a écrit :
Impôts : silence sur les combines patronales
Le quotidien L’Humanité a dernièrement relaté la mésaventure, à vrai dire pas surprenante, survenue à un vérificateur des impôts, sans doute trop consciencieux. Cet agent de la Direction régionale des impôts du Sud-Ouest, que sa hiérarchie considérait comme un vérificateur " exceptionnel " jusqu’à encore récemment, a appris le 20 juillet sa mise à pied pour deux ans, dont un ferme. Sans salaire, il est en outre privé du droit de travailler.
Ce qu’on lui reproche remonte à fin 2001. À l’époque, sa direction l’avait envoyé vérifier la situation fiscale d’une coopérative leader du marché du pruneau d’Agen et il avait estimé qu’elle devait 3 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés. Mais le contrevenant avait obtenu l’effacement de son ardoise, grâce à des soutiens politiques, en faisant du chantage à l’emploi jusqu’au niveau ministériel.
Deux ans plus tard, le vérificateur est de nouveau envoyé contrôler cette entreprise. Et les choses semblent alors mal se passer avec les dirigeants de la coopérative. Le vérificateur est sanctionné et déplacé. Mis " au placard ", il dénonce à sa hiérarchie, ainsi qu’à ses collègues, une cinquantaine d’affaires et scandales fiscaux, concernant de grandes entreprises, mais aussi de petits contribuables traités de façon injuste.
C’en était trop. Qu’il ait utilisé pour cela le service de messagerie électronique interne -qu’est-ce que cela aurait été s’il s’était répandu dans la presse !- n’y change rien. Ces choses-là, on doit les taire. Où va-t-on, quand les mieux informés laissent entendre que, si tout le monde est égal devant la loi (et le fisc), certains, riches et patrons, le sont plus que d’autres ?
Pierre LAFFITTE
(Source : http://www.lutte-ouvriere-journal.org/arti...=1881&ARTICLE=6)
L'article de l'Humanité en question :
a écrit :Harcèlement
" Brillant " hier, paria aujourd’hui
Agent des impôts à Agen, Rémy Garnier vient d’être mis à pied pour deux ans. On lui reproche sa ténacité face aux fraudeurs.
Vérificateur des impôts depuis 1976, en poste à Agen dans le Lot-et-Garonne depuis 1979, Rémy Garnier n’a sans doute qu’un seul tort : celui de vouloir faire consciencieusement son travail. Et, par exemple, de ne pas supporter les injustices et les dysfonctionnements - pour ne pas dire davantage - de l’administration des impôts. Aujourd’hui, Rémy Garnier est durement sanctionné. Deux ans de mise à pied, dont un avec sursis. Suspendu de salaire et privé du droit d’exercer un emploi.
Tout allait bien pourtant pour Rémy Garnier jusqu’à l’automne 2001. Son administration le considérait comme un vérificateur " exceptionnel ". Sachant traquer la fraude fiscale, il bénéficiait de l’estime de ses supérieurs. Mais voilà qu’en cet automne 2001 il est chargé de vérifier la situation fiscale de France-Prune, une coopérative leader du marché du pruneau d’Agen. Les intérêts économiques locaux d’une telle société sont considérables, puisqu’elle commercialise l’essentiel de la production des exploitants agricoles de la région d’Agen. Après ses vérifications, Rémy Garnier estime que France-Prune devrait au titre de l’impôt sur les sociétés la somme de 3 millions d’euros. La somme réclamée met en danger la vie même de l’entreprise, font valoir les dirigeants de France-Prune. Exerçant un chantage à l’emploi, ils font appel à l’intervention des pouvoirs politiques et, finalement, Christian Sautter, ministre de l’Économie de l’époque, intervient alors que les négociations entre l’administration fiscale et la société coopérative sont en cours. L’ardoise fiscale de la société est effacée. Rémy Garnier ne peut que prendre acte de cette décision, et envoie à la société le formulaire administratif signifiant l’abandon du redressement. Mais il maintient ses arguments.
Deux ans plus tard, lorsque sa direction lui confie une nouvelle vérification de la société France Prune, il est accusé d’avoir tenu à l’égard des dirigeants de la coopérative des propos inconvenants. Il est alors sanctionné par l’administration, déplacé d’office sans changement de résidence. " Je fais l’objet d’un harcèlement implacable visant à la destruction de ma personnalité ", affirme le salarié des impôts. Il est en effet affecté dans ce qu’il appelle " un placard ", passant du jour au lendemain, selon l’expression de son syndicat, le SNADGI-CGT, " du statut de vérificateur exceptionnel à la direction régionale des impôts du Sud-Ouest à celui de paria à la direction des services fiscaux de Lot-et-Garonne ". Suite à cette mutation injustifiée, Rémy Garnier, travaillant au contentieux des services fiscaux de Lot-et-Garonne, dénonce à sa hiérarchie, mais aussi à ses collègues par la voie de l’Intranet, une cinquantaine d’affaires et de scandales fiscaux. C’est cela qui lui est aujourd’hui reproché. Des affaires qui concernent la fiscalité de grandes entreprises mais aussi de petits contribuables injustement maltraités.
Le 25 juin dernier, Rémy Garnier est convoqué devant le conseil de discipline par sa direction, qui demande ni plus ni moins sa révocation. Les huit représentants de l’administration s’opposent aux huit représentants des syndicats. Au soir du 25 juin, après plus de douze heures de procès, aucun des représentants du personnel (deux élus SNADGI-CGT, cinq élus du SNUI, le syndicat autonome des impôts, et un élu CFDT) n’accepte la moindre sanction à l’égard de Rémy Garnier. La décision est donc renvoyée au ministère. Le 20 juillet, après un mois sans aucune nouvelle sur le sort qui lui est réservé, Rémy Garnier apprend sa mise à pied pour deux ans, dont un an ferme. Privé de salaire, privé du droit même de travailler, Rémy Garnier, bien que profondément affecté, ne veut pas se laisser briser. Il est décidé à utiliser toutes les possibilités de recours administratif qui lui sont ouvertes. En précisant qu’" aucun recours n’est suspensif ". Recours avec son syndicat, la CGT, auprès du Conseil supérieur de la fonction publique, recours d’urgence auprès du tribunal administratif pour violation du droit de la défense, et enfin recours sur le fond de l’affaire.
Mais Rémy Garnier a également besoin de la solidarité de ses collègues et de celle des salariés en général. Michèle Daroman, responsable de l’UD-CGT de Lot-et-Garonne, affirme que son syndicat " ne laissera pas des gens sans foi ni loi tenter d’abattre sans vergogne un homme honnête, et nous continuons la bataille pour faire annuler la sanction ". Quant au syndicat de Rémy, le SNADGI, il dénonce la façon dont l’administration des impôts " a traité un de ses agents les plus brillants, qui travaille depuis trente ans à la DGI, considéré comme vérificateur exceptionnel, et qui a consacré toute sa vie à la lutte contre la fraude fiscale et au respect du statut de la fonction publique auquel il est profondément attaché ". Le Parti communiste, par un de ses dirigeants départementaux, Jean-Claude François, suit et soutient Rémy Garnier depuis le début. " Il est temps de populariser cette affaire, c’est une injustice flagrante, dit Jean-Claude François. C’est le retour au Moyen Age. On protège les gros, les privilégiés, on parle de supprimer l’impôt sur la fortune. Et on saque le salarié qui veut coincer les fraudeurs, qui fait tout simplement, courageusement son métier." Quant à la direction des services fiscaux de Lot-et-Garonne, elle refuse, par la voix de son directeur adjoint, Pierre Chaume, de s’exprimer sur ce qu’elle appelle " une affaire interne ". Elle renvoie sur la direction générale des impôts, où le service de Didier Maheut, directeur du personnel, n’a pas répondu aux sollicitations de l’Humanité.
Olivier Mayer
Article paru dans l'édition du 5 août 2004.
(Source : http://www.humanite.presse.fr/journal/2004...04-08-05-398367)