a écrit :Le «mini-Mai 68» lycéen continueMalgré le vote de la loi Fillon, les occupations d'établissements et la grève ne faiblissent pas.Par Pierre CARREY, Emmanuel DAVIDENKOFF, Gilbert LAVAL et Audrey SAVOURNIN
jeudi 31 mars 2005 (Liberation - 06:00)
rôle de guerre. Alors que les organisations lycéennes, officieusement au moins, tiennent le mouvement contre la loi Fillon pour «mort», plusieurs milliers d'élèves continuent de lutter. Difficile d'évaluer l'ampleur des occupations de lycée «inaugurées» la semaine dernière. Le collectif Cétacé (1) en dénombre près de 150. Loin du compte, le ministère estime que les 45 lycées objet «d'un blocage ou d'une tentative de blocage» la semaine dernière ont fondu : ils n'auraient été que 18 hier.
«Entêtement». Pourtant, toute la journée a été ponctuée par des annonces d'occupations de lycée, parfois assorties d'interventions policières. A Besançon, un cordon de gendarmes a empêché la poursuite du blocage du lycée Pasteur, mais des élèves ont empêché l'accès à un autre établissement. A Toulouse, le mouvement fait florès. Les établissements de Rodez, Millau, Saint-Affrique (Aveyron), Foix et Saint-Girons (Ariège), Castres et Mazamet (Tarn) sont «bloqués ou occupés de jour et de nuit». «Cette énorme remobilisation est le fait du gouvernement qui s'entête à ne pas écouter les grévistes», explique Marion, élève de première S. Sur les quinze lycées publics de l'agglomération, seuls deux restent encore à l'écart du mouvement. Mais le lycée privé Jeanne-d'Arc le rejoint. Le souci du rectorat : assurer la sécurité dans les établissements occupés, si nécessaire en faisant appel à des sociétés de vigiles.
Idem à Paris et en Ile-de-France. «C'est un mini-Mai 68 lycéen», risque un parent d'élève du lycée Joliot-Curie de Nanterre (Hauts-de-Seine). La coordination lycéenne a maintenu la pression. Du simple concert de tam-tams dans la cour au blocage total des cours, une trentaine d'établissements au moins étaient encore perturbés en Ile-de-France. Suscitant la colère des chefs d'établissement, incapables d'assurer seuls la sécurité de leurs lycées, notamment la nuit.
Renforts policiers. Résultat, la police a souvent été appelée en renfort. Au risque de dérapages peu contrôlés. A Paris, Martin, qui a quitté l'école depuis plusieurs mois mais se joint au mouvement par solidarité, assure avoir été victime de brutalités policières mardi après-midi devant le lycée Sophie-Germain, dans le IIIe arrondissement. «J'ai été tiré par les cheveux et traîné sur le sol, se plaint-il. Aux urgences, on a vérifié que je ne portais pas de traces d'hématome. Mais les policiers savent ce qu'ils font : ils m'ont donné des coups de poing, pas de matraque.» Corinne Lellouche, rédactrice en chef du magazine DS et mère d'une lycéenne, a affirmé à l'AFP avoir vu «des policiers frapper des lycéens qui hurlaient, en larmes», devant l'établissement. Mais le rectorat assure de son côté qu'«il n'y a jamais eu de violences policières» et que les incidents du lycée Sophie-Germain résultent d'un «coup monté de la part de certains lycéens, aidés par des parents d'élèves».
De fait, quand les lycéens s'essoufflent, les enseignants et les parents prennent le relais c'est le second ressort de la colère : les effets, sur le terrain, de trois ans de disette budgétaire et de suppressions de postes. Ainsi, au lycée Voltaire de Paris (XIe), les portes sont restées closes hier. Jeudi dernier, à la suite du blocage de l'établissement par les lycéens, le proviseur avait décidé de le fermer jusqu'à mardi. Le soir même, une cinquantaine d'entre eux parvenaient malgré tout à l'occuper pendant deux heures. Depuis, le mouvement s'est étiolé. Mais, dès mardi, c'était au tour des professeurs de lancer une grève contre une dotation horaire insuffisante, des suppressions de postes et un recours accru aux personnels précaires. «Sans compter qu'un collègue enseignant le russe a été appelé à assurer des remplacements en lettres modernes... après avoir été invité à suivre une formation de trois jours !», s'insurge un prof. Hier matin, la grève était maintenue et le lycée toujours fermé. A Montreuil (Seine-Saint-Denis), cinq jeunes ont été placés en garde à vue hier matin : ils bloquaient la circulation pour alerter sur la situation (2).
La coordination lycéenne appelle à une manifestation aujourd'hui, à 14 heures, place de la République, à Paris.
(1)
www.cetace.org(2)
www.lyceens-en-action.fr.st