Magnifique,
Zouleikha ouvre les yeux, une écriture de scénario, mais avec une certaine poésie.
La vie misérable à tous points de vue d'une petite femme dans un village tatar va être bouleversée par la dékoulakisation. Percluse de soumission, à son mari, à sa belle-mère aussi débile qu'haineuse, de superstition, de religion (musulmane ici), le bouleversement va être total, dépaysement et conception du monde, dans des conditions terribles, même pour elle.
De soldat engagé dans l'Armée rouge en 1918, l'autre protagoniste sera un salopard officier du GPU, qui, avec les épreuves et les purges, s'humanisera un tant soit peu.
On voit donc son évolution; l'évolution du pays, que le parasitisme et la brutalité staliniennes n'empêche qu'en partie le développement des acquis de la révolution, et, en parallèle, l'évolution de Zouleikha. Elle ouvre les yeux, à la fois spectatrice, mais aussi actrice, parce qu'elle verra enfin le monde, et sans voile religieux. C'est la justesse et la force de l'autrice montrer une émancipation dans un camp de travail stalinien. Avec la force de l'héroïne, la vie se fraie un chemin.
On s'attache à Zouleikha.
C'est ce que reprocheront certains, la relation malsaine, « immorale », entre bourreaux et victimes. Ils se montrent surtout incapables d'une vision non-binaire, a fortiori quand il s'agit de l'émancipation d'une femme.
D'autres ont critiqué une édulcoration des conditions des camps, incapables, là encore, de voir quand la dureté de la vie n'est pas explicitement décrite, elle reste en arrière-plan. L'anti-communisme n'est pas loin, au contraire du livre.
Comme l'a évoqué com, il y a une postface d'un certains Georges Nivat, grand spécialiste de la littérature russe, qui est intéressante, notamment pour son anti-communisme déformant l'histoire.
La préface, de Loudmila Oulitskaïa, écrivaine contemporaine, à ne pas confondre avec l'autrice de
Le sablier, Ekaterina Olitskaïa, que j'ai évoquée ici. La préfacière salue l'arrivée d'une écrivaine russe de langue non russe, à l'image de Tchinguiz Aïtmatov qu'elle cite, l'auteur de
Le premier maître, auteur kirghize.
Un grand roman hautement recommandable. Je comprends la mise à dispo de com et j'ai ouï-dire confirmant qu'il en était de même pour les deux autres.
Elle sentira que la douleur qui a inondé le monde n’est pas partie, mais qu’elle lui a accordé un peu de répit.