Informations ouvrières N° 713 - Semaine du 13 au 19 octobre 2005
La question est posée
A l’annonce de la formation d’un gouvernement de « grande coalition » en Allemagne, les cercles dirigeants du capital financier du monde entier ont poussé un ouf de soulagement. « Cette grande coalition a beaucoup de travail à accomplir. Nous devons nous attaquer au marché du travail », déclare un expert cité par l’International Herald Tribune. Le même journal cite également Norbert Walter, économiste en chef de la Deutsche Bank : « Si le ministre des Finances est social-démocrate, cela permettra de faire avaler plus facilement ces choix difficiles aux électeurs » ; en particulier, « ce ministre sera contraint de faire des coupes budgétaires douloureuses ».
Seulement voilà : les travailleurs allemands, qui, en masse, ont le 18 septembre voté pour le Parti social-démocrate et pour le Linkspartei ne l’ont pas fait pour que se mette en place un gouvernement de « grande coalition », qui poursuive et aggrave la politique de Schröder. Ils l’ont fait, au contraire, pour dresser leurs revendications vitales contre cette politique.
En France, certains se prennent à rêver d’une « grande coalition » d’un genre particulier. Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, ayant écrit le 9 octobre au Premier ministre au sujet de la SNCM, la presse patronale relève, pour s’en féliciter : « Incontestablement, la direction de la CGT a fait un pas en ne réclamant plus le maintien de la participation de l’Etat à 51 % dans le capital de la SNCM » (La Tribune, 11 octobre). Quant à Strauss-Kahn, maître d’œuvre des privatisations dans le gouvernement Jospin, il salue ce qu’il appelle « une voie de sagesse ».
Seulement voilà : les travailleurs de la SNCM en grève depuis plus de trois semaines exigent-ils autre chose que « aucune privatisation, aucun licenciement, maintien de la SNCM dans le service public » ?
Plus généralement, personne ne peut nier que, le 4 octobre, les travailleurs du public et du privé se sont massivement mis en grève et ont manifesté pour leurs revendications. Personne ne peut nier non plus que, depuis le 4 octobre, par mille et un canaux, ils ont réaffirmé cette exigence de voir satisfaites les revendications.
Grève des salariés des bus de Nancy pour l’augmentation des salaires. Grève des travailleurs du centre d’appel Téléperformance Rhône-Alpes pour la hausse des salaires. Etudiants de Rouen en grève contre les conditions de la rentrée. Arrêt de travail à AREVA contre un projet de restructuration qui menace près de 1 000 emplois, incluant la fermeture de l’usine de Saint-Ouen. Quatrième semaine de grève à la raffinerie Total, à Gonfreville-l’Orcher, pour 200 euros d’augmentation de salaires. Grève massive au centre de tri de Paris-Nord, à Gonesse, contre l’obligation faite aux postiers de travailler un week-end sur deux. La grève se poursuit dans les transports en commun lyonnais (TCL)…
Le 8 octobre, le secrétaire général des marins CGT de Marseille, Jean-Paul Israël, déclare à l’AFP qu’il est « demandeur » auprès de la confédération CGT d’une « généralisation du conflit ». Et ce responsable CGT de préciser : « Il faut un lendemain au 4 octobre », proposant en particulier « une convergence d’actions » avec les autres services publics.
Le 11 octobre, la fédération Force ouvrière des personnels hospitaliers dénonce dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale une menace « de démantèlement de notre protection sociale » et de « privatisation du système de santé ». Elle avertit : « Si le gouvernement (…) ne répond pas aux revendications, il prendrait la responsabilité d’accentuer le fort mécontentement des personnels hospitaliers, ce qui conduirait à engager des actions pouvant aller jusqu’à la grève pour la satisfaction des revendications. »
Les revendications sont connues. Elles sont claires et précises. Les travailleurs sont prêts, ils l’ont montré le 4 octobre et depuis. Ont-ils tort, ceux qui disent que pour obtenir satisfaction, la question posée est celle de l’appel à la grève dans l’unité tous ensemble, en même temps ? Discutons-en.
Daniel Gluckstein ?