a écrit :RESTRUCTURATION.
La Poste : un bureau sur deux condamné
Discrètement bouclée cet été et applicable au 1 e r janvier 2005, la réforme de la Poste passera, selon nos informations, par la disparition en trois ans de 6 000 des 11 500 bureaux polyvalents. Usagers, élus et syndicats s'inquiètent.
DIX-SEPT MILLE bureaux, le réseau le plus dense d'Europe. C'est du passé ! Selon nos informations, d'ici à trois ans, la Poste va supprimer un bureau de poste sur deux en France métropolitaine... C'est ce qui ressort du plan « d'évolution du réseau » élaboré cet été par sa direction et dont notre journal s'est procuré la copie.
Le chantier est programmé pour être lancé le 1 e r janvier 2005. « Il s'étalera sur trois ans pour s'achever fin 2007 », confirme-t-on au siège, où l'on se refuse à détailler l'impact social et les économies attendues. Une position surprenante, car il s'agit probablement du plus grand nettoyage du réseau entrepris depuis plus d'un siècle. De quoi faire grincer les dents des usagers et des élus locaux, déjà très remontés contre les fermetures faites ces dernières années, malgré les moratoires et les discours politiques sur les bienfaits de la décentralisation. Pourtant, la Poste le jure : « Tout sera fait en concertation la plus étroite avec les élus. » « Rien ne se fera sans mon feu vert », nous a précisé hier le ministre de l'Industrie, Patrick Devedjian. « Il peut y avoir une évolution dans la forme de la présence postale en fonction de l'évolution démographique, des besoins de ses clients, mais il n'y aura pas de diminution de la présence postale » assure-t-il. En attendant, les syndicats SUD et CGT sont l'arme au pied et redoutent « 60 000 suppressions d'emplois ».
6 000 fermetures programmées, à la campagne mais aussi en ville...
Le document ne cite explicitement aucun chiffre. Mais « cela va être saignant », préviennent les syndicats. Sur les 17 000 points de contact, on compte 11 422 vrais bureaux (dits de plein exercice) où toutes les opérations sont possibles, du retrait de recommandé à l'envoi de mandat en passant par le retrait sur livret A. Le reste est assuré par des agences postales, communales, et par 280 à 300 commerçants qui font office de points Poste. La Poste veut se débarrasser des bureaux qui vivotent. Trop cher en loyer, non rentable ! 6 000 seraient condamnés. En zone rurale mais pas seulement. Car cette grande lessive n'épargnera personne. Selon SUD-PTT, il ne restera plus que 76 vrais bureaux sur 170 en Seine-Maritime, 95 contre 175 dans l'Hérault et 80 contre 200 en Loire-Atlantique, département test (voir ci-dessous)... La direction réfute en bloc mais mollement : « Comment voulez-vous qu'on le sache à l'avance, la concertation avec les élus n'est même pas terminée. » Reste que, pour l'usager, la potion risque d'être amère et les services postaux de moins bonne qualité.
Place à la rentabilité :
oubliée l'architecture héritée du XIX e siècle. A l'avenir, le nouveau découpage s'organisera autour de « zones de vie ». Elles seront définies en fonction de « l'attractivité économique et sociale », de « l'implantation géographique des clients des services financiers et des potentiels de développement de l'activité financière », explique le document. En clair, il faut que le réseau rapporte. Car la Poste a déjà prévenu : au sein d'une zone de vie, il n'y aura plus qu'un seul vrai bureau postal, et « au maximum 6 autres points de contact », soit des commerçants, soit des agences communales, etc...
A vous de vous déplacer.
« En zone urbaine dense, l'accès au conseiller financier est défini par une distance théorique de 3 km », peut-on lire ainsi dans ce document. Le problème c'est que, plus on s'éloigne du centre-ville, plus ça se gâte. Les banlieusards devront parcourir 5 km et les habitants des zones rurales pas moins de 12 km. En clair, si vous vivez à la campagne, vous pourrez peut-être acheter des timbres chez l'épicier du village (s'il en reste un), mais pour discuter placements, mieux vaudra avoir une voiture et des pneus neige...
Aline Gérard et Jean Darriulat
Le Parisien , jeudi 19 août 2004
La casse du service public, sous couvert de rentabilité, d'économie budgétaire, continue sans vergogne.
Il faut absolument défendre avec intransigeance et sans compromis les services publics des postes, télécommunications, transports, santés, éducations, etc, ce qui implique une riposte d'envergure du monde du travail.