? Qui a introduit la flexibilité dans le monde du travail
dans les années 1985, relayant les souhaits patronaux ? Qui a voté la
guerre du Golfe en 1991, avec la droite, pour sauver le pétrole des
Américains et réinstaller l'émir du Koweit ? Qui a approuvé
Maastricht, en 1992, avec l'inoubliable campagne Guigou-Giscard ? Qui
a poussé Jospin à signer Amsterdam en 1997, malgré les promesses de
campagne ? Qui a signé le bradage des services publics à Barcelone,
main dans la main avec Chirac, avant les élections présidentielles ?
Qui nous assène toujours le même discours depuis quinze ans : votez
oui, vive l'Europe, et vous verrez, cela ira mieux après. Qui a
applaudi debout Bernard Thibault, au congrès de Dijon, pendant cinq
minutes, alors que seule l'aile gauche l'approuvait, et que la
majorité du PS, dont Poignant, approuvait secrètement la trahison de
Cherèque ?
Depuis des années, l'Europe est gérée par les sociaux libéraux et les
libéraux sociaux, par la droite et la social-démocratie européenne.
Peu de choses les oppose sur le fond. C'est pourquoi, quand la social-
démocratie a dirigé l'Europe dans onze pays sur quinze, elle a été
rapidement chassée par les électeurs des couches populaires, et
qu'aujourd'hui, vingt pays sur vingt-cinq sont passés à droite. Mais
cela ne dérange pas un Bernard Poignant, il symbolise la phrase de
son autre ami rocardien Bergougnoux « L'alliance au centre, il ne
faut jamais en parler, mais l'avoir toujours à l'esprit ». Et quel
meilleur lieu que Bruxelles pour concrétiser ce brillant programme,
et nous appeler à voter « oui » à une Europe libérale et anglo-
saxonne (article I-2) ?
Le CCN de la CGT a eu tout-à-fait raison de mettre un coup d'arrêt
aux atermoiements de la direction Thibault-Le Duigou.
D'où la rage de Poignant qui, en osant écrire aux militants de la
première centrale syndicale de France un texte aussi condescendant et
méprisant, montre l'ampleur de l'inquiétude des partisans du « oui ».
Quel encouragement que ce morceau d'anthologie, pour les militants
d'un « non » populaire, européen, social et laïque. Evariste
Respublica