L'histoire de Serge Chasseuil rencontre celle des militants morénistes en France...
Serge Chasseuil, une histoire partagée
Dimanche 7 décembre 2025
Par VARQUAT Christian
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article77241
La mort de Serge est une bien triste nouvelle.
J’ai connu Serge début 1982 alors qu’il venait de se faire exclure du PCI lambertiste avec quelques autres militant.es principalement issus du tout petit courant « moréniste » apparu en France. Au tournant des années 70 ils avaient été embarqués avec plus ou moins de réticence dans une recomposition dans le PCI faisant suite à une scission de la LCR. Celle-ci avait été provoquée par des divergences sur le processus de la révolution nicaraguayenne (et des discussions sur le type de parti à construire), mais surtout par une opération entriste des lambertistes dans la LCR. Après l’élection de Mitterrand en 1981, Lambert et ses acolytes n’ont pas toléré un doute de Nahuel Moreno, dirigeant trotskyste argentin rassemblé dans une organisation internationale avec les lambertistes, à propos de l’orientation portée à ce moment par le PCI sur un affrontement inévitable entre le gouvernement Mitterrand « de Front Populaire » et la bourgeoisie sur le modèle du Chili : Moreno avait écrit un texte dans l’été 81 où il voyait une autre possibilité : une intégration suffisante des socialistes et de leurs alliés dans les institutions gouvernementales bourgeoises et une lutte des classes cantonnée, qui ne déboucherait donc pas sur une crise politique ouverte de première ampleur. Au PCI, aucune critique ne pouvait s’exprimer impunément, et Serge, seul « moréniste » élu au Comité Central comme dirigeant de la section d’Angoulême, avait relayé dans la session du CC de septembre 1981, dans une ambiance plus qu’hostile, cette analyse des dynamiques de la situation.
Quelques dizaines de camarades vaccinés du lambertisme se regroupaient alors pour construire un nouveau groupe trotskyste, dont des militant.es de Grenoble avec lesquel.es je me suis retrouvé, refusant une « affaire » montée pour épurer toute dissidence dans cette très grosse section locale du PCI. Serge faisait partie du noyau central de ce petit regroupement à l’échelle nationale, il menait une expérience syndicale importante à Angoulême au Crédit Agricole, mais il s’est laissé convaincre d’aller animer ce qui devenait la LST à Paris. Il a réussi à s’ancrer professionnellement et syndicalement à Thomson CSF devenu Thalès, mais sa Charente lui manquait. Lorsque je montais à la capitale - souvent avec mon camarade grenoblois Jimmy -, nous logions chez Serge, rapprochés par une complicité de provinciaux, et Serge nous initiait aussi à l’histoire de l’est parisien, au Pineau des Charentes, et transmettait son enthousiasme pour les littératures policières et d’aventure. Nous partagions aussi la convivialité politique et humaine de nos quelques ami/es et camarades argentins à Paris.
Malgré les tentatives de faire de la LST un groupe utile dans les combats concrets de notre classe et de la jeunesse, et une orientation internationaliste honorable au quotidien, au bout de quelques années, avec Serge, Jimmy et quelques autres nous avons pris conscience d’être dans une impasse et nous avons décidé de quitter la LST pour rejoindre la LCR en 1987. Au fil des années la proximité que nous avions avec Serge s’est diluée dans les évolutions de vies des uns et des autres, et de nos insertions militantes différentes (Serge militait à Paris 20e puis dans le 92 Sud) alors que je passais de Grenoble à Paris), mais nous nous retrouvions toujours en phase sur les orientations politiques fondamentales, que nous avons poursuivi dans le NPA.
Passionné de trekking dans les montagnes du monde, Serge avait beaucoup souffert du fait que des problèmes oculaires l’avaient privé depuis des années de remonter au-delà de 3000m d’altitude.
Je ne l’avais quasiment pas revu depuis son départ à la retraite en Charentes, mais sa disparition me touche beaucoup, et je transmets toute ma solidarité à ses proches, à sa fille Alice, à Claudine qui avait partagé une partie de sa vie, à Jean Louis son ami et camarade de toujours, à Alexandre avec qui il a échangé énormément dans la dernière période...
Fraternellement,
GdM
