Comment expliquer les "trentes glorieuses"?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par logan » 19 Nov 2004, 22:59

Le capitalisme après la crise de 29 et la 2 ème guerre mondiale est parvenu à redresser la barre et à redévelopper les forces productives largement jusque la fin des années 70.
Comment l'expliquer?
logan
 
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Message par Jacquemart » 20 Nov 2004, 10:28

Ce que j'ai lu de plus convaincant à ce propos, je l'ai trouvé chez Duménil et Lévy. Pour résumer leur propos sans les trahir :

- le moteur de l'économie capitaliste, c'est le taux de profit. Celui-ci est fonction de plusieurs facteurs qui sont la productivité du travail, la composition du capital, et le salaire.

- comme l'a montré Marx, dans la société capitaliste, le taux de profit a tendance à connaître une trajectoire à la baisse. Le progrès technique alourdit la composition du capital, ce qui sauf conditions de blocage des salaires très difficiles à imposer pour les capitalistes, conduit à diminuer la rentabilité du capital.

- le système capitaliste a connu une telle évoltuion à la fin du XIXe siècle, dont le résultat a été une crise structurelle des années 1870 à 1890 qui évoque de près celle que nous connaissons aujourd'hui, et l'émergence d'un certain nombre de transformations économiques et sociales de grande ampleur (le capital financier, les grandes entreprises, le taylorisme, l'impérialisme, etc.)

- ces évolutions ont fini par entraîner, aux Etats-Unis tout d'abord (à partir des années 1910-1920) une remontée tendancielle du taux de profit. L'organisation rationnelle de la gestion et de la production a permis tout à la fois un fort progrès de la technique et de la productivité, et, c'est là le noeud de l'affaire, un allègement de la composition du capital. Le travail à la chaîne, le travail en équipe, la diminution des stocks, ont permis aux capitalistes d'employer de moins en moins de capital constant par salarié. C'est dans ces transformations que gît le "ballon d'oxygène" historique du capitalisme, même si ce rebond a été tout d'abord dissimulé par l'énorme crise des années trente.

- ce cours favorable s'est poursuivi aux USA jusqu'aux années 1950-1960, date à laquelle il s'est épuisé, et où les anciennes tendances défavorables ont repris leur cours normal, produisant à terme la "crise" actuelle.

- En Europe, la croissance d'après-guerre s'appuie sur les mêmes tendances favorables qu'aux Etats-Unis, avec entre autres le fait que : 1. le démarrage s'est fait plus tard 2. il est plus facile d'imiter que d'innover. La croissance de la production, de la productivité, et la diminution de la composition du capital en France dans les années 1950-1960, par exemple, est tout à fait spectaculaire. Au bout du compte, le rattrapage effectué (pour une large part), l'Europe et le Japon sont venus se heurter aux mêmes tendances défavorables que celles qui étaient déjà à l'oeuvre aux Etats-Unis.

Pour résumer, je dirais que le capitalisme s'est sauvé pour toute une période historique en créant de grandes entreprises multinationales, en rationalisant la production, en liquidant la petite paysannerie et la petite bourgeoisie du commerce, en séparant la propriété de la gestion, en faisant de la bourgeoisie une pure classe de rentiers... bref, en préparant le socialisme.
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Message par Crockette » 20 Nov 2004, 11:59

D'accord avec toi Jacquemart, mais il a eu aussi une politique pro-keynésienne en Europe et aux Usa, qui consistait à injecter massivement de l'argent dans le circuit privé par la mise en place de grands travaux, bcp d'entreprises en ont profité...un peu les salariés.Miterrand a essayé de refaire le même coup mais il s'est heurté à Reagan et Tatcher...qui préparait non plus l'Etat providence mais l'Etat régalien...
Crockette
 

Message par Jacquemart » 20 Nov 2004, 12:02

Certes. Mais l'argent à injecter dans le circuit, il faut bien le trouver quelque part.
Si une politique "keynésienne" a pu être menée durant tout ce temps, c'est parce que que le fort taux de profit engendrait les moyens de mener cette politique. Pas l'inverse.
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Message par Crockette » 20 Nov 2004, 12:24

D'accord Jacquemart mais par exemple, si :
Quand on prend le cas des Usa: leur guerre et leur train de vie coûte à leur nation deux cents millards de dollars par an, où vont-ils chercher l'argent ?
Crockette
 

Message par Apfelstrudel » 20 Nov 2004, 12:29

Mais une politique keynesienne, ça ne consiste pas justement à prendre de l'argent qu'on a pas ?
L'Etat emprunte aux banques de l'argent qu'il dépense ensuite, faisant marcher des secteurs de l'économie pour relancer celle-ci. Au passage, ça donne du travail à des chomeurs qui vont à leur tour dépenser de l'argent (en l'occurence presque tout ce qu'ils gagnent) et ça va encore relancer d'autres secteurs, etc. Au final, avec les impôts récoltés quand l'économie est remise en route, l'état peut rembourser ses emprunts.
C'est pas ça ?
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Message par Jacquemart » 20 Nov 2004, 12:43

Certes.
On peut faire cela sur une courte période, mais c'est beaucoup plus dur de le faire pendant longtemps et à grande échelle.
Si les Etats pouvaient toujours créer de l'argent sans contrainte et ainsi stimuler l'économie, il n'y aurait jamais de crises, ou en tout cas jamais profondes et jamais durables.
Et lorsqu'on regarde les trente glorieuses, elles ne se sont pas traduite par une augmentation de la dette des Etats des principales puissances, mais par leur désendettement.
Donc, je le redis, les trente glorieuses ne s'epxliquent pas par la politique keynésienne, c'est en quelque sorte la politique keynésienne qui s'explique par les trente glorieuses.
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Message par Apfelstrudel » 20 Nov 2004, 13:24

D'accord, mais le principe, c'est justement de mener cette politique seulement sur une courte période, non pas dans une période prospère mais en cas de crise et pour sortir de cette crise. C'est sûr qu'il y a quand même des crises, mais pourquoi, vu que je ne vois pas d'obstacle à ce qu'un état mène une politique keynésienne non pas tout le temps mais à chaque crise. Peux-tu m'éclairer là-dessus ?

Sinon, pour les trentes glorieuses, je connais deux explications (qui ne s'opposent pas forcément) :
- D'abord, il y a la nécessité de reconstruire ce qui a été détruit par la guerre. Effectivement, ça paraît être une nécessité pour la bourgeoisie française (notamment) de retrouver des moyens de production, un appareil d'état et tout le bazar dignes d'une bourgeoisie impérialiste. De plus, il lui est également indispensable de rendre assez vite aux travailleurs le niveau de vie qu'ils avaient auparavant pour éviter une cata comme ce qui s'était passé un peu partout en Europe à la fin de la première guere mondiale.
- D'autre part, le pillage du Tiers-monde par les bourgeoisies impérialistes aurait permis à celles-ci de s'assurer une marge de profits suffisante pour pouvoir se permettre de lâcher des miettes aux travailleurs, d'où l'augmentation du niveau de vie de ceux-ci.

Les deux explications me paraissent à la fois chacune juste mais aussi contradictoires : dans un cas, c'est la destruction des richesses effectuée par la guerre qui permet de relancer l'économie, alors que dans l'autre, c'est au contraire l'arrivée de richesses.
Apfelstrudel
 
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