a écrit :Quand la banlieue parisienne produit une surdouée de la littérature
A 19 ans, Faïza Guène est une jeune femme plutôt en avance sur sa génération, elle qui a grandi dans une cité de la banlieue parisienne. En publiant Kiffe kiffe demain, sa première nouvelle, elle vient de faire une entrée remarquée dans la cour des écrivains français. Mais plus que sa précocité littéraire, c'est sa trajectoire personnelle qui marque. "Fille d'immigrés algériens venus en France avant sa naissance, elle s'est servie de son vécu au cœur des logements sociaux de la banlieue parisienne pour confectionner une œuvre tendre, amusante et même empreinte de sagesse", note The New York Times.
A travers son héroïne, Doria, 15 ans, une adolescente habitant dans un immeuble appelé Paradis, Faïza Guène réenchante un milieu qui n'a été perçu jusque-là qu'à travers ses tares. La fiction lui permet de rétablir une réalité plus contrastée. "J'en ai eu assez d'entendre uniquement des sombres récits sur les banlieues, c'est pourquoi j'ai écrit sur les choses triviales du quotidien. Il est important de montrer que dans les banlieues, il n'y a pas que des voitures qui brûlent ou des filles qui sont victimes de viols collectifs dans les caves", lance l'auteur. "En fait", renchérit The New York Times, Kiffe kiffe demain n'a rien à voir avec les récits tragiques de victimisation, d'aliénation et de rage écrits par de jeunes Françaises d'origine arabe sur leur vie dans les banlieues sinistres qui encerclent les grandes villes de France."
Faïza Guène a l'écriture dans la peau depuis son enfance. "A 8 ans, elle commençait à créer des contes de fées, où elle faisait de ses amies des princesses. Elles la rémunéraient avec des bonbons. A 13 ans, elle devenait rédactrice en chef d'un fanzine littéraire au collège, dont le produit de la vente finançait ses sorties."
Voici deux ans, elle entame la rédaction de Kiffe kiffe demain. Lorsqu'elle présente les 40 premières pages chez Hachette grâce à une connaissance, "elle reçoit 700 euros d'avance et la promesse d'en gagner 700 autres lors du dépôt final de son manuscrit". Le succès est au rendez-vous. "Son livre, vendu à 25 000 exemplaires, d'après son éditeur, figure déjà parmi les meilleures ventes dans au moins un palmarès littéraire. Il sera traduit en japonais, en espagnol, en italien, en portugais, en néerlandais, et des négociations avec un éditeur américain sont en cours."
Mais Faïza veut garder la tête sur les épaules et refuse de passer pour "la Sagan des cités". Cela lui plaît de prouver qu'il n'y a pas que des joueurs de foot et des rappeurs qui s'en sortent et, note The New York Times, "elle est fière qu'un voisin lui ait avoué que son livre est le premier qu'il ait jamais lu".