Ces faux maoïstes qui ont mystifié Pékin

Message par pelon » 22 Oct 2004, 18:34

(Caupo @ vendredi 22 octobre 2004 à 19:30 a écrit :Bof, les SR ont bien eu leur Azov et les bolsheviques leur ...comment s'appelait déjà le chef de la fraction à la Douma?


Roman Malinovski
pelon
 
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Message par logan » 22 Oct 2004, 20:11

Ca fait un peu "la vérité est ailleurs" cet article
logan
 
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Message par Urriko » 07 Mars 2005, 12:41

(Liberation.fr a écrit :Taupe en faux col Mao

Aux Pays-Bas, pendant trente-cinq ans, Pieter Boevé a mené double vie. Sous l'alias de Chris Petersen, il a monté un parti maoïste bidon, financé par Pékin, pour le compte des services spéciaux néerlandais. Quinze ans après avoir «raccroché», il raconte.

Par Nathalie DUBOIS

lundi 07 mars 2005 (Liberation - 06:00)

Zandvoort-am-See (Pays-Bas), envoyée spéciale


Quand il rentre dans son modeste deux pièces, au premier étage d'une résidence pour personnes âgées, il n'y a, pour l'accueillir, que son vieux chat birman gris. «Je l'ai baptisé Dong, en souvenir de l'hymne maoïste Dong Fang Hong, L'Orient est rouge», dit Pieter Boevé. A 76 ans, le vieil homme au sourire espiègle vit une seconde jeunesse sous les feux de l'actualité. Une de ses petites filles l'a appelé des Etats-Unis, toute fière de voir le visage de son grand-père à la une du Wall Street Journal. Jamais Zandvoort-am-See, morne station balnéaire de la mer du Nord, n'avait connu pareille notoriété. Au conseil municipal où son Parti des retraités a raflé trois sièges aux dernières élections, M. Boevé a fait courir un excitant frisson d'aventure. On le surnomme maintenant «Mister Bond» ou «007». «C'est lourd à porter un secret d'Etat», avoue-t-il. Pendant 35 ans, il l'a pourtant scrupuleusement gardé. Jusqu'à ce que les services secrets néerlandais le délivrent de son serment de silence. Aujourd'hui, Pieter Boevé peut enfin raconter au monde entier son incroyable histoire, digne d'un roman de Le Carré.

Secrétaire général du MPLN

Une double vie, menée sous son vrai nom, lorsqu'à Haarlem il était un directeur d'école à la sévérité redoutée de tous ses élèves. Et sous l'alias de Chris Petersen, lorsqu'à Pékin ou Tirana il endossait sa veste de secrétaire général du MLPN, le Parti marxiste-léniniste des Pays-Bas. Pour le compte du BVD, les services spéciaux de leurs Majestés Juliana et Beatrix, Petersen-Boevé a été, de 1958 à 1989, le personnage clé du «Projet Mongol», cogéré par la CIA sous le nom d'opération «Red Herring». Un «Hareng rouge»  au double sens de leurre  pour désigner l'hameçon auquel les plus hauts dignitaires du Parti communiste chinois ont mordu, sans se douter de rien, pendant plus de trois décennies...

Avec le sentiment du devoir accompli, le paisible retraité raconte aujourd'hui l'invraisemblable supercherie qui a duré jusqu'à la chute du mur de Berlin : fabriquer un jeune leader maoïste tellement convaincant que la Chine communiste allait s'en servir pour pousser ses pions en Europe et, en pleine brouille avec le grand frère de l'URSS, y déstabiliser autant que possible l'ennemi soviétique. «J'inspirais une telle confiance aux Chinois qu'ils m'ont payé tout ce je voulais. Des millions ! » Des liasses de dollars, qu'il allait discrètement chercher à l'ambassade d'Albanie dans le XVIe arrondissement de Paris, vont ainsi financer la création du fameux MLPN, un parti totalement bidon. Ainsi qu'un vrai faux journal de propagande, De Kommunist, «rédigé de A à Z par les services secrets néerlandais, car c'était un jeu d'enfant de repiquer la prose du régime lue dans la Revue de Pékin», s'esclaffe encore Pieter Boevé. Un coup monté, semble-t-il unique, dans les annales de l'espionnage occidental.

Du BVD, le «hareng rouge» affirme n'avoir pourtant jamais reçu un florin. C'est en bénévole qu'il a collaboré toutes ces années. Par goût de l'aventure et sens du défi certes, mais «d'abord, parce que j'étais un libéral convaincu. Dès le lendemain de la guerre, les communistes m'apparaissaient comme les pires ennemis de la planète. J'avais vraiment peur que les Russes ne se contentent pas de la RDA et conquièrent l'ouest de l'Europe».

Fils unique d'une veuve de guerre, qui fait des ménages pour lui payer ses études, Pieter a très tôt voulu faire de la politique. Etudiant, il milite alors dans le groupe de jeunesse du parti de droite libéral VVD. Son énergie, son autorité naturelle, son don des langues  outre le néerlandais, il parle anglais, allemand, français, danois et espagnol  le font repérer par le BVD. Un de ses amis lui propose de servir d'informateur quand, avec des milliers de jeunes Européens, Boevé est invité à Moscou, en 1957, au Festival mondial de la jeunesse. «Preuve que je ne devais pas être un jeune homme si honnête que ça, j'ai accepté la mission : faire croire aux Soviétiques qu'ils pouvaient m'endoctriner. »

S'éloignant du VVD, il commence donc à flirter avec le Parti communiste néerlandais, où on s'attelle à lui «ouvrir les yeux» : «J'ai dû lire Marx, Engels, Lénine, Staline, et ils contrôlaient que j'absorbais bien tout. /I]» Le «converti» donne si bien le change qu'il en bluffe même son agent traitant, «[I]épaté d'apprendre que j'avais été reçu au Kremlin pour trinquer à la vodka avec Krouchtchev ! ». De modeste informateur de troisième zone, Boevé s'avère vite une recrue de choix pour le BVD. «J'avais une excellente mémoire : quinze jours après une conversation, j'étais capable de la reproduire au mot près, sans aucune note», se vante-t-il.

En 1958, raconte Boevé, se présente «la chance incroyable» qui va propulser sa carrière d'espion à mi-temps. Les Pays-Bas sont, avec le Royaume-Uni, les seuls Etats occidentaux à avoir reconnu la République populaire de Chine. Quand Pékin invite une délégation européenne à venir admirer les beautés de la révolution, le jeune enseignant néerlandais fait partie du voyage. «On a été reçus comme des rois, logés dans le meilleur hôtel de la capitale, conviés à d'interminables banquets avec les plus hauts dirigeants du PCC, autour de tables croulant sous les mets exquis», se délecte encore cet amoureux de la cuisine chinoise. Pour parfaire sa pensée, le régime maoïste lui fait suivre, en 1963, un mois de stage intensif à l'école du parti. Un autre souvenir ému : «A part qu'ils m'ont traîné dans tous les musées à la gloire de Mao Zedong et que j'ai dû plancher sur les écrits de Mao, Marx et Engels, ce fut un séjour formidable. J'étais traité comme un VIP, j'avais droit à des cours particuliers de hauts dignitaires du parti, et le soir, ils m'emmenaient voir des opéras révolutionnaires. »

Le renseignement néerlandais l'avait prévenu que s'il était démasqué, il n'aurait rien à attendre de son pays, qui nierait tout en bloc. Le jeu était «dangereux, admet Pieter Boevé, mais aussi incroyable que cela paraisse, je n'ai jamais éprouvé la peur, tellement jouer le communiste s'est révélé facile : il me suffisait de brancher mon cerveau sur un autre canal de pensée, c'est tout.. .».

«Dix ou onze vrais révolutionnaires...»

Si la Chine soigne autant celui qu'elle connaît sous le nom de Chris Petersen, c'est qu'en 1960 la rupture est consommée entre Pékin et Moscou. L'URSS retire aides, techniciens et usines à l'empire du Milieu, déjà ravagé par la terrible famine due au «grand bond en avant». Suprême ironie de l'histoire, Chinois et Néerlandais se retrouvent des alliés objectifs dans la lutte contre l'essor de la puissance soviétique. Briefé par le BVD, Boevé-Petersen offre son aide à l'ambassade chinoise de La Haye pour déstabiliser le Parti communiste néerlandais «officiel». Financé par Pékin, le Parti marxiste-léniniste des Pays-Bas (MLPN)  qui voit le jour en 1969  sera la tribune d'où le faux leader maoïste lance ses invectives contre les déviances de Moscou et de ses affidés européens. Milite pour le démantèlement des SS 20 soviétiques. Mais aussi alerte La Haye et Washington des premières velléités chinoises de rapprochement avec les Etats-Unis. Et sert de taupe dans les milieux maoïstes ouest-européens.

Bien loin des 600 membres dont Boevé se targue auprès de ses généreux banquiers rouges, le MLPN «n'a jamais attiré que dix ou onze vrais révolutionnaires, et encore peut-être étaient-ils, eux aussi, des agents du BVD», rigole le retraité de Zandvoort. Tout ce temps-là, le respectable directeur d'école n'a jamais dit la vérité qu'à sa femme et à ses deux fils quand ceux-ci ont été assez grands pour tenir leur langue. Avec un brin de nostalgie, Pieter Boevé se souvient de ces soirées qu'ils passaient, tous les quatre, autour de la table du salon, à assembler les pages du journal De Kommunist.

Trois antiques attachés-cases du bon vieux temps prennent la poussière au pied du grille-pain, tandis que l'oeil du vieux monsieur brille encore à l'évocation du tapis rouge qu'on lui a déroulé une bonne vingtaine de fois à Pékin, de sa poignée de main avec le Grand Timonier sur le balcon de la place Tiananmen ou des intéressantes discussions «en français» qu'il avait à Tirana avec le dictateur communiste albanais. «Rencontrer Mao et Enver Hoxha n'est pas donné à tout le monde. Ma vie a finalement été beaucoup plus intéressante que si j'avais fait une carrière politique à La Haye. J'ai visité gratis le monde entier. » La Chine, il n'y a plus mis les pieds depuis 1989 : «Avec la chute du mur de Berlin, mon travail était fini. » Ni Pékin, ni La Haye n'avaient plus besoin du MLPN... «Je suis fier d'avoir apporté ma contribution à la fin de la guerre froide», conclut-il serein.

«Branché sur un autre canal de pensée»

Boevé aurait emporté son secret dans la tombe si, quinze ans après avoir raccroché sa mallette d'espion, n'était sorti, fin 2004, le livre d'un ancien officier du BVD, Frits Hoekstra. Dans ses Mémoires  non autorisés , Hoekstra levait le voile sur le «Projet Mongol», sans révéler bien sûr l'identité du pseudo-leader du pseudo-MLPN. Mais un magazine néerlandais retrouve le «Hareng rouge». Et pour la première fois, Boevé s'affole : «Je suis allé voir les services secrets en leur disant : "Qu'est-ce que je fais ? Ça devient dangereux pour moi ! Je ne peux pas nier les faits..." Ils m'ont alors délivré de mon serment de silence. »

Pour l'AIVD  qui a succédé en 2003 au BVD , le récit de ces glorieux faits d'armes tombe finalement à pic, analyse Boevé : vilipendés pour n'avoir pu prévenir le récent assassinat du cinéaste Théo Van Gogh par un jeune musulman dont ils connaissaient pourtant la dérive fondamentaliste, les services néerlandais prouvent leur audace d'antan. Une façon comme une autre de justifier la substantielle hausse de leur budget votée au parlement pour faire face à la nouvelle psychose du pays : le terrorisme islamiste.

Frits Hoekstra, dont le livre est à sa troisième édition, confirme que le gentil retraité qui s'appuie sur sa canne pour aller faire ses petites courses au supermarché, tout content de son nouveau cabas à deux euros, «a été plus proche des hautes sphères du Parti communiste chinois que tout agent de la CIA». Content d'avoir déposé le masque, Boevé ne serait pas mécontent de voir maintenant fleurir une décoration à la boutonnière de son veston fatigué : «L'insigne de l'ordre d'Orange-Nassau ou, mieux, la Légion du lion néerlandais», fait-il mine de rêver. Seuls à rester sur le bord de la route : les rares vrais maoïstes tombés dans le traquenard. Comme Paul Wartena, cet universitaire d'Utrecht, qui réclame maintenant à l'Etat les quelque 20 000 euros de cotisations qu'il a cru verser pendant douze ans à un parti révolutionnaire...
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