Marxisme et Libre arbitre

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par piter » 09 Nov 2006, 12:20

sur la question il est interessant de lire "Marx penseur du possible" de Michel Vadée, universitaire mais lisible et sérieux.
piter
 
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Message par piemme » 10 Nov 2006, 11:22

Sylvestre a raison :
a écrit :Les hommes font bien l'histoire, même si ils la font dans des conditions qui leur sont données par l'histoire antérieure"

C'est bien ce que Marx & Engels expliquaient, par ex, dans "L'idéologie allemande" :
a écrit : Les circonstances font tout autant les hommes que les hommes font les circonstances

Pour compléter, sur le tard, Engels réexplique tt ça (dans "L. Feuerbach et la fin de la philo classique allemande") :
a écrit :Les hommes font leur histoire, quelque tournure qu’elle prenne, en poursuivant chacun leurs fins propres, consciemment voulues, et c’est précisément la résultante de ces nombreuses volontés agissant dans des directions différentes et de leurs répercussions variées sur le monde qui constitue l’histoire

Mais il précise :
a écrit :L’inconséquence ne consiste pas à reconnaître des forces motrices idéales, mais à ne pas remonter plus haut jusqu’à leurs causes déterminantes

A parler de la conscience sans la situer dans l'évolution générale des rapports sociaux de production qui pour Marx et Engels sont déterminants ; bref : à ne pas "élucider les causes motrices".
Engels poursuit en effet :
a écrit :Elucider les causes motrices qui, d’une façon claire ou confuse, directement ou sous une forme idéologique et mêmes divinisée, se reflètent ici dans l’esprit des masses en action et de leurs chefs [...] en tant que motifs conscients, telle est la seule voie qui puisse nous mettre sur la trace des lois qui dominent l'histoire dans son ensemble comme aux diférentes époques et dans les différents pays".

Mais cela ne signifie pas que Engels est bourdieusien et qu'il préconise d' "objectiver les contraintes" histoire de plomber "l'inconscient social" et, au-delà, d'atteindre le nirvana du libre arbitre intégral. Ce qu'il dit, Engels, c'est que cette "prise de conscience" n'est pas dissociable des conditions matérielles de la vie sociale.

Donc oui (Sylvestre) :
a écrit : la connaissance est-elle même un facteur qui influence de façon déterminante la prise de décision

mais cette liberté et cette connaissance sont elles-mêmes hsitoriquement, et donc socialement, déterminées.
Autrement dit, quand Engels dit dans l'Anti-düring :
a écrit :La liberté n'est pas dans une indépendance rêvée à l'égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en oeuvre méthodiquement pour des fins déterminées

il ne faudrait pas séparer (Engels ne le fait pas) cette connaissance des conditions sociales qui la rendent possible.
Donc quand Sylvestre, tu dis :
a écrit :il dépend de nous que le socialisme soit instauré ou pas, des milliards de décisions que chacun fait chaque jour.

C'est vrai à condition que tu veuilles dire que ces "millards de décisions" contribuent concrètement à l'organisation révolutionnaire de la classe ouvrière vers la prise du pouvoir -- prise de pouvoir compris comme condition nécessaire à la transformation des rapports sociaux de production ; transformation elle-même comprise comme préalable nécessaire à la généralisation, éminemment souhaitable, de la "connaissance" (et de nouvelles "bases intellectuelles").
Car c'est bien à cette condition que l'on pourra "organiser la société humaine elle-même sur des bases conscientes, c'est à dire "libres" : par la prise du pouvoir de la classe ouvrière.
Donc quand tu dis, Sylvestre, qu'il n'est pas "une seule manière" de changer le monde, une chose est sûre toutefois : qu'il ne faut pas compter sur la Conscience ou la Connaissance, mais bien sur la lutte de classe.
piemme
 
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Message par sylvestre » 10 Nov 2006, 16:56

Tout à fait d'accord.
sylvestre
 
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Message par redspirit » 11 Nov 2006, 14:24

Juste rapidement sur fatalisme et déterminisme, il y a une confusion à mon avis. Le fatalisme repose sur le chance, le hasard en introduisant des notions comme le destin, la destinée. Au contraire il n'y a aucune part de chance dans le déterminisme : à partir d'éléments connus, on peut predire avec précision un événement à venir. Le fatalisme qu'il soit optimiste ou pessimiste empeche l'action car tout est prédéterminé, écrit à l'avance et fatal : les hommes sont soumis à des forces supérieurs. Alors que le déterminisme lui permet l'action, avec lui rien n'est ecrit à l'avance, c'est à partir des connaissances de l'homme, il peut prevoir une gamme de phénomènes avec précision et agir en connaissance de causes. Le fatalisme n'est en rien la conséquence du déterminisme. Ce dernier permet l'action là ou le fatalisme l'interdit. Le determinisme repose sur un principe fondamental : tous les phénomènes naturels osnt liés entre eux par des lois. Le determinisme, c'est la connsaissance des lois de la nature. Et la liberté, c'est la comprehension du determinisme, de la necessité. C'est à dire c'est la compréhension des causes des actions de l'homme qui est la somme d'élements extérieurs. Au contraire le libre arbitre, synonyme de liberté dans une sens originel, pense que la volonté des hommes est la cause de leur action. Engels est clairement déterministe dans l'extrait. Les causes des actions de l'homme lui sont extérieures. Il n'y a rien de mécanique dans la nécessité. La liberté, c'est la nécessité comprise.
redspirit
 
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Message par Matrok » 11 Nov 2006, 20:30

(redspirit @ samedi 11 novembre 2006 à 14:24 a écrit :Juste rapidement sur fatalisme et déterminisme, il y a une confusion à mon avis.

Ah bon ? Je vais te paraître têtu, mais je ne comprend pas tes remarques et j'ai bien l'impression qu'elles sont contradictoires.

Tu écris (c'est moi qui ai mis les mots en gras) :
a écrit :Le fatalisme repose sur la chance, le hasard en introduisant des notions comme le destin, la destinée.

Et plus loin :
a écrit :Le fatalisme qu'il soit optimiste ou pessimiste empeche l'action car tout est prédéterminé, écrit à l'avance et fatal : les hommes sont soumis à des forces supérieures.

Si tout est prédeterminé alors il n'y a pas de hasard, et s'il y a du hasard alors tout n'est pas prédeterminé. Je constate qu'en plus tu utilise le mot "déterminé" pour décrire le fatalisme (avec le préfixe "pré-" qui ne change pas le sens puisqu'il sert juste à préciser "à l'avance"), c'est donc que les notions de fatalisme et de déterminisme ne sont pas si éloignées que tu le soutiens...

Tu écris également :
a écrit :Au contraire il n'y a aucune part de chance dans le déterminisme : à partir d'éléments connus, on peut predire avec précision un événement à venir.

J'avais déja fait remarquer que "déterminé" et "prévisible" n'étaient pas synonymes mais admettons... Qu'y a-t-il de contradictoire entre dire qu'on peut "prédire avec précision un évènement à venir" (déterminisme) et dire qu'il serait "écrit à l'avance" (fatalisme) ? Ce n'est pas dire la même chose bien sûr mais ce n'est pas contradictoire.

Donc sur la distinction entre fatalisme et déterminisme je ne suis vraiment pas sûr d'avoir compris. Ou plutôt j'ai franchement l'impression que c'est une distinction trompeuse : Dire "tout va arriver comme ci et comme ça parce que c'est la volonté de Dieu et qu'il fera tout pour que ça advienne" bien entendu c'est du fatalisme sans être du déterminisme, mais dire "tout va arriver comme ci et comme ça car c'est la seule possibilité, d'ailleurs on peut le prévoir scientifiquement", c'est du déterminisme, et c'est aussi du fatalisme. C'est pour ça que quand tu écris :
a écrit :Le fatalisme n'est en rien la conséquence du déterminisme.

Je ne suis pas d'accord du tout. Le déterminisme conduit directement à une certaine forme de fatalisme.

Passons à autre chose :
a écrit :le déterminisme lui permet l'action, avec lui rien n'est ecrit à l'avance, c'est à partir des connaissances de l'homme, il peut prevoir une gamme de phénomènes avec précision et agir en connaissance de causes.

"Rien n'est écrit à l'avance" peut-être, mais "tout est prévisible", ou du moins "tout est déterminé". En quoi alors les connaissances d'un individu (tu écris "de l'homme" mais si on parle d'action c'est bien d'individu qu'on parle et pas du genre humain), sa volonté, et ses actions échapperaient-elles au déterminisme ? Est-ce encore être déterministe que penser que la connaissance et/ou la volonté et/ou l'action de l'homme ne sont pas déterminées ?

Apparemment ce n'est pas ce que tu penses puisque tu écris :
a écrit :la liberté, c'est la comprehension du determinisme, de la necessité. C'est à dire c'est la compréhension des causes des actions de l'homme qui est la somme d'élements extérieurs. Au contraire le libre arbitre, synonyme de liberté dans une sens originel, pense que la volonté des hommes est la cause de leur action. Engels est clairement déterministe dans l'extrait. Les causes des actions de l'homme lui sont extérieures.

Du coup, je ne comprend pas ce que tu veux dire par "le déterminisme permet l'action" et "le fatalisme empêche l'action". Le fatalisme n'empêche pas d'agir, il dit seulement que cette action était écrite d'avance. Quand au déterminisme il dit qu'elle était prévisible, ce qui en pratique revient au même. Par contre je suis d'accord pour dire que la notion de "libre arbitre" est étrangère aussi bien au déterminisme qu'au fatalisme puisqu'elle suppose que l'homme est libre de choisir ses actions, autrement dit que ni sa volonté, ni son action ne sont fatales/déterminées.

Par ailleurs, toujours sur ce paragraphe, je suis étonné de te voir redéfinir le mot "liberté" par une définition aussi éloignée du sens commun que je me demande sérieusement pourquoi on appellerait encore ça la "liberté". Et je ne suis même pas sûr que c'est ce qu'Engels entendait dans le paragraphe de l'Anti Dhuring que tu as cité. Je re-cite juste la première et la dernière phrases de ce paragraphe en mettant en gras ce que tu oublies :
a écrit :La liberté n'est pas dans une indépendance rêvée à l'égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en oeuvre méthodiquement pour des fins déterminées. (... zap le raisonnement...) La liberté consiste par conséquent dans l'empire sur nous-même et sur la nature extérieure, fondé sur la connaissance des nécessités naturelles


Quant à ça :
a écrit :Le determinisme, c'est la connaissance des lois de la nature.

Je persiste à me demander où tu as été chercher ça. Le déterminisme, c'est l'idée que le monde obéit à des lois qui font que son évolution dans le temps est unique, inéluctable (prévisibles c'est un autre problème). Rien à voir avec le fait qu'on connaisse ou non ces lois, ni même qu'elles soient connaissables ou non. D'ailleurs tu les connais les "lois de la nature" ? Moi pas... Il y a bien les lois de la physique, mais je n'ai pas la certitude qu'elles sont des "lois de la nature". Sinon ça voudrait dire qu'il y a un peu plus d'un siècle les lois qui régissaient la gravité étaient celles de Newton et que d'un seul coup la nature s'est mise à obéir aux lois d'Einstein... C'est un peu fort !
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Message par redspirit » 30 Sep 2011, 21:09

Matrok, je retombe sur le sujet plus de 5 ans après via un autre fil où cela discutait de l'articulation dans le projet communiste entre liberté individuel et bien-être collectif. Je n'avais jamais lu ta réponse.
Je ne sais pas si ces questions te préoccupent toujours, si tu opinion a évolué, mais je vais retenter ma chance, pour peu que tu repasses sur le forum à l'occasion. Voyons si mon niveau d'expression s'est amélioré depuis le temps.

Je vais me borner à parler du déterminisme social pour éviter toute incompréhension.
Dire qu'il existe un ensemble de conditions sociales qui déterminent les actions des individus, c'est être déterministe. Dire que les actions des individus résultent de leur volonté propre et autonome, c'est pencher du côté du libre arbitre. Dès lors, la liberté du point de vue du déterminisme, c'est la compréhension des lois sociales qui déterminent les actions individuelles. La liberté, c'est la compréhension du déterminisme : l'homme libre est celui qui agit en toute connaissance de cause. Or ces causes lui sont extérieures : elles sont déterminées socialement. C'est pourquoi j'écrivais la liberté est la nécessité comprise et qu'il n'y avait rien de mécanique dans la détermination des conditions sociales à la base de la prise de décision individuelle.

J'en viens au fatalisme. D'un point de vue fataliste, les actions humaines sont écrites à l'avance. Chaque individu a une destinée qui précède la nature de ses actions. L'individu ne fait que suivre ce qui est prédéterminé, ce qui précède son existence, ses choix. Comme dans le déterminisme, la détermination des actions individuelles est extérieure à l'individu. Néanmoins, et là réside la différence fondamentale entre les deux courants, les fondements de l'action individuelle dans le fatalisme sont déterminés par des forces supérieures à l'homme telles la chance ou le hasard. Le fatalisme peut très bien être optimiste ou pessimiste, dans les deux cas il ne tient pas compte des lois sociales qui structurent les relations entre individus. Car dans l'optique déterminisme, ce sont bien au contraire les conditions sociales dans lesquelles évoluent l'individu qui constituent les déterminants de l'action individuelle. Dès lors, il n'existe pas de liberté individuelle dans une optique fataliste. Quoi qu'il décide, l'homme ne fait qui suivre la destinée que lui ont attribué ces "forces supérieures". C'est en ce sens que j'écrivais que le fatalisme interdisait l'action. A l'inverse, le déterminisme permet l'action : c'est sa compréhension même qui permet d'atteindre la liberté individuelle, car seule la compréhension du déterminisme permet d'une part de comprendre les causes qui motivent nos actions, et d'autre part de mesurer pleinement la conséquence de nos actes.
redspirit
 
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Message par Matrok » 01 Oct 2011, 19:58

(redspirit @ vendredi 30 septembre 2011 à 21:09 a écrit :Matrok, je retombe sur le sujet plus de 5 ans après via un autre fil où cela discutait de l'articulation dans le projet communiste entre liberté individuel et bien-être collectif.

5 ans ! :dead: Que le temps passe vite. En effet dans le fil auquel tu fais allusion j'avais redonné le lien de celui-ci dont je me souvenais bien et que j'avais cherché dans les archives. J'ai relu tout ce fil pour me remettre en tête la discussion, et je constate qu'en effet j'ai évolué depuis... mais c'est soit sur des choses subtiles et annexes, soit sur une attitude plus générale vis-à-vis des problèmes philosophiques - je me satisfais mieux de dire "je ne sais pas", en d'autres termes je vieillis. En tout cas sur les objections que je t'avais faites alors, je vais te paraître têtu mais en 5 ans je n'ai pas bougé du tout, et je regrette que toi non plus.

En effet, j'insiste lourdement sur ce point seulement, mais lorsque tu écris à plusieurs reprises :
(redspirit @ vendredi 30 septembre 2011 à 21:09 a écrit :la liberté du point de vue du déterminisme, c'est la compréhension des lois sociales qui déterminent les actions individuelles. La liberté, c'est la compréhension du déterminisme (...) la liberté est la nécessité comprise

Merci, pas la peine de répéter, j'avais compris que c'est ce que tu penses. Maintenant relis tout ce fil : tu constateras que tu es le seul à dire cela et que d'autres que moi (sylvestre, piemme) ne partageaient pas non plus ce qui je pense est un raccourci. Et, je vais aussi me répéter, le passage d'Engels que tu citais ne dis pas cela non plus :
(Engels @ Anti Dühring, c'est moi qui souligne et met des passages en gras a écrit :La liberté n'est pas dans une indépendance rêvée à l'égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en oeuvre méthodiquement pour des fins déterminées. Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l'existence physique et psychique de l'homme lui-même, - deux classes de lois que nous pouvons séparer tout au plus dans la représentation, mais non dans la réalité. La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause. Donc, plus le jugement d'un homme est libre sur une question déterminée, plus grande est la nécessité qui détermine la teneur de ce jugement; tandis que l'incertitude reposant sur l'ignorance, qui choisit en apparence arbitrairement entre de nombreuses possibilités de décision diverses et contradictoires, ne manifeste précisément par là que sa non-liberté, sa soumission à l'objet qu'elle devrait justement se soumettre. La liberté consiste par conséquent dans l'empire sur nous-même et sur la nature extérieure, fondé sur la connaissance des nécessités naturelles

Sans surprise, pour Engels la liberté c'est la faculté de décider et d'agir comme on le décide. Alors bien sûr il insiste sur l'importance de la connaissance ou la compréhension des lois de la nature, sur le fait que sans elles il n'y a pas de liberté réelle, mais cela ne doit pas masquer un fait : Engels admet cette faculté de décider et d'agir, et c'est elle (et non pas la connaissance) qu'il appelle liberté.

Au sujet du fatalisme maintenant, le fatalisme que tu décris là n'est à mon avis qu'une des formes du fatalisme. Il en est une plus subtile qui est la conséquence du déterminisme, ou peut-être d'un déterminisme poussé dans ses conséquences logiques : cette forme subtile du fatalisme n'admet pas le hasard ni la chance ni la volonté divine, mais dit que "tout est déterminé" implique que "tout arrivera d'une façon et d'une seule qui est certaine", autrement dit "tout est fatal", ce qui revient quasiment au même que de dire "tout est écrit".
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Message par redspirit » 02 Oct 2011, 16:55

Salut Matrok,

Oui, le temps passe. Et s'il y a un toujours un peu d'amertume que son interlocuteur ne partage pas son point de vue, il y a surtout un côté rassurant à ce que celui-ci n'efface pas nos convictions. En ce sens, je me réjouis que tu sois toujours en désaccord avec moi.

C'est amusant de voir à quel point nous n'avons pas la même lecture d'un même texte.
Je prends un exemple, la phrase d'Engels :

a écrit :La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause.


Ce que tu mets en gras dans cette phrase, c'est la liberté de décider. Mais pourquoi s'arrêter en milieu de phrase ? Ce que je soulignerais moi, c'est en connaissance de causes ici. C'est par la connaissance des causes de nos actions que l'individu possède une liberté de choix, la faculté de décider pour reprendre ses termes. Et la connaissance des causes de nos actions, c'est la compréhension du déterminisme.

Une autre phrase que tu mets en gras :

a écrit :La liberté consiste par conséquent dans l'empire sur nous-même et sur la nature extérieure


me semble aller dans le même sens. C'est la maîtrise de soi et du monde extérieur qui permet la possibilité d'agir et de décider librement. La maîtrise de soi et du monde extérieur, c'est encore et toujours la maîtrise des lois et structures sociales qui régulent nos actions individuelles, ie le déterminisme.

En d'autres termes, il n'y a pas de place pour le libre arbitre dans le marxisme à mes yeux. Ceci étant accentué dans une société capitaliste où l'individu est aliéné. Engels attend évidemment de la société communiste qu'elle permette à l'individu de se réaliser intégralement, c'est-à-dire le passage d'une situation d'aliénation à une situation de liberté. Mais la liberté dont il parle n'a rien à avoir avec un libre-arbitre qui transcenderait les conditions économiques et sociales dans lesquelles l'individu évolue. En ce sens, il est déterministe.

Je te renvois à un autre texte de Marx, la Sainte Famille, dans lequel Marx oppose la liberté conçue comme un libre-arbitre inhérent à chaque individu, et la liberté comme un état de délivrance de l'aliénation. On peut notamment lire cette phrase : (je n'ai pas le texte sous la main pour y dénicher une citation plus pertinente, mais à l'occasion je le ferais peut-être)

a écrit : Si l'homme est formé par les circonstances, il faut former les circonstances humainement.


L'homme est formé par les circonstances. Ses actions aussi, de fait. Sa capacité de choisir aussi. C'est tout de même une hypothèse importante de la conception matérialiste de Marx. Dans ce sens matérialiste, être libre, c'est être en mesure d'éviter ceci ou cela, c'est comprendre les mécanismes sociaux qui sont aux fondements de nos actes.

Je conclurai par une dernière citation de Diderot :

a écrit :Vous concevez, lecteur, jusqu'où je pourrais pousser cette conversation sur un sujet dont on a tant parlé, tant écrit, sans en être d'un pas plus avancé. Si vous me savez peu de gré de ce que je vous dis, sachez-m'en beaucoup de ce que je ne vous dis pas.
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Message par Doctor No » 02 Oct 2011, 19:20

a écrit :
"La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause."


Ce que tu mets en gras dans cette phrase, c'est la liberté de décider. Mais pourquoi s'arrêter en milieu de phrase ? Ce que je soulignerais moi, c'est en connaissance de causes ici. C'est par la connaissance des causes de nos actions que l'individu possède une liberté de choix, la faculté de décider pour reprendre ses termes. Et la connaissance des causes de nos actions, c'est la compréhension du déterminisme.


Mais la "connaissance des causes" est un long processus...qui ne finit jamais. Donc on est "moyennement libres" ou à la mesure de nos connaissances.

Un radical-socialiste dirait "Eduquer c'est rendre libre" parce qu'il parle en abstrait.

Un communiste dit: "Agir dans les sens des connaissances du mouvement ouvrier est être libre" (je met l'individu entre parenthèse, quel horreur!)

Mais un psychanalyste dirait "Tant qu'il y a des non-connaissances inconscientes on n'est pas libre" et même "la liberté est la chose la plus effrayante pour les gens. Ils l'évitent tant qu'il peuvent"

En fait il parle lui toujours d'un individu. C'est- pour cela qu'une définition individuelle ne peut qu'être secondaire à la définition générale.

C'est à dire tant que l'individu n'est pas dans le sens de la Histoire, ou ce qui est la même chose, dans le sens des actions nécessaires et des connaissances du mouvement ouvrier et n'agit pas consciemment dans son sens positif, il ne sera jamais libre ni se sentira jamais libre.

Bref, la liberté n'est pas seulement ni uniquement la conscience de la nécessité mais l'action qui va avec et qu'on ne peut pas dissocier d'une véritable connaissance...du réel, c'est à dire de la lutte de classes.
Doctor No
 
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Message par quijote » 02 Oct 2011, 20:25

(Doctor No @ dimanche 2 octobre 2011 à 20:20 a écrit : [

C
Bref, la liberté n'est pas seulement ni uniquement la conscience de la nécessité mais l'action qui va avec et qu'on ne peut pas dissocier d'une véritable connaissance...du réel, c'est à dire de la lutte de classes.
la "conscience de la nécessité " implique forcément action . La nécessité étant quelque chose d 'impérieux . Si on n'y obéit pas , on périt.En tant que matérialiste , je ne sépare pas l 'analyse d'une situation de l 'action. Théorie et pratique étant complètement liés pour les marxistes
Si la société n 'est pas consciente de la nécessité de détruire le capitalisme ,,elle périra . La classe porteuse de cette tâche est le prolétariat qui doit prendre conscience de cette nécessité . Et agir en conséquence.
quijote
 
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