l' "erreur" de Marx dans le Manifeste

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par logan » 10 Oct 2004, 17:25

Cette erreur n'en est pas une d'ailleurs si le passage du manifeste auquel je pense est bien celui dont parle Monsieur DELPLA

Est-ce celui ci?>

a écrit :Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses "supérieurs naturels", elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement au comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale.

La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu'on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages.

La bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité qui recouvrait les relations de famille et les a réduites à n'être que de simples rapports d'argent.
Marx-engels, le manifeste, 1848
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Message par quijote » 10 Oct 2004, 18:08

Je pense que Marx ne s 'est pas trompé là : la preuve de nos jours : fini l ' optimisme du 18 ème siècle et le scientisme du 19 ème .
Beaucoup de gens de nos jours essayent hélas de trouver un dérivatif à la grisaille quotidienne et à la misère morale par un retour au mysticisme religieux , aux sectes et autres "New age" .
Sans parler de la toxicomanie , de l 'alcool .
C 'est chaque fois ce qui se produit quand il y a régression sociale et recul des idées communistes .
Les communistes ont bien raison de dire qu 'il s 'agit de bâtir les rêves et en 68 on parlait à juste titre de mettre l 'imagination au pouvoir ".
quijote
 
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Message par François Delpla » 12 Oct 2004, 09:34

Oui, il s'agit bien du passage en question... et de la conclusion qui en est tirée, suivant laquelle la bourgeoisie n'arrivera pas à stabiliser son pouvoir. C'est là qu'il y a erreur : elle a su pour l'instant, aussi bien que la féodalité, raconter aux pauvres ce qu'il fallait pour qu'ils acceptent leur condition ("lintérêt général", les "lois objectives de l'économie", les mobilisations partiotiques ou "raciales", etc.); à moins de supposer qu'elle n'a dominé que par la répression... ce qui poserait tout autant de problèmes quant à la validité de la théorie.
François Delpla
 
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Message par logan » 12 Oct 2004, 11:54

Je pense que vous comprenez mal le passage.

Ce passage n’est pas une explication de "l’instabilité de la bourgeoisie", bien au contraire. Il montre que l’énorme développement de la bourgeoisie révolutionne non seulement les anciens rapports féodaux (la base économique) mais aussi les idées et institutions qui se sont développées avec ces rapports (la «superstructure » : institutions, lois, idéologies, idées).

Ce n’est qu’ensuite que le Manifeste explique que la bourgeoisie devient réactionnaire et qu’elle est elle même condamnée :
1) Le régime bourgeois de propriété devient un obstacle au développement des forces productives. Les crises du capitalisme témoignent de l’inadéquation entre les richesses créées et l’organisation sociale.

2) « La bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort, elle a aussi produit les hommes qui manieront ces armes, les ouvriers modernes, les prolétaires. » Cette classes sociale est appelée à renverser la bourgeoisie. Pourquoi ? Est-ce une « téléologie », une croyance religieuse ? Absolument pas.
Le prolétariat est appelé à renverser la bourgeoisie en raison de sa place centrale dans la production (Il a le pouvoir de prendre en main la production) et de son dénuement absolu dans la société où règne la propriété bourgeoise (Il n’a aucun intérêt à son maintien).

On voit donc que ce ne sont absolument pas les « idées » d’une civilisation ou sa « capacité d’illusion » qui expliquent sa viabilité ou sa mort certaine.
Ce n’est pas la capacité d’explication ou d’autojustification qui sauveront ou qui condamneront la bourgeoisie. C’est la lutte de classe qu’elle mène contre le prolétariat.
Le combat d’idées entre les penseurs bourgeois et les intellectuels révolutionnaires, entre Raymond Aron et Lénine, n’en est qu’un reflet.
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Message par Jacquemart » 12 Oct 2004, 11:59

Il est vrai que Marx, dans le Manifeste, mésestime la capacité de la bourgeoisie à perdurer. C'est peut-être vrai dans ce passage, c'est beaucoup plus flagrant à propos du salaire, où il développe une conception qu'il abandonnera ensuite très rapidement, selon laquelle le capitalisme n'assure même pas un salaire suffisant pour que la force de travail se reproduise.
Mais si, comme bien des révolutionnaires, Marx a péché par impatience, ou si l'on veut, par optimisme, il est frappant de constater à quel point ce texte, écrit à l'aube de la révolution industrielle, malgré ses erreurs de détail, anticipe d'une manière juste les évolutions ultérieures de la société.
Plus de 150 ans après, le tableau que dresse Marx de la "mondialisation capitaliste", et les conclusions qu'il en tire, n'ont pour ainsi dire pas pris une ride.
Alors, au fond, l'impatience révolutionnaire, qui fait commettre à Marx quelques erreurs sur des points secondaires, lui permet en même temps d'avoir une compréhension infiniment plus pénétrante des lignes de forces de l'évolution sociale que des centaines de pages "réalistes" écrites à son époque... et depuis lors.
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Message par Nadia » 12 Oct 2004, 14:22

N'empêche, ce que Marx dit des relations familiales pourries par l'argent et l'hypocrisie, c'est pas que du fantasme. Dans bien des familles bourgeoises, le principal sujet de conversation est bien l'héritage, sa répartition, la bonne marche des affaires (d'un point de vue rentabilité) etc.
Dans bien des familles, même des familles pauvres, les relations peuvent être pourries par des querelles d'héritage, de non solidarité financière, de refus de payer une pension alimentaire, de faire du chantage sur la garde des enfants pour estroquer un peu plus, et les membre de la famille sont prêts à se haïr par pure mesquinerie.

Quant au fait que la bourgeoisie n'assure même pas un salaire suffisant pour que la force de travail se reproduise, c'est parfois le cas, quand la lutte de classe devient exacerbée contre les travailleurs. On l'a vu à Haïti au moment de la colonie, en Angleterre à l'époque de Marx où la misère était de pire en pire, on le voit encore dans bien des pays pauvres actuellement, ou pendant la deuxième guerre mondiale dans les camps. Mais c'est une bombe à retardement. Quand les gens sentent qu'ils n'ont plus rien à perdre, qu'ils n'espèrent même plus pouvoir en sortir vivants, ils n'ont plus peur de rien et sont près à tout.
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Message par ianovka » 12 Oct 2004, 18:18

MODERATION --- Une partie de la discussion étant hors sujet a été transférée là :

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"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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