par Gaby » 14 Jan 2006, 18:32
Juste une réponse sans prétention sur la question de la "légitimité" de la révolution prolétarienne, une question formulée de façon morale (ce qui n'est pas un mal) et qui bouffe des heures à y penser et à y rêver... T'as ouvert la boite de Pandore. Bon.
Nous vivons aujourd'hui dans une société dominée par la bourgeoisie, qui tient dictatorialement les rènes de l'économie et s'appuie sur un pouvoir politique qui défend vaille que vaille ses intérêts, donc l'organisation capitaliste de la société. Il s'agit d'une infime minorité qui n'a accepté de s'éloigner de Germinal que parceque la classe ouvrière lui a cherché des noises. Pas assez visiblement, vu les conditions de travail pour les gamins-ouvriers de Nike et autres multinationales à l'étranger. Le patron tout-puissant encore aujourd'hui, même si les conditions de vie ont un peu évolué, c'est le quotidien d'une société basée sur le salariat. Ca ne coûte rien de rappeller qu'ils sont loins d'être majoritaires, au contraire, largement inférieurs en nombre au prolétariat industriel à travers le monde. La deuxième chose à rappeller, c'est que plus le temps va, à l'échelle du globe il n'y a jamais eu autant d'ouvriers qu'aujourd'hui. Le nier cela revient à dire que tout ce qu'on produit est le fait du Saint Esprit. Même derrière des automates dans les chaînes, il y a des ouvriers pour les construire, les entretenir, les utiliser. Derrière notre bouffe, il y a des ouvriers agricoles. Le prolétariat est ultra-majoritaire mondialement, il se trouve juste que le programme communiste s'appuie particulièrement sur la classe ouvrière qui en constitue la partie motrice. Il y a un paquet de raisons derrière l'action révolutionnaire, dont le marxisme constitue la science. Il faut lire et relire Marx et les autres pour un militant, afin de comprendre tous les mécanismes de la société...
Tiens je te propose une première approche, mais il y en a d'autres.
Une des phrases qui m'ont le plus marquées dans mes lectures politiques (je ne fais que commencer, comme toi), et qui trace des pistes quant à pourquoi la classe ouvrière - même minoritaire localement - doit mener la construction d'une nouvelle société, c'est Trotsky dans Bilans et Perspectives. Je me permets de souligner :
"L'importance sociale du prolétariat croît en proportion de l'importance des forces productives qu'il met en mouvement; c'est-à-dire qu'un prolétaire d'une grande usine est, toutes choses égales d'ailleurs, une grandeur sociale plus élevée qu'un ouvrier artisanal, et un ouvrier de la ville une grandeur plus élevée qu'un ouvrier de la campagne. Autrement dit, le rôle politique du prolétariat est d'autant plus important que la production à grande échelle domine la petite production, que l'industrie domine l'agriculture, et que la ville domine la campagne."
Il y a deux choses essentielles là-dedans. La première, habituelle du marxisme, c'est de dire que l'évolution de la société capitaliste jette les bases sur lesquelles le monde peut changer. La deuxième, qui précise la première, c'est d'insister sur l'idée que la société entière repose sur la classe ouvrière, son activité entière n'est rien sans celle-ci tant le travailleur industriel est le ciment productif de toute l'activité économique. D'ailleurs les faits sont têtus et l'action politique du prolétariat en est une preuve historique indéniable, chaque fois que les travailleurs se donnent la peine de mener leur lutte contre la société d'exploitation, tout est ébranlé...
Tu nous parles d'une légitimité qui manquerait à une partie de la population qui serait minoritaire et qui prendrait le pouvoir quand même. C'est compréhensible. Cependant il faut se dire que, pour prendre une image, même s'il n'y avait qu'un esclave dans une maison dirigée par 4 maitres, nous soutiendrions à tout prix le combat de l'esclave pour son affranchissement. Même s'il est minoritaire. Et même s'il n'avait pas d'autre choix que de se rebeller, arme à la main. Ensuite et surtout, il faut bien se dire que pour nous, si la classe ouvrière est le moteur de la construction du socialisme, s'en prenant à la propriété, nous voulons aussi qu'elle entraine toutes les autres couches défavorisées et oppressées de la population mondiale...
Et à l'ère de l'impérialisme des guerres perpétuelles, qui reste-t-il qui ne soit pas fondamentalement opprimé par l'évolution pourrissante du capitalisme ?