(Libération % Monde 22/06/2009 à 15h36 (mise à jour à 17h08) a écrit :Iran: les médias confrontés à la difficulté d'informer
Les journalistes présents dans le pays ont les plus grandes difficultés à relater les évènements. Internet apparaît comme un espace de liberté, mais qui comporte lui aussi un certain nombre de limites.SYLVAIN MOUILLARD
La BBC et la Voix de l'Amérique (une radio financée par le Congrès américain) sont le
«poste de commandement des émeutes». Cette déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien illustre les difficultés qu'ont les journalistes du monde entier à traiter la mobilisation de la population iranienne contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. Depuis dix jours, l'évènement fait la une des médias. Mais pour les journalistes sur place, la situation est de plus en plus compliquée.
Hier, le correspondant permanent de la BBC dans le pays a reçu l'ordre de quitter l'Iran pour avoir
«soutenu» les émeutiers. On est également toujours sans nouvelles d'un journaliste canadien de Newsweek, arrêté ce dimanche, alors que la chaîne saoudienne Al-Arabiya a vu la fermeture de son bureau à Téhéran prolongée
«jusqu'à nouvel ordre» par les autorités.
Georges Malbrunot, l'envoyé spécial du Figaro dans la capitale iranienne
relate les difficultés qu'il rencontre:
«Les pressions ont également redoublé contre la presse étrangère. Samedi, deux policiers se sont déplacés à notre hôtel, porteurs du message suivant: «Votre visa expire ce soir à minuit. N'essayez pas de prolonger votre séjour, vous serez dans l'illégalité. Personne ne pourra alors garantir votre sécurité»». Outre les journalistes occidentaux, la presse iranienne,
déjà largement censurée, est également dans le collimateur des autorités. Selon l'organisation Reporters sans frontières, 33 journalistes et cyberdissidents iraniens sont désormais derrière les barreaux dans le pays. Afin de contourner la censure des autorités, les journalistes doivent multiplier les stratagèmes. Comme le
relatait l'AFP il y a quelques jours, certains recourrent à des pseudonymes, d'autres se cachent. L'objectif: continuer d'informer leurs rédactions des manifestations quotidiennes.
Erreurs factuelles
Pourtant, les images et les comptes-rendus restent souvent incomplets. En comparaison, Internet (en particulier la blogosphère iranienne et Twitter)
regorge d'informations et de témoignages. De nombreux journalistes relaient désormais ces nouvelles. Ce week-end, une vidéo a ainsi fait le tour du web. Celle de Neda, une jeune iranienne présentée comme tuée lors des manifestations de samedi.
«Martyr du web» pour
Arrêt sur Images, Neda
«donne un visage à la répression» selon
lefigaro.fr, qui explique comment la jeune fille est devenue une
«icône» sur la Toile.
Néanmoins, comme le souligne Pierre Haski sur
Rue89,
«l'information est de plus en plus difficile à recouper». Ces derniers jours, de nombreuses rumeurs ont circulé sur Twitter, le site de microblogging. Certains utilisateurs expliquaient notamment que les ambassades étrangères à Téhéran refusaient de prendre en compte les demandes d'asile,
une information erronée.
True/Slant a d'ailleurs publié une liste d'erreurs factuelles relayées par Twitter. Le site est également victime de manipulations. Le
New York Times évoque des faux comptes Twitter créés par le gouvernement iranien pour diffuser des informations trompeuses.
Que faire alors de ces dizaines de témoignages bruts, qui abondent sur le Web, sous forme de vidéos, photos ou textes? Comment les vérifier? Jeff Jarvis, sur son
blog, estime que c'est à Youtube de vérifier que les vidéos qu'il héberge proviennent bien d'Iran. Quant à Jack Shaffer, il
relativise la portée de cet outil, qui contribue essentiellement à
«donner des impressions», mais
«a donné peu de clés pour comprendre l'explosion sociale qui secoue l'Iran».