Les nouveaux réactionnaires

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par SophieRouge » 26 Sep 2007, 12:18

Je suis nouvelle sur ce forum et je voudrais lance un débat relatif aux (pseudo) intellectuels de droite qui sévissent aujourd’hui dans tous les médias français. Depuis quelques années l’atmosphère ambiante a beaucoup changé… Les Alain Finkielkraut, BHL, et d’autres faisaient encore preuve d’une certaine retenue mais on assiste actuellement à un déchaînement incroyable. Ils se répandent dans toutes les émissions pour nous expliquer (surtout finkielkraut) que nous sommes aveugles face au danger islamiste, que les immigrés ne sont pas intégrés et que c’est de leur faute, que l’école est en crise car l’autorité n’existe plus (Finkielkraut dit : « l’école ne doit pas être une lieu de la démocratie » !!!) et tout cela accompagné d’un soutient plus ou moins avoué à Sarkosy ….

Que pensez vous de cette droite intellectuelle décomplexée… et de son éventuelle influence ?
SophieRouge
 
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Message par yannalan » 26 Sep 2007, 13:39

J'aurais tendance à dire que quand la bourgeoisie sent la faiblesse du prolétariat et de ses organisations, elle n'a aucune raison de se sentir gênée et les représentants intellos perdent leurs peu de complexes
yannalan
 
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Message par Vérié » 26 Sep 2007, 15:29

Une grande partie des intellos s'adaptent au "marché".
Dans les années 70, après les grands mouvements de Mai 68, il y avait un marché pour l'idéologie gauchiste ou gauchisante et les oeuvres (livres, films etc) influencés par cette idéologie. Aujourd'hui, il y a un retour en force des idées réactionnaires, dont ces intellectuels-girouettes sont à la fois porteurs actifs et éléments instables entraînés par le courant. Quant aux idéologues de droite et d'extrême-droite, ils se sentent en effet regonflés, décomplexés et refont surface.

Comme le dit Yannalan, c'est une question de rapport de forces entre prolétariat et bourgeoisie. Une grande partie des intellectuels et artistes suivent toujours le courant, même quand il peut les emmener très loin, et se placent toujours du côté du manche (et des avantages multiples que ça procure). Le temps ou le PCF et toutes ses organisations satellites apparaissait comme un tremplin privilégié pour se faire reconnaître appartient maintenant au passé.
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Message par Louis » 26 Sep 2007, 18:48

Moi je suis profondément en accord avec Bensaid

a écrit :
La figure de « l’intellectuel engagé » ou de « l’intellectuel de gauche » tend à s’effacer de notre paysage politique. Elle fut lourdement chargée de présupposés discutables :

1. Qu’il existât une catégorie sociale identifiable de l’intellectuel ;

2. Que l’intellectuel fût libre de choisir en raison son engagement ;

3. Que la gauche elle-même fût politiquement définie.

Or, la notion même d’intellectuel, forgée par Brunetière dans le contexte de l’affaire Dreyfus, est historiquement située. Bien que la division entre travail intellectuel et travail manuel demeure un clivage fondateur, elle devient aujourd’hui sociologiquement incertaine. La distinction établie par Foucault entre « intellectuel généraliste » et « intellectuel spécifique » était déjà symptomatique de cette mutation. Le portrait dressé par Debray de « l’intellectuel terminal » (« I.T. ») témoigne également du doute des intellectuels quant à leur propre fonction [1].

Quant à Bourdieu, il ne se serait « jamais senti justifier d’exister en tant qu’intellectuel ». Dans ses Méditations pascaliennes, il affirmait carrément détester en lui l’intellectuel, et n’envisageait de remède à ce dégoût de soi que par l’application réflexive d’une sociologie critique aux intellectuels critiques. Au prix d’une profonde mécompréhension, il récusa l’idée de « l’intellectuel organique » en tant « qu’expression suprême de l’hypocrisie sacerdotale », dont les « intellectuels prolétaroïdes » et, au premier chef, le journaliste dilettante, étaient à ses yeux la triste illustration. Il lui opposa « l’intellectuel authentique », capable d’instaurer « une collaboration dans la séparation ». Par cette claire distribution et délimitation des rôles, Bourdieu s’enfermait dans les frontières qu’il traçait lui-même, par sanglante coupure épistémologique, entre sociologie et doxa. Il restait ainsi prisonnier de la vieille opposition entre le savant et le politique, entre la fonction de « conseiller du prince » et celle de « confident de la providence », entre le magistère hautain et la fausse humilité au service du peuple. Dans l’un et l’autre cas, l’intellectuel se place au-dessus ou au-dessous, jamais de plein pied avec la multitude des « incompétents » qui sont pourtant, au quotidien, les acteurs d’une politique de l’opprimé.

La thématique de « l’engagement » ne répond pas à ce dilemme. Breton et Blanchot manifestèrent de l’irritation devant cette notion. Le second redouta un « détournement d’influence ou d’autorité », par lequel des intellectuels mettraient au service de choix politiques et moraux une notoriété acquise au nom d’une activité spécifique. Le terme même d’engagement présupposait une extériorité originelle d’où naîtrait la décision souveraine de s’engager (de prendre part à un conflit n’impliquant pas nécessairement le sujet intellectuel). Blanchot recommandait donc à l’intellectuel de se tenir « en retrait du politique », de profiter de « cet effort d’éloignement » ou de cette « proximité qui éloigne », pour « s’installer comme un guetteur qui n’est là que pour veiller et se maintenir en éveil » ; non pour s’éloigner de la politique, mais pour s’efforcer de « maintenir cet espace de retrait et cet effort de retirement » [2].

Intellectuel engagé ? Intellectuel guetteur et sentinelle ? C’est toujours présupposer l’intellectuel libre de choisir sa cause en toute conscience ; comme s’il n’était pas lui aussi « embarqué » à son insu, sa part de liberté consistant à penser, pour mieux s’en émanciper, les déterminations biographiques, sociales, institutionnelles, de cet embarquement. La figure même de « l’intellectuel engagé » apparaît en effet tributaire d’un contexte particulier et d’une relation tout aussi particulière entre la littérature (ou la théorie) et la politique. Elle s’apparente à celle du « compagnon de route » (fut-il « de l’intérieur »), si impitoyablement fustigée par Dionys Mascolo [3]. Et par Blanchot : « Des intellectuels qui, depuis qu’ils ont reçu ce nom, n’ont rien fait d’autre que de cesser momentanément d’être ce qu’ils étaient [4]. » Intellectuels intermittents, défroqués du concept, intelligences pénitentes, usant tantôt de leur notoriété à des fins la propagande, tantôt abdiquant leur spécificité pour se mettre servilement au service du peuple et du parti. La méfiance de la gauche stalinisée envers ses intellectuels les a réduits à un rôle d’accompagnement subalterne ou de faire-valoir ornementaux. Si la thématique de l’engagement avait, chez Sartre, des fondements philosophiques, elle répondait aussi à une situation d’alliance inorganique et de défiance mutuelle.

Elle scellait l’échec de l’intellectuel partisan, tel qu’il avait pu exister avant 1914 dans le mouvement ouvrier (avec les Jaurès, Durkheim, Herr, Mauss, en France ; Mehring, Rosa Luxemburg, Kautsky, en Allemagne ; Pannekoek en Hollande ; Labriola, en Italie, etc) ; puis, dans le sillage de la Révolution d’Octobre et dans l’entre-deux guerres (avec Lukacs, Gramsci, Victor Serge, Istrati, Plisnier, et tant d’autres). En France, les avatars du groupe « Philosophies » et le cas tragique de Nizan (posthumement insulté par Aragon comme archétype du traître dans la première version, sinistrement policière, des Communistes) sont emblématiques de ce rendez-vous, saboté plutôt que manqué [5]. La bureaucratisation et la caporalisation de la pensée par la réaction stalinienne a suscité en retour un souci d’indépendance souvent illusoire. L’affirmation d’une coupure épistémologique, qui assurerait un partage des domaines entre théorie (où l’intellectuel exercerait sa liberté critique) et politique (où régnerait la compétence du parti) en fut une expression : à l’intellectuel, la quête des vérités intemporelles ; au parti, l’administration temporelle des opinions [6].



Mais il n'y a pas que des "intelectuels de salons" (ou plutot d'intelectuels de télévision) il reste des gens (sociologues, historiens, philosophes) qui pensent encore, et qui pensent CONTRE (comme Slavoj Zizek, Giorgio Agamben, Luc Boltansky, Robert Castel, Loïc Wacquant pour n'en citer que quelque uns) Evidemment ils n'ont aucune chance de passer a la télé (quoique zizek....)
Louis
 
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Message par Vérié » 27 Sep 2007, 06:59

Dans ce monde où tout tend à devenir marchandise (voir, sur le fil sur la prostitution, la citation du camarade Marx), tout s'achète et tout se vend : l'intelligence, la connaissance, le talent, la notoriété...
Vérié
 
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Message par artza » 27 Sep 2007, 10:37

(Louis @ mercredi 26 septembre 2007 à 19:48 a écrit :Moi je suis profondément en accord avec Bensaid

a écrit :
La figure de « l’intellectuel engagé » ou de « l’intellectuel de gauche » tend à s’effacer de notre paysage politique. Elle fut lourdement chargée de présupposés discutables :

1. Qu’il existât une catégorie sociale identifiable de l’intellectuel ;

2. Que l’intellectuel fût libre de choisir en raison son engagement ;

3. Que la gauche elle-même fût politiquement définie.

Or, la notion même d’intellectuel, forgée par Brunetière dans le contexte de l’affaire Dreyfus, est historiquement située. Bien que la division entre travail intellectuel et travail manuel demeure un clivage fondateur, elle devient aujourd’hui sociologiquement incertaine. La distinction établie par Foucault entre « intellectuel généraliste » et « intellectuel spécifique » était déjà symptomatique de cette mutation. Le portrait dressé par Debray de « l’intellectuel terminal » (« I.T. ») témoigne également du doute des intellectuels quant à leur propre fonction [1].

Quant à Bourdieu, il ne se serait « jamais senti justifier d’exister en tant qu’intellectuel ». Dans ses Méditations pascaliennes, il affirmait carrément détester en lui l’intellectuel, et n’envisageait de remède à ce dégoût de soi que par l’application réflexive d’une sociologie critique aux intellectuels critiques. Au prix d’une profonde mécompréhension, il récusa l’idée de « l’intellectuel organique » en tant « qu’expression suprême de l’hypocrisie sacerdotale », dont les « intellectuels prolétaroïdes » et, au premier chef, le journaliste dilettante, étaient à ses yeux la triste illustration. Il lui opposa « l’intellectuel authentique », capable d’instaurer « une collaboration dans la séparation ». Par cette claire distribution et délimitation des rôles, Bourdieu s’enfermait dans les frontières qu’il traçait lui-même, par sanglante coupure épistémologique, entre sociologie et doxa. Il restait ainsi prisonnier de la vieille opposition entre le savant et le politique, entre la fonction de « conseiller du prince » et celle de « confident de la providence », entre le magistère hautain et la fausse humilité au service du peuple. Dans l’un et l’autre cas, l’intellectuel se place au-dessus ou au-dessous, jamais de plein pied avec la multitude des « incompétents » qui sont pourtant, au quotidien, les acteurs d’une politique de l’opprimé.

La thématique de « l’engagement » ne répond pas à ce dilemme. Breton et Blanchot manifestèrent de l’irritation devant cette notion. Le second redouta un « détournement d’influence ou d’autorité », par lequel des intellectuels mettraient au service de choix politiques et moraux une notoriété acquise au nom d’une activité spécifique. Le terme même d’engagement présupposait une extériorité originelle d’où naîtrait la décision souveraine de s’engager (de prendre part à un conflit n’impliquant pas nécessairement le sujet intellectuel). Blanchot recommandait donc à l’intellectuel de se tenir « en retrait du politique », de profiter de « cet effort d’éloignement » ou de cette « proximité qui éloigne », pour « s’installer comme un guetteur qui n’est là que pour veiller et se maintenir en éveil » ; non pour s’éloigner de la politique, mais pour s’efforcer de « maintenir cet espace de retrait et cet effort de retirement » [2].

Intellectuel engagé ? Intellectuel guetteur et sentinelle ? C’est toujours présupposer l’intellectuel libre de choisir sa cause en toute conscience ; comme s’il n’était pas lui aussi « embarqué » à son insu, sa part de liberté consistant à penser, pour mieux s’en émanciper, les déterminations biographiques, sociales, institutionnelles, de cet embarquement. La figure même de « l’intellectuel engagé » apparaît en effet tributaire d’un contexte particulier et d’une relation tout aussi particulière entre la littérature (ou la théorie) et la politique. Elle s’apparente à celle du « compagnon de route » (fut-il « de l’intérieur »), si impitoyablement fustigée par Dionys Mascolo [3]. Et par Blanchot : « Des intellectuels qui, depuis qu’ils ont reçu ce nom, n’ont rien fait d’autre que de cesser momentanément d’être ce qu’ils étaient [4]. » Intellectuels intermittents, défroqués du concept, intelligences pénitentes, usant tantôt de leur notoriété à des fins la propagande, tantôt abdiquant leur spécificité pour se mettre servilement au service du peuple et du parti. La méfiance de la gauche stalinisée envers ses intellectuels les a réduits à un rôle d’accompagnement subalterne ou de faire-valoir ornementaux. Si la thématique de l’engagement avait, chez Sartre, des fondements philosophiques, elle répondait aussi à une situation d’alliance inorganique et de défiance mutuelle.

Elle scellait l’échec de l’intellectuel partisan, tel qu’il avait pu exister avant 1914 dans le mouvement ouvrier (avec les Jaurès, Durkheim, Herr, Mauss, en France ; Mehring, Rosa Luxemburg, Kautsky, en Allemagne ; Pannekoek en Hollande ; Labriola, en Italie, etc) ; puis, dans le sillage de la Révolution d’Octobre et dans l’entre-deux guerres (avec Lukacs, Gramsci, Victor Serge, Istrati, Plisnier, et tant d’autres). En France, les avatars du groupe « Philosophies » et le cas tragique de Nizan (posthumement insulté par Aragon comme archétype du traître dans la première version, sinistrement policière, des Communistes) sont emblématiques de ce rendez-vous, saboté plutôt que manqué [5]. La bureaucratisation et la caporalisation de la pensée par la réaction stalinienne a suscité en retour un souci d’indépendance souvent illusoire. L’affirmation d’une coupure épistémologique, qui assurerait un partage des domaines entre théorie (où l’intellectuel exercerait sa liberté critique) et politique (où régnerait la compétence du parti) en fut une expression : à l’intellectuel, la quête des vérités intemporelles ; au parti, l’administration temporelle des opinions [6].



Mais il n'y a pas que des "intelectuels de salons" (ou plutot d'intelectuels de télévision) il reste des gens (sociologues, historiens, philosophes) qui pensent encore, et qui pensent CONTRE (comme Slavoj Zizek, Giorgio Agamben, Luc Boltansky, Robert Castel, Loïc Wacquant pour n'en citer que quelque uns) Evidemment ils n'ont aucune chance de passer a la télé (quoique zizek....)

Eh, en voilà une jolie façon d'embrouiller une question en esbrouffant les snobs et les gogos.

Je ne vois vraiment ce qu'il peut y avoir de commun entre Rosa Luxemburg et Durkheim.

Qu'avait à voir Istrati écrivain "du peuple", des "petits" et des humble au vrai sens du terme, révolté, écorché vif, balloté par des événements sur lesquels il n'avait pas de prise , mais jamais cire-bottes ni bifsteackards, et Luckacs un jongleur idéologique, quand à Nizan qu'a-t-il compris au film?


"Intellectuel de gauche", "intellectuel engagé" sont des catégories élastiques et floues qui n'ont pas grande signification et n'engagent à rien ceux qui s'en parent.
artza
 
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Message par Louis » 27 Sep 2007, 10:53

Il n'y avait rien de commun entre les engagements politiques de Durkeim et de Rosa Luxembourg (entre une figure de la gauche révolutionnaire et l'autre d'une gauche "bien pensante") que le fait de se considérer comme "intelectuels partisans" Je pense que Bensaid justement nous donne dans ce texte pour comprendre la notion "historique" d'intelectuel (ce qui n'a pas toujours voulu dire la meme chose selon les époques)
Louis
 
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Message par Koceila » 10 Oct 2007, 18:18

Yannalan:

a écrit :J'aurais tendance à dire que quand la bourgeoisie sent la faiblesse du prolétariat et de ses organisations, elle n'a aucune raison de se sentir gênée et les représentants intellos perdent leurs peu de complexes


Si tu veux parler du PS, PC et des syndicats, il y a longtemps qu'elles ont vendu le prolétariat à la bourgeoisie en échange de quelques fauteuils ou de bonnes places aux comités d'entreprises ou autres avantages...

Vérié:
a écrit :Dans ce monde où tout tend à devenir marchandise (voir, sur le fil sur la prostitution, la citation du camarade Marx), tout s'achète et tout se vend : l'intelligence, la connaissance, le talent, la notoriété...


Comme tu es dans le vrai, dans ce milieu même le mot intégrité n'a aucun sens
Koceila
 
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Message par sanchez » 10 Oct 2007, 20:07

louis : intellectuel, ça prend LL. Je pense que Bensaid l'écrit comme cela non ?
sanchez
 
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Message par Louis » 10 Oct 2007, 20:29

Sans doute ! :emb:
Louis
 
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