« Ma voix ouvrière »
de Bernard Thibault
entretien avec Pierre-Marie Thiaville et Marcel Trillat
aux éditions Stock
221 pages
18€
janvier 2005
Une voie militante et la voix d’un dirigeant syndicaliste de premier plan
De plus en plus de responsables politiques ou de syndicalistes préfèrent répondre à des questions de journalistes, plutôt que d’écrire un ouvrage de la première à la dernière ligne.
Certains livres entretiens passent inaperçus ou sont particulièrement ennuyeux, celui de Bernard Thibault est, lui ,facile à lire et même passionnant.
Il est vrai que les deux journalistes professionnels jouent le jeu sans chercher la voie de la facilité pour plaire au commanditaire : ce sont des vraies questions et les réponses sont claires, nettes, sans reprises a- posteriori semble t-il ?
Le secrétaire général de la CGT se laisse même « piéger » quand il semble regretter qu’ il n’y ait pas eu un gouvernement d’union nationale en 2002 !? :
« Je ne sais pas si on peut le définir ainsi-mais pourquoi pas ? »
Pour un syndicaliste de premier plan, militant communiste a-typique mais militant communiste il fallait oser le dire…Il a osé sans demander le retrait de ce passage.
Cet itinéraire de ce jeune apprenti mécanicien à la SNCF, syndiqué à 18 ans, secrétaire général de la puissante fédération CGT des cheminots à 34 ans et secrétaire général de la confédération à quarante est avant tout celui d’un militant qui se forge une stature en s’impliquant toujours d’avantage. .
Bernard Thibault avoue d’ailleurs qu’il n’était loin d’être, à l’origine un leader naturel.
Même si le numéro 1 de la CGT a influencé le style, voire une partie de l’orientation de la grande centrale, son histoire est la rencontre d’un homme avec l’évolution de cette organisation.
Autrement dit : il a poursuivi le chemin tracé par Georges Séguy et par Louis Viannet dans une action de réorientation et de rupture de liens politiques quasi organisationnels entre la CGT et le PCF .
Il n’est pas question d’ailleurs pour lui de critiquer violemment l’orientation quelque peu « sectaire » de Krasucki, le secrétaire général de l’entre deux « rénovateurs » préalablement cités :
« Il était incapable de certaines ruptures. C’était lié à sa personnalité, à son parcours personnel »…
Cet interview est chaleureux et surtout exempt de tout silence.
C’est aussi l’histoire de deux décennies d’actions syndicales avec les enjeux, les victoires, les défaites et les erreurs passées expliquées comme celles portant sur les illusions dans le gouvernement issu de la victoire de la gauche en 1981.
Bernard Thibault convainc assez souvent le lecteur à propos de l’importance de l’action et les défis qui attendent les syndicats en termes d’implantation dans le secteur privé, véritable désert syndical.
Si son argument présente quelques faiblesses, c’est sur la question de l’unité syndicale … celle de l’unification à peine effleurée !
La CGT a repris quelques couleurs mais aujourd’hui la dispersion et l’émergence de nouvelles fédérations, voire de confédérations sont des signes de faiblesse dans une situation où l’on voit remettre en cause tous les acquis ouvriers.
Ce livre, contribution à l’histoire du mouvement ouvrier est une voix qui mérite d’être écoutée et entendue.
Valière