Informations Ouvrières N° 800 - L'éditorial du 28 juin
Confrontation traditionnelle
“Il faut sortir de la confrontation traditionnelle et dépassée entre les salariés d’un côté et les employeurs de l’autre. Voilà ce que je crois fondamental pour la rénovation du Parti socialiste. »
Par ces mots (1), Ségolène Royal revendique donc de couper définitivement le lien historique qui — même ténu et déformé — rattachait encore le PS aux efforts faits depuis plus d’un siècle par les travailleurs pour disposer d’organisations représentant leurs intérêts particuliers, au plan syndical comme au plan politique.
Ce débat concerne-t-il le seul Parti socialiste (2) ?
Prenons les mesures annoncées par le gouvernement Sarkozy-Fillon pour les toutes prochaines semaines.
La loi sur le « service minimum » (lire page 4) passe au Conseil des ministres le 4 juillet : n’est-ce pas la remise en cause du droit des travailleurs à s’organiser sur leur propre terrain pour faire prévaloir leurs revendications ?
L’autonomie des universités (lire page 7) passe au Conseil des ministres le 4 juillet : cette privatisation ne remet-elle pas en cause la qualification de la force de travail de la jeunesse, frappant tout particulièrement les jeunes issus des classes populaires ?
L’exonération des heures supplémentaires (lire page 3), passée au Conseil des ministres du 20 juin, comme les honteuses propositions du haut-commissaire Martin Hirsch — « Vous êtes malade ? Prenez une RTT » : qu’est-ce d’autre que la volonté de détruire la Sécurité sociale conquise en 1945 par les salariés, comme expression de la solidarité ouvrière face aux risques, de la maladie notamment ?
C’est un fait : le gouvernement Sarkozy-Fillon se situe sur un terrain de classe, celui de la classe capitaliste contre la classe ouvrière.
Peut-on aujourd’hui faire face à une telle offensive en déclarant qu’il faut « sortir de la confrontation traditionnelle et dépassée entre les salariés d’un côté et les employeurs de l’autre » ?
Ajoutons ceci : toutes les mesures annoncées par le gouvernement Sarkozy-Fillon ne sont que des transpositions des directives européennes et du traité de Maastricht. S’il s’agit de s’opposer à cette politique, peut-on éviter de relier le combat contre ces mesures à l’exigence de l’abrogation des directives européennes, donc du traité de Maastricht lui-même ?
Or force est de constater qu’à la signature du « mini-traité » de Bruxelles, François Hollande a répondu par l’exigence… d’un traité plus ample (lire page 5) ! Comment comprendre (3) ?
Le vote du 29 mai 2005 n’était-il pas l’exigence de la rupture avec la politique dictée par l’Union européenne, qui, répétons-le, est une politique de classe dictée depuis Washington par les sommets de l’impérialisme américain, une politique d’exploitation, d’oppression et de remise en cause de la démocratie ?
Ces questions sont posées à tout le mouvement ouvrier.
Nul ne peut prétendre détenir la vérité révélée. Pour ce qui nous concerne, nous, militants du Parti des travailleurs, nous nous adressons fraternellement aux militants socialistes, aux militants communistes, aux syndicalistes ouvriers, aux démocrates et aux républicains. Et nous posons la question : peut-on aider le peuple français à s’ouvrir une issue sans jeter les bases d’un authentique parti ouvrier, qui n’ait pas peur de se situer sur le terrain de la défense des intérêts de classe, sur le terrain de la lutte de classe et de la rupture avec l’Union européenne ?
N’est-ce pas là le point d’appui nécessaire pour avancer sur la voie de l’unité pour mettre en échec les plans de réaction et de régression sociale qui, dans tous les domaines, menacent aujourd’hui la classe ouvrière et la démocratie ?
Daniel Gluckstein
(1) Sur France Info, le 20 juin (rapporté dans Le Monde, daté du 22 juin).
(2) On lira (page 5 de ce journal) que la même question est posée au sein du Parti communiste.
(3) Quant aux dirigeants du Parti communiste français, comment comprendre qu’ils expliquent la victoire de Sarkozy par le fait que celui-ci « a réussi à donner le sentiment de mieux tenir compte que d’autres de la portée du non » (L’Humanité, 22 juin).