jusqu'au bout

Message par Ottokar » 27 Nov 2005, 19:25

Je suis assez d'accord avec Vérié (tout arrive !) et c'est pourquoi, contrairement à Nuit Noire, je ne le ferai pas circuler en dehors de cercles militants et sans en discuter.

Car le personnage de Donnadieu est effectivement le héros positif. Donnadieu en tant qu'acteur a eu une récompense pour son rôle dans le film, et s'y est tellement investi qu'il en fait la pub lui-même. Or ce personnage est une franche crapule. Un bureaucrate radical, qui sait coller aux masses, comme on sait le faire à la CGT et bien plus mal à la CFDT ou à FO, pour mieux les vendre au patronat. C'est ainsi qu'il conçoit son rôle d'avocat des travailleurs : arracher des compromis "raisonnables", même quand les gens ne sont pas "raisonnables"...

Bien des militants de LO se sont trouvés dans cette même position de négociateur dans des conflits. Ils ne mentent pas aux gens, ne leur font pas prendre le compromis pour autre chose qu'il est. Cellule de reclassment ? Création d'emplois ? on sait que c'est bidon, à quoi ça sert de faire semblant d'y croire ? Larose lui-même en fait un bilan plus que mitigé dans son livre et préconise quoi ? d'autres cellules de reclassement !!! Avoir 80 000 F quand on en voulait 150, ça arrive. Mais quand les gens l'ont décidé ainsi, se disent qu'ils sont au bout, qu'ils ne peuvent pas plus. Pas quand un bureaucrate a décidé à leur place, en négociant dans leur dos le chiffre du compromis avec une ministre devant laquelle il est petit garçon (son rôle dans le film est arrangé par rapport à ce qu'il en dit lui-même dans le livre).

Il ne s'agit pas de dire de façon puérile "pas de compromis". C'est une attitude qui apprend des choses aux gens. Une attitude qui leur donne confiance en eux, qui fasse qu'ils reprennent la tête haute, avec le sentiment d'avoir été au bout de ce qu'ils pouvaient, sans avoir été trahis.

Et qui permet parfois de gagner plus. Avec des militants de LO, les mineurs de potasse Lorraine ont gagné plus, ceux de Chausson Creil et Gennevilliers aussi. Et ont eu la satisfaction d'avoir fait ce qu'ils voulaient. Des années après, ils s'en souviennent avec fierté. J'ai rencontré une fois un ancien de Renault 47 qui parlait encore de sa grève avec fierté...
Ottokar
 
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Message par lallemande » 27 Nov 2005, 19:40

(Vérié @ dimanche 27 novembre 2005 à 11:41 a écrit : Et certes, on ne peut pas préconiser de tout faire sauter, mais jamais dans le film n'est évoqué la perspective d'étendre la lutte par exemple.


C'est bien mal connaître les Ardennes que de parler de possibilités d'étendre la lutte. Quand j'y ai vécu il y a plus de vingt ans, c'était déjà un département complètement sinistré avec une population pauvre, à l'abandon et complètement démoralisée (fermeture du textile, fermeture de la sidérurgie). Je crois qu'à l'époque du mouvement Cellatex, dans la pointe de Givet il ne restait plus RIEN, mais je peux me tromper bien sûr. Aurait-il fallu étendre la lutte à la centrale de Chooz? ça me paraît difficile, vu que les travailleurs de Chooz, très souvent, n'étaient pas originaires du coin.
J'ai bien aimé le film. Il y a des personnages attachants - et non syndicalistes - qui osent enfin l'ouvrir. Comme cette femme avec deux enfants à charge qui au cabinet du ministre dit à je ne sais plus quel bureaucrate qui fait des dessins ou fouille dans ses dossiers pendant qu'elle parle "mais c pas poli ce que vous faites-là!". Le personnage de Roger, 49 ans, est super. Enfin pour ce que j'en ai vu: étant très fatiguée le soir, je me suis couchée sans regarder jusqu'au bout "jusqu'au bout". Mais mon coeur bat plus fort pour les ouvriers des Ardennes pour qui c'est important aussi qu'on parle un peu d'eux.
lallemande
 
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Message par Thomas » 27 Nov 2005, 19:55

je suis pas vraiment de votre avis , camarades , j'ai beaucoup aimé le film. je trouve tous les personnages plus attachants les uns que les autres y compris le "bureaucrate syndical" . Je pense pas qu'il pouvait obtenir plus et il n'avait aucune perspective , ils étaient devant la perspective d'un licenciement. Je suis en train de lire "La maladie infantile du communisme" de Vladimir Ilitch et votre posture sans compromis me semble assez gauchiste au sens léniniste du terme. Une négociation , c'est aussi plier un peu. Que fallait-il faire ? Faire tout péter , habitations comprises ?
Le fait qu'il ne dévoile pas le chiffre des indemnités est un accord convenu avec la ministre, il engueule d'ailleurs le préfet qui fait du cinéma et annonce 36 000 au lieu des 80 000 convenu.
Thomas
 
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Message par lallemande » 27 Nov 2005, 20:04

Thomas, je partage un peu ton sentiment, mais ne peux rien dire sur la "maladie infantile du communisme" que j'ai acheté mais pas lu. Je voudrais revenir sur l'idée de Vérié "d'étendre la lutte", ce qui n'est pas toujours possible, même si la raison que j'ai invoquée (absence d'industrie) est un peu fausse. Je viens d'aller voir sur ce site:http://www.givet.fr/Industries.html#lien
Allez-y, ils parlent de l'industrie à Givet "hier" et "aujourd'hui", ce que je trouve assez significatif et même un rien cynique quand on repense au film d'hier
lallemande
 
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Message par Thomas » 27 Nov 2005, 20:12

ah , je suis content que tu partages mon sentiment parce que je me sentais d'un coup anti marxiste tombant dans le panneau du premier bernard thibaud venu. pour la maladie infantile du communisme, c'était juste une petite remarque mesquine.
Thomas
 
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Message par com_71 » 27 Nov 2005, 20:13

Thomas, je n'ai pas vu le film, mais je connais la situation. Il ne s'agit pas de dire "pas de compromis", il s'agit que les grévistes aient le contrôle de leur mouvement. Que les décisions soient prises démocratiquement en toute connaissance de cause.

a écrit :Le fait qu'il ne dévoile pas le chiffre des indemnités est un accord convenu avec la ministre
C'est quoi cet ostrogoth qui estime qu'il a le droit de savoir des choses que les grévistes n'ont pas le droit de savoir ? Un mec fier que la ministre lui fasse confiance ? Un mec qui croit savoir mieux que les grévistes ce qui est bon pour eux ? Une grève qui permet à des types pareils de se pavaner, c'est pas la meilleure des situations qu'on peut rêver.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Thomas » 27 Nov 2005, 21:01

Mon sentiment du film , c'est pas qu'il se pavanait. La ministre lui a confié quelque chose en lui demandant de ne pas le répéter , c'est tout ! Les grévistes avaient le total contrôle du mouvement, toutes les décisions ont été adopté démocratiquement. La situation est en plus &aggravé avec le fait qu'une minorité voualit "tout faire péter" et ça c'était objectivement très mauvais et il fallait l'éviter à tout prix.
Thomas
 
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Message par Gaby » 27 Nov 2005, 21:13

(Thomas @ dimanche 27 novembre 2005 à 21:01 a écrit : Mon sentiment du film , c'est pas qu'il se pavanait. La ministre lui a confié quelque chose en lui demandant de ne pas le répéter , c'est tout !
Je n'ai pas vu le film mais les secrets diplomatiques, on ne peut pas dire "c'est tout" et l'accepter comme le résultat d'une "négociation". C'est un principe du mouvement ouvrier que de s'y refuser depuis des lustres... L'idée qu'on a de la démocratie quand même, c'est que les travailleurs puissent décider de leur avenir en connaissance de toute cause et de toute donnée.

(Thomas a écrit :Les grévistes avaient le total contrôle du mouvement, toutes les décisions ont été adopté démocratiquement.

Tu peux dire la même chose des élections au suffrage universel. Le problème n'est pas seulement qui décide, mais comment.
Gaby
 
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Message par Thomas » 27 Nov 2005, 22:11

Là , je ne pense pas qu'il s'agissait d'un traitre , la minisre cherchait la meilleure manière de l'annoncer et a essayé de voir avec le délégué syndical , lequel a fait augmenté de manière notable le chiffre de la ministre. Les ouvriers ont eu connaissance de toutes les données et ont décidé en connaissance de cause de manière réellement démocratique selon moi (et pas au sens de démocratie bourgeoise).
Thomas
 
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