Lutte de Classe - Publié par Lutte Ouvrière - France
N°94
Février 2006
Banlieues 2005 et commentaire du texte d'orientation de la minorité -Roger Girardot
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L'habitat concentrationnaire, le manque d'emplois à l'échelle locale et nationale, le bas niveau de revenus, des logements souvent surpeuplés et dégradés, le racisme, tout cela, non seulement existeL'habitat concentrationnaire, le manque d'emplois à l'échelle locale et nationale, le bas niveau de revenus, des logements souvent surpeuplés et dégradés, le racisme, tout cela, non seulement existe, mais crée la conviction, pour ceux qui justement ne s'en sortent pas, que toute la population qui habite ces quartiers est rejetée, n'a pas accès à ce que la moyenne de la population connaît. La conviction aussi pour les jeunes, qu'ils ne pourront jamais s'intégrer.
Cela, c'est le fond social et nous le dénonçons depuis longtemps.
Nous n'allons pas rediscuter comme si nous le découvrions puisque ça fait des années que nous le dénonçons.
Nous avons parlé de la forme que ces révoltes ont prise. Et ce n'est pas nouveau, les premiers incendies de voitures doivent dater des années 1970 et en tout cas de 1982, un an après que Mitterrand soit arrivé au pouvoir. Et si c'était des gosses de 10 ans qui le faisaient en 82, ils ont 28 ou 33 ans maintenant.
C'est un phénomène qui se renouvelle, mais la forme que ça prend est bien souvent une forme par imitation, qui n'est pas raisonnée, qui est irrationnelle.
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Bien sûr, on peut dire, comme ceux des jeunes qui s'expriment, ceux auxquels on tend un micro, c'est parce qu'on a « la rage », « la haine » de tout ce qui les entoure, et tant pis pour ceux qui en sont victimes même si c'est les voisins, même si c'est leur famille ; il y en a même un qui a dit « on a brûlé la voiture d'un copain mais il ne nous en veut pas ».
Il s'agit là d'explosions de colère indiscutablement, et ils considèrent que c'est le seul moyen d'attirer l'attention sur eux. Mais ce sont des réactions d'inconscience et cela il faut le dire quand même. Si on ne le dit pas, on ne joue pas notre rôle.
C'est bien la peine d'appeler à un mouvement d'ensemble, à la lutte de classe, etc. si même à la « jeunesse prolétarienne », entre guillemets, on ne dit pas qu'elle fait fausse route et que ceux-là ont repris les pires modes d'action qui se sont passés en marge du mouvement ouvrier. Les bris de machines par exemple, et plus proche de nous, ceux qui voulaient déverser des produits toxiques dans une rivière.
Nous ne discuterons pas de la politique du gouvernement car même au cours de cette crise elle est inexistante. Le gouvernement n'avait que des emplâtres sur des jambes de bois à proposer. Il fait des promesses pour cinq ans, dix ans, dont chacun sait qu'elles ne seront pas tenues et que dans cinq ans, dix ans, les quartiers seront les mêmes, peut-être un peu plus dégradés, c'est tout. [ …]
Bien sûr que si le mouvement ouvrier n'était pas ce qu'il est, bien sûr qu'on pourrait offrir d'autres voies à ces jeunes. Mais on peut se poser le problème inverse : pourquoi cet individualisme, pourquoi les militants ouvriers ont-ils disparu non seulement de tous ces quartiers mais de partout ? De la faute aux dirigeants ? Oui, bien sûr, mais pas seulement. Comme dirait l'Église, il y a un manque de vocation. Les motivations, les envies on peut les trouver en soi-même car on n'est pas forcé de les attendre des autres. Et il y a tellement de gens qui ne les trouvent pas en eux-mêmes et qui les trouvent pour gagner de l'argent.
Les militants ouvriers ont disparu des quartiers, mais les quartiers n'ont pas suscité de militants ouvriers. Ils ont suscité parfois des militants intégristes mais pas de militants ouvriers et pourtant ils pourraient en susciter.
Nous ne nions pas l'influence du chômage mais ces jeunes-là ne se battent pas contre le chômage par ces méthodes-là. Ils ne se battent pas pour des emplois, etc. Non, ce n'est pas vrai. Il y a de tout, il y a des jeunes qui font ça par imitation inepte, il y en a qui sont déjà perdus. Nous ne les traitons pas de voyous, à moins de traiter les ouvriers qui ont menacé d'empoisonner une rivière de voyous, ce que nous ne faisons pas non plus.