a écrit :Leur Europe et la nôtre
Les Verts sont résolument européens. Ils viennent encore de le prouver en se prononçant pour l’adoption d’une Constitution européenne par un référendum, organisé le même jour dans les 25 pays.
Néanmoins la question qui se pose n’est pas de se prononcer sur un principe général de Constitution mais sur le texte adopté qui présente, certes, des avancées, mais recèle surtout d’importants et rédhibitoires défauts.
Pendant la campagne européenne, les Verts ont souhaité, unanimement, le retrait de la partie III, la modification de la clause de révision ainsi que des modifications dans la partie I. Or, le texte adopté, non seulement n’intègre pas d’avancées sur ces points, mais enregistre des reculs. Les Verts ne peuvent pas changer de position en catimini.
Car la confusion des pouvoirs entre la Commission, le Conseil et le Parlement, source d’opacité dans la prise de décision, n’est pas modifiée. D’où l’ampleur du déficit démocratique. Le Parlement n’a toujours pas de droit d’initiative en matière de lois. L’introduction du droit à pétition par 1 million de citoyens constitue une simple invitation à la Commission qui peut ne pas donner suite.
La fiscalité et le social, domaines fondamentaux pour approfondir la construction de l’Europe et lutter contre le dumping fiscal et social, sources de délocalisations, continueront à relever de décision à l’unanimité. L'Europe n'est plus systématiquement synonyme de mieux-disant social ou environnemental.
S’il s’agissait d’un simple traité, il serait légitime de faire la balance entre éléments positifs et négatifs. Mais il s’agit d’une Constitution. Nous devrions donc accepter de voir inscrits des principes intangibles que nous combattons, comme la véritable obsession des rédacteurs à introduire des principes économiques dans un texte constitutionnel, principes omniprésents dans les parties I et III du traité.
Les objectifs assignés sont « d’offrir aux citoyens un marché unique où la concurrence est libre et non faussée » et d’œuvrer pour « une économie sociale de marché hautement compétitive ». Cela signifie : une agriculture « hautement compétitive » dont il faut « accroître la productivité » ; la remise en cause des services publics, l’article 56 interdisant les aides publiques qui « faussent ou qui menacent de fausser la concurrence ». Toute politique visant à imposer des mesures de protection de l’environnement pourra ainsi être refusée. Euratom, traité de promotion de l’énergie nucléaire au niveau européen figure dans un protocole annexé à la Constitution.
La partie III n’est qu’une compilation des politiques néolibérales contenues dans les traités de Maastricht, Amsterdam et Nice. Elle n’a pas sa place dans un traité constitutionnel.
Il nous est demandé d’accepter, au nom de notre volonté de poursuivre la construction européenne, d’ériger le libéralisme économique en doctrine officielle. Et, au fond, d’entériner la création d’une vaste zone de libre échange, concurrente des Etats-Unis.
Pour autant, l’indépendance de l’Europe n’est pas assurée. Les Verts sont partisans d’une défense européenne commune. Que nous propose le texte en matière de sécurité ? La soumission à l’Otan (art.41)! L’intégration de la Charte des droits fondamentaux adoptée à Nice n’apporte pas de droits nouveaux : « la présente Charte (…) ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union ». On nous dit qu'il faudrait, malgré ces lacunes, tout accepter, au nom des quelques avancées, en bataillant dès maintenant pour des évolutions. Mais l’unanimité des 25 est requise pour la moindre modification. Or, une Constitution ne se modifie pas aussi facilement qu’un traité. L’argument principal en faveur du oui est que ce traité est « moins pire » que celui de Nice. Refusons de céder au chantage de la peur. En cas de rejet, l’Europe ne cessera pas d’exister. Le traité de Nice ne convient pas à une Europe à 25, la renégociation sera donc nécessaire. Cela offrira l’occasion de lancer, sans attendre, le combat pour une Europe des régions.
Ayons le courage de dire non. Positionnons-nous aux cotés de cette large partie de l’opinion publique qui constatent les dégâts du libéralisme, de la « concurrence libre et non faussée » et de la « haute compétitivité des entreprises ». Ne laissons pas eurosceptiques et politiciens intéressés seuls à redonner espoir à ceux qui souffrent et qui n’ont pas leur place dans cette société hyper concurrentielle, où la compétitivité économique est érigée en valeur absolue, où la finalité, l’objectif commun, se réduit à « consommer plus ». Assurément, cette Europe n’est pas la nôtre ! Il est urgent de s'atteler à la construction d'une Europe politique qui oppose aux délocalisations intra-européennes, des politiques fiscales et sociales et des exigences environnementales concertées, qui se dote d'une Constitution qui protège ses citoyens par delà le grand marché. Pour une Europe démocratique, sociale et environnementale, les Verts veulent une autre Constitution pour l'Europe. Ce qui implique le rejet de ce projet.
Francine Bavay, Martine Billard, Gérard Borvon, Alima Boumediene, Jacques Boutault, Bernard Guibert, Jean Lafont, Didier Claude Rod, Christophe Rossignol.