par Proudhon » 13 Août 2004, 09:29
BESANCENOT : UN MARXIEN LIBERTAIRE ?
L'entretien de Besancenot résonne comme un retour aux sources marxiennes, des sources teintées de sensualité libertaire. Enoncé typiquement "petit-bourgeois"? "Déviation contre-révolutionnaire"? Sensiblerie "féminine" incapable de comprendre la franche "virilité" de la lutte révolutionnaire (ça c'est pour le "off" des militants : la contrainte introduite par le féminisme n'autorise plus que cela soit dit publiquement, mais on a souvent l'impression que c'est à fleur de peau dans les affrontements "virils" des camarades...)? Voyons quelques extraits d'un Marx peu connu sous cet aspect :
* "Chacun de ses rapports humains avec le monde, voir, entendre, sentir, goûter, penser, contempler, vouloir, agir, aimer, bref tous les actes de son individualité, aussi bien que, sous leur forme directe, ses organes génériques sont, dans leur comportement envers l'objet, l'appropriation de celui-ci; ce comportement et cette appropriation sont l'affirmation de la réalité humaine; c'est l'activité humaine et la souffrance humaine, car, au sens humain, souffrir, c'est jouir de soi." (Manuscrits de 1844, Oeuvres II, Gallimard, collection "Bibliothèque de la Pléiade", 1968, p.83). Olivier se réveille donc en matérialiste marxien, en prenant conscience de la diversité des sens. Or pour Marx, cette vie multidimensionnelle tend a être atrophiée par l'hégémonie de la valeur marchande dans la société capitaliste : "A la place de tous les sens physiques et intellectuels est apparue l'aliénation pure et simple des sens, le sens de l'avoir" (ibid.). Olivier se rend compte qu'il n'y a pas que le capitalisme qui tend à atrophier les sens, mais aussi certaines modalités du combat contre le capitalisme. Il pourrait dire, dans le sillage de Marx : "A la place de tous les sens physiques et intellectuels est apparue l'aliénation pure et simple des sens, le sens de la soumission de la subjectivité au collectif, le sens de la discipline de parti". Il rejoindrait alors Rosa Luxemburg : "La discipline que Lénine a en vue est inculquée au prolétariat non seulement par l'usine, mais encore par la caserne et par le bureaucratisme actuel, bref par tout le mécanisme de l'Etat bourgeois centralisé. (...) Ce n'est pas en partant de la discipline imposée par l'Etat capitaliste au prolétariat (après avoir simplement substitué à l'autorité de la bourgeoisie celle d'un comité central socialiste), ce n'est qu'en extirpant jusqu'à la dernière racine ces habitudes d'obéissance et de servilité que la classe ouvrière pourra acquérir le sens d'une discipline nouvelle, de l'auto-discipline librement consentie de la social-démocratie." ("Centralisme et démocratie", 1904, dans Réforme sociale ou Révolution? et autres textes, Editions Spartacus, 1997, p.125).
* "Le grand défaut de tout de tout matérialisme passé (y compris celui de Feueurbach), c'est que la chose concrète, le réel, le sensible, n'y est saisi que sous la forme de l'objet ou de l'intuition, non comme activité humaine sensible, comme pratique; non pas subjectivement." (1° Thèse sur Feueurach, 1845, Oeuvres III, Gallimard, collection "Bibliothèque de la Pléiade", 1982, p.1029). Le matérialisme de Marx serait un matérialisme pratique, sensible, intégrant la subjectivité. Olivier suit ses traces.
* "Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, c'est la vie qui détermine la conscience." (L'idéologie allemande, en collaboration avec Engels, 1845-1846, dans Oeuvres III, op. cit., p.1057). "La vie", c'est différentes dimensions, Olivier, en marxien, voudrait que différentes dimensions (militante, profesionnelle, intime) puissent cohabiter.
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"Makhnovtchina, Makhnovtchina
Armée noire de nos partisans
Qui combattait en Ukraine
Contre les rouges et les blancs
Makhnovtchina, Makhnovtchina
Armée noire de nos partisans
Qui voulait chasser d'Ukraine
A jamais tous les tyrans"
("Makhnovtchina", Etienne Roda-Gil, 1968)
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