CONAKRY (AFP) - lundi 12 février 2007 - 18h35 - Au moins onze manifestants ont été tués lundi dans la banlieue de Conakry, portant à 97 le nombre de morts depuis début janvier en Guinée, paralysée par la reprise d'une grève générale pour exiger le départ du président , au pouvoir depuis 23 ans.
Dans le même temps, des tirs nourris étaient toujours entendus en milieu d'après-midi venant de l'intérieur d'un camp abritant des unités d'élite de l'armée guinéenne, près de l'aéroport de Conakry, selon plusieurs témoins joints par l'AFP.
Il s'agit des premières dissensions enregistrées depuis le début des troubles le 10 janvier au sein de l'armée guinéenne, qui constitue le socle du pouvoir du président Conté, âgé de 72 ans et qui a grade de général.
La France, ancienne puissance coloniale, a de son côté exprimé sa "très vive préoccupation" après les violences du week-end, appelant toutes les parties à la retenue.
Des affrontements ont éclaté en fin de matinée entre jeunes manifestants armés de gourdins et forces de l'ordre dans plusieurs quartiers de la banlieue de la capitale, où les principaux axes sont coupés depuis samedi par des barricades érigées dans plusieurs quartiers par des manifestants.
Deux manifestants ont été tués à Hamdallaye, dont un lorsqu'un groupe de jeunes gens ont attaqué le domicile d'un colonel. Un militaire, un des gardes du domicile qui avait tiré sur les manifestants, a été lynché par la foule, selon des témoins.
Depuis samedi, il s'agit du troisième militaire tué par la foule après avoir ouvert le feu sur des protestataires.
Trois manifestants ont été tués dans le quartier de Wanidara par la garde présidentielle, selon des témoins. La garde présidentielle a tiré après que des jeunes eurent lancé des pierres dans leur direction au moment de leur passage.
Trois manifestants ont également trouvé la mort dans le quartier d'ENCO-5 et deux à Hafia. Tous ont été tués par les forces de l'ordre.
Des témoins ont par ailleurs rapporté lundi que quatre personnes qui s'étaient attaquées à du bétail dans une propriété du président Conté à Gaoual (nord-ouest) ont été tuées par les forces de l'ordre, ce qui porte donc à 38 le nombre de morts depuis samedi, dont 3 militaires.
Cette nouvelle explosion de violences fait suite à la nomination par le président Conté du ministre Eugène Camara, un de ses proches, au poste de Premier ministre.
Les syndicats et l'opposition, qui attendaient un homme de consensus, ont estimé avoir été trahis par le chef de l'Etat, et ont rejeté cette nomination.
Ajoutant à la confusion, des tirs provenant de l'intérieur du camp Alpha Yaya mais aussi des environs immédiats étaient entendus depuis la mi-journée, selon des témoins.
Le camp Alpha Yaya abrite une unité de commandos et le bataillon spécial de Conakry, des unités d'élite de l'armée. Il accueille aussi le quartier général de l'armée, mais l'état-major est basé dans le camp Samory (centre de la capitale), où réside également le président Conté.
Selon des témoignages non confirmés officiellement, des soldats du camp Alpha Yaya réagiraient avec colère à l'arrivée récente à Conakry d'hommes armés en provenance du Liberia et la récente promotion par le président Conté de certains officiers de l'armée.
"Certaines informations font état du recrutements d'anciens rebelles libériens du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) pour protéger Conté au milieu de la crise", selon Corinne Dufka, responsable de Human Rights Watch (HRW) pour l'Afrique de l'ouest.
Cette détérioration de la sécurité s'accompagne d'un isolement progressif de la Guinée, pays pauvre bien que premier exportateur mondial de bauxite, qui compte 9,4 millions d'habitants.
Air France a annulé ses vols Paris-Conakry de samedi et dimanche et Air Sénégal International sa liaison Dakar-Conakry de dimanche et ce "jusqu'à nouvel ordre".