Pour bien comprendre l'intervention des Etats

Dans le monde...

Message par jeug » 01 Oct 2008, 09:42

Je ne sais pas vous, mais moi je suis un peu perdu.
Dans les milliards engagés par les Etats pour venir au secours, soit des profits, soit de l'existence même, des banques, ça va des nationalisations (ou fortes prises de participation), aux prêts de l’Etat. En tout cas, tel que c'est présenté dans les médias.
Dans toutes ces méthodes pour "renflouer" les entreprises en péril, qu'est-ce qui est du prêt, qu'est-ce qui est du cadeau ?
Quelqu'un a-t-il une source qui fasse le point là-dessus ?
Ou bien quelqu'un peut-il expliquer, c'est à dire récapituler des moyens utilisés par les Etats pour intervenir financièrement au secours des banques ?
jeug
 
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Message par NazimH » 01 Oct 2008, 10:43

Bon moi je mets ce que je comprends -comme cela si je me goure quelqu'un corrigera/ complètera ou ajoutera et j'apprendrai par la même occasion...

1) Les prêts consentis par l'État -ou les "banques centrales" etc...

Comme son nom l'indique il s'agit d'avancer de l'argent à des institutions financières ou des entreprises qui ne trouvent pas de crédit facilement. Pour comprendre l'intérêt pour ces capitalistes il faut bien imaginer que tous les jours, il y a des milliers et même davantage d'opérations de prêts interbancaires car normalement aucune banque ne laisse des capitaux disponibles inoccupés et inversement des sociétés financières, des banques ont toujours des "opportunités d'investissement" pour lesquelles elles vont chercher de l'argent (elles n'ont pas forcément des capitaux sous la main si ce sont des "banques d'affaire").
Un des problèmes actuels comme tu l'as noté c'est que les banques qui ont des capitaux sous le coude ne veulent plus trop prêter -en tout cas pas à tout le monde. Mais c'est quand même embêtant car cela fait de l'argent qui "dort". Et pour celles qui veulent se financer et auxquelles on ne prête plus là aussi gros problème...
L'État intervient donc pour "socialiser les risques". C'est à dire qu'il va prêter à ceux auxquels plus personne ne veut prêter, à un taux d'intérêt pas trop élevé. C'est lui -enfin les finances publiques- qui assumera en cas de défaillance.
Cela permet donc la poursuite de l'activité pour des sociétés qui sont "en difficulté". Ce n'est pas un cadeau "immédiat". Ce sera une perte si -il y a quand même des chances pour que ça arrive- les emprunts ne sont pas remboursés.
Autre intérêt cette fois-ci du côté des banques qui ont de l'argent c'est que l'État va emprunter pour reprêter de l'argent. En même temps qu'il devient créancier des canards boiteux, il emprunte auprès des banques qui ont des liquidités à placer.
Bref l'État permet que les banques -au sens large- qui ont des capitaux disponibles continuent à en prêter à ceux auxquels elles ne veulent plus le faire directement en bénéficiant de son intermédiaire.
La béquille étatique permet aux capitalistes de continuer avec moins de risques leurs petites activités spéculatives -bref contrairement à ce qu'on entend parfois l'État n'intervient pas pour freiner la ronde financière mais pour lui permettre de se poursuivre.
C'est l'État qui assume les risques...

Après il faut voir les taux et les types d'emprunt auxquels se font tous ces échanges de capitaux pour voir si dans le détail l'État perd de l'argent dans ce simple jeu de bascule (en empruntant et en reprêtant)... Il n'est pas sûr que l'État soit perdant de ce point de vue mais c'est à vérifier (comme c'est un emprunteur "sûr" l'État obtient normalement des conditions d'emprunt "intéressantes").
Mais là je m'avance dans un domaine inconnu...

2) Les "nationalisations" ou injections d'argent diverses.
J'ai l'impression qu'il y a plusieurs cas mais qui se ramènent tous au même fond : l'État intervient pour prendre à sa charge tout ou partie des dettes.

- si l'État est déjà actionnaire avec d'autres actionnaires privés. Si la boite est en situation de faillite ou de difficultés de paiement, il faut alors que les actionnaires apportent de l'argent frais pour qu'elle continue à fonctionner -comme dans n'importe quelle entreprise qui va mal normalement. Dans ce cas il faut voir comment, quand il y a augmentation de capital, se répartit "l'effort" entre actionnaires. Contrairement à ce qu'on penser il n'y a pas répartition équitable des efforts (du genre "tu es actionnaire à 20 %, tu apportes 20% des capitaux supplémentaires"). Souvent l'État accepte d'apporter bien plus que les capitalistes privés, sans que sa part des actions augmente. Il faut voir donc voir dans le détail de chaque intervention -ce qui est impossible vu l'opacité sur les accords et les comptes- pour mesurer concrètement à quel point l'État aide tel ou tel capitaliste.
Là on peut alors parler d'aide, de cadeau à des capitalistes.

- si l'État "nationalise" une entreprise financière -en fait n'importe quelle entreprise- c'est un peu pareil... mais cela prend parfois la forme de "je reprends l'entreprise" -parfois pour 1 euro ou dollar symbolique- mais cela revient surtout à reprendre des dettes. En général l'entreprise ne vaut déjà plus rien, les actionnaires avaient déjà tout perdu (l'action vaut près de zéro, pas de dividendes espérés etc..). L'État intervient plutôt pour sauver la mise des créanciers de la boite.
Là où cela peut être gagnant pour les actionnaires c'est s'il y a nationalisation partielle. Dans ce cas les actionnaires peuvent espérer voir leurs actions reprendre un jour de la valeur si l'État amène assez d'argent pour éponger les dettes et faire que l'activité de l'entrepris reprenne de la valeur (enfin refasse des bénéfices du point de vue capitaliste). Idem on peut vraiment dire que c'est un gros cadeau à ces capitalistes (car souvent leurs actions ne valaient plus rien et ils n'ont pas les moyens ou la volonté de renflouer la boite).

C'est par exemple un peu ce qui est arrivé dans le cas d'Alstom -dont Sarkozy se vante- l'État est redevenu actionnaire, injecté suffisamment de fric et aujourd'hui, d'un point de vue rentabilité elle dégage du fric. Au passage Sarkozy en profite pour dire que l'État n'y perd pas d'argent vu qu'il aurait récupéré sa mise -ce qui est bien difficile à vérifier il faudrait savoir exactement combien l'Etat a mis au pot, quls crédits il a consenti, quelles aides et commandes il a pu faire à Alstom, bref tout ce qui est apport d'argent mais pas comptabilisé comme action donnant droit à une part du capital. Là les prétentions de Sarkozy sont peut-être moins exactes (sans remonter dans le passé en plus).

Donc avec la "nationalisation" c'est une aide plus directe... ou plus palpable...

Voilà j'aurais essayé... et c'est déjà bien long !
NazimH
 
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Message par Vérié » 01 Oct 2008, 11:17

(NazimH @ mercredi 1 octobre 2008 à 11:43 a écrit : Voilà j'aurais essayé... et c'est déjà bien long !

Non, ce n'est pas trop long. Il me semble que tu as assez bien expliqué les deux cas de figure principaux :
-Prets
-Rachats (complets ou partiels)
__
* Il faut préciser aussi que, pour sortir cet argent, l'Etat emprunte lui-même sur les marchés financiers. Du moins dans le cas des Etats-unis, qui empruntent notamment à des fonds d'investissements internationaux de diverses origines, notamment des Etats pétroliers. Donc, ça augmente sa dette.

En revanche, la FED et la BCE ont le pouvoir de "créer de l'argent", c'est à dire de faire marcher la planche à billets virtuels. Je n'ai pas très bien compris quelle est la part d'argent créé par la FED (notamment après les prmeiers prêts à la suite des premières défaillances) et la part d'argent fourni par l'Etat américain - il semble que, dans le cadre du plan de 700 Mrd  de Bush refusé par le sénat (qui serait parait-il de 1000 Mrd  en réalité), ce soit uniquement l'Etat, mais je ne suis pas sûr ? :33: (J'ai vérifié depuis : c'est uniquement l'Etat.)

* L'Etat rachète les titres pourris, les fameux "junk bonds". C'est comme si un épicier achetait des yaourts et des tomates avariés impropres à la consommation et que l'Etat lui rachetait pour lui éviter la faillite ! Assez extraordinaire !

Mais, aux USA, une fraction (petite ?) du fric servirait aussi - un peu tard - à aider les acquéreurs-emprunteurs de maisons...
__

Surtout, ce qu'on peut se demander, c'est si cette masse énorme de fric (créée ou emprunté et banalncé aux institutions financières) va déclencher l'inflation. Logiquement, ça devrait. Mais les économistes expliquent que, d'un autre côté, il y a aussi une masse d'argent virtuel détruit par les faillites. Donc ça se compenserait plus ou moins. Pour le moment, ça ne semble pas avoir accru l'inflation qui était antérieure à la crise financière.

Une chose est certaine, ça permet à une bonne partie des dirigeants de tous ces établissements financiers et des actionnaires de conserver leurs privilèges. Ils doivent d'ailleurs peser de tout leur poids poour convaincre les Etats de voler à leur secours, et on se doute qu'ils pèsent loourd dans l'entourage de Bush ou de Sarko...

Assez extraordinaire aussi : cette comparaison entre le fric perçu par les élus qui ont voté pour et contre le plan Paulson. Ceux qui ont voté pour ont touché beaucoup plus de fric des institutions financières !

http://www.opensecrets.org/news/2008/09/fi...50-percent.html
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Message par jeug » 01 Oct 2008, 12:39

Merci à tous les 2.

Une question, Nazim. Que veut dire ceci :
a écrit :Souvent l'État accepte d'apporter bien plus que les capitalistes privés, sans que sa part des actions augmente

Comment peut fonctionner cette espèce de recapitalisation "disproportionnée" ?
jeug
 
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Message par com_71 » 01 Oct 2008, 13:41

Sans avoir encore lu tout ce qui précède, et donc sur ce dernier point pris isolément, je crois qu'une action a une valeur nominale, non négociable, et une valeur de réalisation, négociable.

Un peu comme les pièces de 10€ ou 20€ ou 50e, en argent, qui se sont rapidement échangées contre des sommes bien supérieures. Donc dans la négociation, tout dépend de qui l'on est, et pour expliquer ce que dit Nazim, il suffit que l'état paie plus cher chaque action acquise, qu'un investisseur privé.

Mais je ne suis pas spécialiste...
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Message par com_71 » 01 Oct 2008, 15:01

Et même pas besoin de papier et d'encre pour faire de la fausse monnaie...

(AP a écrit :François Fillon confirme l'utilisation du Livret A pour faciliter le crédit aux PME


PARIS - Le Premier ministre François Fillon a confirmé mercredi que le gouvernement se prépare à utiliser "une partie du surplus de collecte du Livret A" vers la garantie du crédit au profit des PME.

"Nous envisageons de regarder comment orienter une partie du surplus de collecte du livret A, qui est lié à la crise financière d'aujourd'hui, vers les PME", a confirmé le Premier ministre lors de la séance de Questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

Cette mesure se ferait "en garantissant naturellement le financement du logement social (...) et en garantissant bien entendu les dépôts des déposants", a-t-il précisé.

Le gouvernement prépare des mesures pour "donner aux PME une plus grande sécurité en matière de financement" et notamment d'accès au crédit.

François Fillon a estimé que la crise financière actuelle était "sans précédent". "Il faut du sang-froid, il faut de la ténacité, mais il faut aussi de l'unité", a-t-il lancé, alors que l'opposition a décliné son appel à l'unité nationale. AP
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Message par NazimH » 01 Oct 2008, 17:56

a écrit :Une question, Nazim. Que veut dire ceci :

a écrit :Souvent l'État accepte d'apporter bien plus que les capitalistes privés, sans que sa part des actions augmente



Comment peut fonctionner cette espèce de recapitalisation "disproportionnée" ?


Bon, je vais peut-être dire une énorme bêtise, qu'un des nombreux banquiers ou traders qui fréquentent le site me corrige !

Si tu prends le cas de Dexia, cette banque a de nombreux actionnaires. L'Etat français et l'Etat belge étaient présents au capital (directement ou au travers de sociétés parapubliques comme la Caisse des dépôts en France). Il y avait aussi des actionnaires privés comme la compagnie d'assurances CNP.

Comme tu le sais la société Dexia a quelques difficultés. Cette banque respectable dont la spécialité est normalement le prêt aux municipalités (notamment en Belgique) a trouvé depuis quelques années qu'il était incroyablement plus profitable d'aller jouer sur les créances de prêts immobiliers transformés en titres aux USA (elle a créée une filiale pour cela et ...). Et donc en avant cocotte ! La banque semble devoir y laisser quelques plumes (après des années de bons résultats cela va sans dire). Mais le réveil est douloureux...

Donc en gros l'action Dexia - avant l'intervention des états, elle vaut, elle vaut ... euh ... ben à la Bourse les investisseurs pensaient que cela valait pas grand chose. Au lendemain des révélations l'action perdait 30 ou 50 % -elle valait entre 6et 7 euros- et il n'y avait pas grande raison pour que la descente s'arrête...

Et puis vint le miracle pour les actionnaires privés : 6,4 milliards apportés par les états !

a écrit :Le Premier ministre belge Yves Leterme a annoncé ce matin qu’un accord avait été trouvé entre les gouvernements belge, français et luxembourgeois afin d’injecter 6,4 milliards d’euros dans la banque franco-belge Dexia. Après une longue nuit de négociations, l’accord a enfin été officialisé en tout début de matinée. Un milliard d’euros sera apporté directement ou indirectement par l’Etat français. La Caisse des dépôts et consignations investira pour sa part 2 milliards d’euros. Ainsi, l’Etat français d’une part et le groupe Caisse des Dépôts et Consignations d’autre part débourseront au total trois milliards d’euros pour recapitaliser la banque en difficulté. L’Etat belge investira de son côté 3 milliards d’euros, et le Luxembourg 375 millions d’euros. Cette levée de capital se fera à 9,90 euros l’action, un prix correspondant à la moyenne de ses cours sur un mois.

(source Journal des Finances)


De l'argent frais arrive donc qui va permettre à la banque de faire face à ses échéances de remboursement.
C'est un investissement en capital.

Tu as noté le prix des actions achetés par les États. A la bourse, tout un chacun pouvait les acheter pour 6 euros ... Et bien l'État, grand prince décide qu'il paiera les siennes 10 euros ! Le prix qu'elles valaient il y a un mois !

Bien sûr cela relance à la hausse le cours de l'action... (et donc cela fait que le geste de l'État est un tout petit moins un cadeau aux capitalistes privés)...

Dans le cas de Dexia, seuls les actionnaires publics semblent avoir apporté de l'argent frais -les autres ne semblent pas se bousculer pour remettre de l'argent dans une affaire qui leur semble mal engagée. Donc la part étatique augmente dans l'actionnariat mécaniquement. Mais elle augmente beaucoup moins que ce qui devrait il y avoir si les États avaient par exemple achetés des actions à la Bourse au cours du jour pour 6,4 milliards...

Voila j'espère que c'est à peu près clair...

Sinon, Vérié a signalé avec raison une autre façon de venir en aide aux structures financières -mais sur laquelle tu ne t'interrogeais pas car je pense que là le caractère d'aide aux patrons est bien évident : c'est le rachat par l'État aux banques de tous les titres "pourris" qu'ils détiennent. En général cela se fait par la création d'une structure para-étatique spéciale chargée de racheter tout ce dont une banque veut se débarrasser et après à elle de se débrouiller avec ! C'est par exemple ce qui a été fait quand l'État a "sauvé le Crédit Lyonnais" en créant le Consortium de Réalisation -ce qui a couté plusieurs dizaines de milliards de francs à l'État...
C'est en grande partie ce que se propose de faire le plan dit "Paulson" ...
NazimH
 
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Message par jeug » 01 Oct 2008, 18:49

Merci
En fait, l'Etat fait le contraire des investisseurs privés : il achète non pour faire des gains mais en acceptant de lourdes pertes.
Pertes dont la contrepartie est représentée par des gains pour les autres actionnaires (entre autres).
Et ça fait partie des objectifs de la manoeuvre.
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Message par Vérié » 02 Oct 2008, 07:43

Extrait de l'article de LO mis en ligne sur le Fil "LEUR FAIRE PAYER LA CRISE" (qui débute par un édito de la Fraction l'Etincelle.

a écrit :
La seule « régulation » que connaissent les capitalistes et leur personnel politique consiste à pressurer toute la population pour lui extorquer les milliards qu'ils ont perdu au casino de la spéculation. Car, appeler « régulation » le fait de ponctionner 700 milliards de dollars aux États-Unis, des centaines de milliards en Europe, sur le dos de tous avec l'aide des États, pour renflouer les caisses des capitalistes


Pour l'agitation, ça n'est pas gênant d'employer ce langage. A savoir que l'argent de ces plans de sauvetage des financiers serait pris dans la poche des travailleurs. Néanmoins, quand on veut donner une véritable explication économique et marxiste, ce n'est pas exact car il ne s'agit pas d'une quantité d'argent qui existerait réellement, serait limité, défini etc mais en grande partie d'argent virtuel, fictif. (Nous avions déjà eu cette discussion sur un autre fil et certains n'étaient oas d'accord, notamment Jaquemard qui affirmait que l'argent existe pour de bon.

Voici un extrait d'un texte du CRI qui explique bien la différence entre capital réel et capital fictif. Ce texte est par ailleurs exagérément polémique avec la LCR et LO, mais il est fouillé et intéressant.


Lien avec l'article du CRI : http://groupecri.free.fr/article.php?id=412


a écrit :
Troisième erreur : la confusion entre capital réel et capital fictif
Dans IO du 9 août, Jean-Pierre Raffi écrit, commentant un extrait du journal Les Échos sur la baisse de 1000 milliards de la valeur des actions cotées dans le monde entier : « Mille milliards de dollars ! Évaporés. Mille milliards de dollars qu’ils voudront, n’en doutons pas un instant, récupérer sur nos salaires, nos retraites, nos systèmes de protection sociale… Pas besoin de chercher ailleurs les raisons de leur acharnement, en France, à vouloir mettre la main sur les six milliards d’euros de la Sécurité sociale » (p.14).
Il est essentiel de distinguer le capital réel et le capital fictif. Décrivons rapidement le cycle du capital réel. Quand un capitaliste financier avance de l’argent au capitaliste industriel (celui qui exerce la fonction du capital dans l’entreprise en exploitant au maximum les travailleurs) par exemple en achetant une action émise par une entreprise (13), il avance un capital réel (sous forme monétaire) qui est utilisé pour acheter des moyens de production et des forces de travail. Avec ce capital réel, le capitaliste industriel produit des marchandises : le capital réel avancé (sous forme monétaire) est ainsi métamorphosé, à l’issue de la production, en capital réel sous la forme d’une marchandise, qui sera ensuite vendue et donc reconverti en capital réel monétaire.
En revanche, le marché secondaire des actions (14) n’est pas en rapport direct avec le cycle du capital réel. Les actions qui y sont échangées sont des titres de propriété, qui portent sur du capital réel (sans être du capital réel), et qui donnent droit à une part de la plus-value (versée sous forme de dividendes) produite par les travailleurs. Le cours des actions peut augmenter sans accroissement du capital réel : comme l’écrit Suzanne de Brunhoff dans son livre magistral sur La monnaie chez Marx, « la circulation des titres comme marchandises boursières leur donne à tous une "valeur-capital" fictive » (15) ; ou encore : « Le capital de prêt, du fait même qu’il circule, prend un caractère "fictif" : le circuit du crédit, en se fermant complètement sur lui-même, s’ouvre sur un marché des créances qui échappe aux conditions de la circulation du capital. » (16)
La sphère d’« accumulation » du capital fictif jouit donc d’une dynamique propre et d’une autonomie relative (17) par rapport aux conditions de l’accumulation de capital réel. Quand les cours des titres de créance (non monétaires) sur la production réelle augmentent plus vite que la valeur (monétaire) de la production, le caractère « fictif » est flagrant : la richesse financière est purement virtuelle et n’a plus de contrepartie réelle. Tant que l’offre et la demande sur le marché des actions s’équilibrent, la situation peut perdurer. Mais quand la demande fléchit et que de plus en plus de propriétaires d’actions veulent « liquider » leurs titres (c’est-à-dire les vendre pour les transformer en monnaie), pour jouir de leur pécule dans la sphère réelle, les cours des actions fléchissent. Il faut alors être parmi les premiers à vendre (18), pour bénéficier de la surévaluation des actions dans la sphère réelle.
Toutes ces précisions invalident les affirmations de Raffi qui confond la sphère réelle et la sphère financière, additionnant et soustrayant des « milliards » (sous forme de titres dans la sphère financière et sous forme de monnaie dans la sphère réelle) dans la plus totale confusion : ce que les capitalistes ont « perdu » virtuellement dans la sphère financière, ils vont tout faire pour les « récupérer » dans la sphère réelle, nous dit-il ! On nage en plein délire. Il ne s’agit bien évidemment pas, de notre part, de nier les efforts de la bourgeoisie pour baisser la valeur de la force de travail. Mais il s’agit de comprendre que cette volonté est dictée par la nécessité de maximiser le taux de profit réel !

Vérié
 
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Message par Sterd » 03 Oct 2008, 17:21

Est ce que quelqu'un sait ce que sont les "surplus du livret A" que le gouvernement souhaite filer aux PME ?
A ma connaissance les fonds collectés par le livret A sont destinés à financer le logement social, comment pourrait il exister un surplus ?
Sterd
 
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