Uruguay : un ex-tupamaro président ?

Dans le monde...

Message par pelon » 06 Nov 2009, 20:59

Mujica, ex-dirigeant des Tupamaros, est arrivé en tête du 1er tout des élections présidentielles du 25 octobre avec plus de 47%. Il était candidat du Front élargi, une gauche bien responsable et réformiste. Il pourrait être une sorte de Lula uruguayen.
Pendant des décennies le pouvoir alternait entre les "colorados" et les "blancos", partis bourgeois traditionnels. Ce n'est qu'en 2004 que pour la première fois la gauche arriva au pouvoir avec Vasquez.
Pour en revenir à Mujica, ce n'est pas le seul tupamaro à s'être intégré. Huidobro, fondateur des tupamaros avec Sendic, est sénateur; la présidente de la chambre, Nora Castro, est aussi une ancienne tupamara.
Et ce ne sont que quelques exemples.
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Message par Vérié » 08 Nov 2009, 20:28

Ces cas ne sont pas uniques. Les guérilleros reconvertis sont légions en Amérique latine : on en trouve au Chili, en Argentine, au Pérou, au Brésil etc. Tous ne sont d'ailleurs pas classés "à gauche".

C'est un phénomène politico-social qui ressemble beaucoup à l'évolution d'anciens gauchistes, comme Dray, July, Weber etc, en France. Tous sont généralement d'origine bourgeoise ou petite bourgeoise et ont conservé des liens dans leur classe d'origine. Le chemin semble certes plus long entre la jungle et les salons ministériels, qu'entre les meetings du quartier latin et les mêmes salons, en raison de la répression féroce subie par les mouvements de guérillas, mais cette différence correspond à celle qui sépare des pays où les affrontements de classes sont sanglants de pays où règne un relatif consensus social comme la vieille Europe...
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Message par artza » 09 Nov 2009, 08:18

(Vérié @ dimanche 8 novembre 2009 à 20:28 a écrit :de pays où règne un relatif consensus social comme la vieille Europe...

;)
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Message par Vérié » 09 Nov 2009, 08:27

(artza @ lundi 9 novembre 2009 à 08:18 a écrit :
(Vérié @ dimanche 8 novembre 2009 à 20:28 a écrit :de pays où règne un relatif consensus social comme la vieille Europe...

;)
Ben oui, s'il y avait eu des mouvements révolutionnaires dans les grands pays capitalistes développés depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ça se saurait, non ? Un des mérites de LO est justement de ne pas avoir vu une situation révolutionnaire ou pré-révolutionnaire en mai 68.
Et l'Amérique latine est une des rares régions où il y a eu en effet, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des mouvements ouvriers insurrectionnels : Bolivie, Argentine, et une lutte de classe exacerbée comme au Chili.

Il y a un désaccord entre nous sur ce point ? :33:
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Message par pelon » 10 Nov 2009, 14:00

(Vérié @ dimanche 8 novembre 2009 à 19:28 a écrit :Ces cas ne sont pas uniques. Les guérilleros reconvertis sont légions en Amérique latine : on en trouve au Chili, en Argentine, au Pérou, au Brésil etc. Tous ne sont d'ailleurs pas classés "à gauche".

C'est un phénomène politico-social qui ressemble beaucoup à l'évolution d'anciens gauchistes, comme Dray, July, Weber etc, en France. Tous sont généralement d'origine bourgeoise ou petite bourgeoise et ont conservé des liens dans leur classe d'origine. Le chemin semble certes plus long entre la jungle et les salons ministériels, qu'entre les meetings du quartier latin et les mêmes salons, en raison de la répression féroce subie par les mouvements de guérillas, mais cette différence correspond à celle qui sépare des pays où les affrontements de classes sont sanglants de pays où règne un relatif consensus social comme la vieille Europe...

Bien entendu, les militants radicaux de toutes espèces passés avec armes et bagages (en oubliant les armes) de l'autre côté de la barrière, cela n'a rien de nouveau. Ce qui est plus rare (le cas du Nicaragua est différent) c'est qu'il ne s'agit pas ici d'individus mais du parti lui-même.
En Uruguay, en 1982, pendant la dictature, les militaires relachèrent des militants moins lourdement condamnés. Ils faisaient un test. Ce fut un peu la résurgence du parti qui était complètement détruit. Ces premiers militants relâchés menèrent un travail moléculaire de réorganisation. On imagine le difficulté de la tâche compte tenu de la période. En 1984 le réseau reconstitué comptait 400 militants. Ils se présentèrent avec d'autres militants d'EG revenus d'exil (dont une partie était des anciens tupamaros) à des élections en novembre et obtinrent 20,77% des voix, ce qui était assez spectaculaire.
Mais c'est en général en 1985, lors de la libération de la grande majorité des prisonniers politiques (mille personnes quand même) que l'on fait remonter la réorganisation du MLN (le nom du parti des Tupamaros) même si comme je l'ai écrit c'est un peu plus compliqué. Lors de leur sortie ils sont accueillis par de grandes manifestations. 63 qui avaient été condamnés pour des crimes de sang restaient en prison. Ils ont été libérés quelques jours plus tard, les militaires faisant un calcul savant (ils comptaient 3 ans pour une année passée en prison) leur permettant de ne pas avoir à les amnistier. L'un des 63 est un ami et c'est de lui que j'ai tiré mes informations.
Les manifestations après la libération des prisonniers n'est pas du qu'au boulot de mobilisation des militants mais au ras-le-bol de la population. les militaires comprennent, comme en avril 82 an Argentine (après la défaites de la guerre des Malouines) qu'il est temps de laisser le pouvoir.
Je ne vais pas refaire toute l'histoire mais disons que dans le front élargi, qui a gagné les élections législatives, le MLN est un élément essentiel. Et que le futur président de l'Uruguay est l'ancien tupamaro, mais toujours MLN, Mujica. Disons aussi qu'ils n'ont pas renié leur passé guérillériste.
Des guérillas urbaines nées dans les années 60 ou 70 dans le sud de l'Amérique latine, le PRT et les Montoneros (Argentine) ont disparu, le MIR s'est dissout en 89. On m'a dit que l'ELN (Bolivie) existait toujours mais était moribond. Il ne s'est jamais remis de l'aventure de Guevara.
L'Uruguay, de ce point de vue, est donc une exception.
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Message par Vérié » 10 Nov 2009, 14:06

a écrit : Pelon
Ce qui est plus rare (le cas du Nicaragua est différent) c'est qu'il ne s'agit pas ici d'individus mais du parti lui-même.

C'est plus rare, mais pas exceptionnel, il y en a au moins deux autres : un parti péruvien et un parti bolivien (je chercherai les noms exacts). Quant au cas du Nicaragua, il est certes un peu différent, mais présente tout de même des similitudes. La principale différence, c'est que les autres partis guérilléristes ne sont jamais parvenus au pouvoir, évidemment et que le pouvoir corrompt. Les autres se sont corrompus avant... (L'Uruguay, je connais assez peu...)
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Message par artza » 10 Nov 2009, 17:00

Mener une lutte armée, jeter des bombes et revolvériser des ministres ou des adversaires politiques n'a jamais été la preuve d'un grand "radicalisme" c'est même plutôt le contraire, peu importe la couverture idéologique et la couleur du drapeau.
Ces partis font d'excellents partis bourgeois de gouvernement. Les exemples sont légions, et même en France.

Une grande exception, le parti socialiste-révolutionnaire (russe) les fameux S-R dont la carrière fort brève fut avec bonheur interrompue par les bolcheviks.
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Message par pelon » 10 Nov 2009, 17:39

(Vérié @ mardi 10 novembre 2009 à 13:06 a écrit :
a écrit : Pelon
Ce qui est plus rare (le cas du Nicaragua est différent) c'est qu'il ne s'agit pas ici d'individus mais du parti lui-même.

C'est plus rare, mais pas exceptionnel, il y en a au moins deux autres : un parti péruvien et un parti bolivien (je chercherai les noms exacts). Quant au cas du Nicaragua, il est certes un peu différent, mais présente tout de même des similitudes. La principale différence, c'est que les autres partis guérilléristes ne sont jamais parvenus au pouvoir, évidemment et que le pouvoir corrompt. Les autres se sont corrompus avant... (L'Uruguay, je connais assez peu...)

Au Pérou je suppose que tu penses à l'APRA (Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine) qui est le parti du président actuel, Alan Garcia.
Fondé à la fin des années 20, l'APRA n'est pas vraiment un parti guérillériste. Il se disait anti-impérialiste et militait pour une fédération des nations latino-américaines.
Vraiment radical dans les années 30, il fut persécuté en particulier par le dictateur Sanchez Cerro qui fut assassiné, probablement par un apriste. L'APRA participa à un gouvernement d'un front (FDN) en 1945. Bien des militants et les milieux populaires furent déçus. C'est à cette époque que le fondateur de l'APRA, Haya de la Torre à qui on disait qu'il avait changé répondit que "ce n'était pas lui mais l'impérialisme qui avait changé". Une sorte d'Edgar Faure péruvien.
Même si nombre de ses militants continuaient à croire aux idéaux du départ et furent persécutés sous la dictature d'Odria (1948-1956) on peut dire que l'APRA n'est plus révolutionaire (même au sens de "pan-nationaliste") depuis au mieux le début des années 50. L'APRA a vraiment été un parti (le seul qui l'ait vraiment été au Pérou) à base populaire.
Au niveau des guerillas il y eut celles lancée par Luis de la Puente (en 65) du MIR. Elles furent lancées dans la sierra avec une impréparation incroyable et se terminèrent en fiasco total. Au final, aucun parti guérillériste péruvien n'est jamais parvenu au pouvoir. Il y a bien eu des militants d'EG qui ont rejoint Velasco en 68 après son coup d'Etat mais pas de parti à ma connaissance.
Quant à la Bolivie je ne vois pas non plus quel parti issu de la guérilla est arrivé au pouvoir.
Pour Artza : "radical" n'est pas un terme élogieux en soi. Tout dépend au service de quelle politique on agit. il y a des partis d'extrême-droite dont on dit qu'ils sont radicaux. Donc que l'on se rassure, il ne s'agit pas de faire l'éloge des guérilléristes et surtout pas de leurs dirigeants qui ont conduit à la mort à cause de leur politique insensée de nombreux jeunes qui aspiraient à un changement de société, tout cela appuyé et encouragé par le SU à l'époque. Mais c'est un autre débat.
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Message par Vérié » 11 Nov 2009, 11:58

Je pensais notamment au MIR bolivien (mouvement de la gauche revolutionnaire) qui était ultra-radical à sa fondation dans les années 70, et a fini par s'allier aux militaires dans les années 80, puis a participé à divers gouvernements. Ses dirigeants se sont corrompus très vite et plusieurs d'entre eux ont été poursuivis pour trafic de drogue. Mais je ne suis pas certain en effet que le MIR ait mené la lutte armée.
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Message par pelon » 11 Nov 2009, 13:53

(Vérié @ mercredi 11 novembre 2009 à 10:58 a écrit :Je pensais notamment au MIR bolivien (mouvement de la gauche revolutionnaire) qui était ultra-radical à sa fondation dans les années 70, et a fini par s'allier aux militaires dans les années 80, puis a participé à divers gouvernements. Ses dirigeants se sont corrompus très vite et plusieurs d'entre eux ont été poursuivis pour trafic de drogue. Mais je ne suis pas certain en effet que le MIR ait mené la lutte armée.

Le MIR bolivien, c'est un peu compliqué. Quand il se forme, au début des années 70, c'est un regroupement composite formé de marxistes de différentes obédiences et de jeunes démocrates chrétiens "radicaux" ( 8) ). Peu de temps après leur formation, alors qu'ils n'ont pas du tout voulu ressusciter la guérilla (en est 4 ans seulement après le fiasco de Che Guevara) le général Banzer fait un coup d'Etat qui les oblige à passer dans la clandestinité.
Il est vrai que le MIR va entrer de de nombreux gouvernements à partir de 82. Il avait failli y entrer en 79 mais un des nombreux coups d'Etat l'en a empêché. Le plus spectaculaire de son opportunisme eut lieu en 89 quand il fit alliance avec Hugo Banzer et reçut en contre-partie, la présidence du parlement (pour son dirigeant Paz Zamora). Comme il avait déclaré peu de temps avant qu' "un fleuve de sang divise le MIR de l'ADN (parti de Banzer)" certains ont ajouté que "Paz Zamora a construit un pont avec les cadavres des morts du MIR pour traverser le pont".
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