la "démission" de Lamari

Message par Valiere » 04 Août 2004, 10:02

La semaine passée, nous informions de la démission de celui qui, depuis 1993 a assumé la direction de la lutte contre le terrorisme islamiste en Algérie le Général Lamari, chef d'état-major de l' armée. Nous publions, ci-dessous, deux commentaires de la presse algérienne qui apportent quelques points de vue sur cet évènement qui n'est pas sans signification. Il est bien connu que Lamari est un adversaire résolu de l'islamo-fascisme.

S.B.

AllgeriEnsemble@wanadoo.fr

Enjeux autour d’un départ

Par Ali Bahmane

Le recours au classique motif médical a épargné au général Lamari de rendre publiques les causes réelles de sa démission de son poste de chef d’état-major et à Bouteflika de motiver son acceptation. Mais tout le monde sait que le général Lamari a décroché depuis le 8 avril dernier et que son départ n’était qu’une question de temps : les profondes divergences qui existaient entre les deux hommes forts du pays étaient connues de tous car souvent ouvertement étalées devant l’opinion publique.



Celle-ci a compris que tout était définitivement fini entre eux lors de la visite à Alger de la ministre française de la Défense, Michelle Alliot-Marie, durant laquelle était absent le général Mohamed Lamari. Ce dernier s’est toujours opposé à Bouteflika sur la gestion du dossier de l’islamisme politique, ne partageant pas sa philosophie générale consistant à réserver une place aux islamistes sur la scène politique nationale. Un des piliers, avec Khaled Nezzar du mouvement dit des «janvieristes», ceux qui ont interrompu le processus électoral il y a quatorze ans, le général Mohamed Lamari, était partisan de l’éradication de l’islamisme politique au motif que sa vocation est de servir de terreau au terrorisme. Estimant que les islamistes avaient subi une «violence» le 12 janvier 1992, Bouteflika s'était, en revanche, rapproché de ce courant depuis son arrivée au pouvoir, lui confectionnant une loi sur la «concorde civile», lui faisant cadeau d’un décret portant «grâce amnistiante» et lui préparant un texte sur la «concorde nationale».



Les deux décideurs étaient donc aux antipodes sur cette question-clef de la crise algérienne mais ils partageaient l’idée, peut-être pas pour les mêmes raisons, que l’armée devait amorcer un processus de retrait définitif de la vie politique. Une idée partagée également par l’opposition pour qui le moment est venu pour les militaires de tourner la page, de cesser de faire et de défaire les présidents de la République et de tirer les ficelles politiques de l’ombre : en retournant aux casernes, l’Armée doit se consacrer essentiellement à la professionnalisation et à la modernisation de ses troupes. On n’en est pas encore là, mais les choses semblent avancer dans la bonne direction.



Ce qui est sûr, en revanche, aujourd’hui, c’est que le départ du général Lamari et son remplacement par le général Ahmed-Salah Gaïd, un militaire peu porté sur la politique et assez effacé, laissent les mains libres à Bouteflika dans son traitement du dossier de l’islamisme politique, ce qui ne se fera pas sans grincements de dents au sein de l’institution militaire. Reste à savoir comment l’ANP digérera ce changement, si elle le verra comme salutaire ou comme un règlement de comptes d’appareils.



El Watan 4.8.04



Actualités : Comment en est-on arrivé jusque-là







Comme annoncé donc par notre confrère arabophone El- Khabar , le général de corps d’armée, Mohamed Lamari, démissionne de son poste de chef d’état-major de l’Armée nationale populaire. Une décision qui ne faisait que se confirmer en cette fin juillet, Lamari l’ayant tranchée en fait le 8 avril dernier.

Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Selon des sources très bien informées, l’homme fort de l’ANP avait pris sa décision le jour même de ce qui devait être une élection présidentielle pluraliste mais qui se transformera en un coup de force de l’administration en faveur du candidat Bouteflika. Or, et s’agissant de Mohamed Lamari, deux certitudes, au moins, sont à rappeler pour mieux comprendre la suite des évènements. Le militaire au grade le plus élevé qu’il est s’était engagé, d’abord, à garantir la régularité de l’élection présidentielle. Voix officielle de l’ANP, Lamari soutenait durant toute la période 2002-2004 que “l’armée (n’avait) pas de candidat” à cette élection. A deux reprises, à savoir à l’occasion de deux sorties publiques, via des interviews accordées l’une à l’hebdomadaire français Le Point, l’autre au quotidien égyptien Al Ahram, le chef d’éta-major de l’ANP affirmait l’intention de l’armée de ne pas imposer un choix, comme cela a été toujours le cas depuis 1962, en ce rendez-vous électoral d’avril 2004. Il ira jusqu’à infliger un cinglant démenti à Abdelaziz Bouteflika qui affirmait, deux mois avant le rendez-vous électoral, qu’il bénéficiait du soutien de “l'Armée nationale populaire”.

C’était à l’occasion de l’une de ses innombrables visites électoralistes à l’intérieur du pays. Ce à quoi Lamari répliquait sèchement dans un mémorable éditorial de la revue El Djeïch, l’organe central de l’ANP, dans son édition de mars 2004. “L’ANP n’est ni pour un candidat, ni contre un candidat”. Précisant que la neutralité de l’armée ne signifiait nullement une quelconque indifférence, il invitera l’administration à imiter l’attitude de l’ANP. Mais le 8 avril, et si l’état-major avait honoré ses engagements, il sera “débordé” par l’aile la plus efficace de l’armée, qui, après avoir fait campagne discrètement en faveur de Bouteflika, s’alliera avec l’administration pour fermer carrément le jeu, le jour J. C’est d’ailleurs ce qui explique les “85%” de ce dernier. Tentant, vainement, de rectifier le tir dès le 8 avril au matin, Lamari préfère donc se retirer, sans doute pour ne pas à avoir à aggraver la cassure, de la plus importante institution du pays.

Mais pas uniquement. Il est, en effet, de notoriété publique qu’entre Lamari et Bouteflika les rapports n’ont jamais été au “beau fixe”. Et ce, depuis l’accession de Bouteflika au pouvoir, en 1999. Un épisode que le chef d’Etat major de l’ANP évoquait en ces termes, en juin puis en juillet 2002 : “En 1999, nous avons (l’ANP, ndlr) choisi le moins mauvais des candidats”. Tout ou presque sépare les deux hommes. Et les divergences entre eux sont tellement profondes qu’elles submergent la scène publique. Faisant partie de cette poignée de hauts responsables militaires qui ont sauvé le pays du péril intégriste, Mohamed Lamari a eu à présider aux destinées du haut commandement de l’ANP durant la plus difficile crise nationale de l’Algérie indépendante. Depuis 1993, date de son accession à ce poste, le pays faisait face à une vague terroriste d’une ampleur sans précédent. La situation était d’une gravité telle qu’ils n’étaient pas des foules à se bousculer, pour ainsi dire, en 1994, à la succession du HCE (Haut- Comité d’Etat). Un certain… Abdelaziz Bouteflika que l’ANP avait sollicité à l’époque donnait son accord avant de se désister à la toute dernière minute. Mettant de ce fait ses interlocuteurs dans une situation fort peu enviable et qui ont dû alors se rabattre sur l’un “des leurs”, Liamine Zeroual en l’occurrence.

Il aura d’ailleurs fallu tout le poids moral de Mme Boudiaf, l’influence et le charisme de Larbi Belkheir et la logique implacable du patron des services de renseignements pour vaincre les réticences de l’ANP quant au choix du “moins mauvais des candidats” à la succession de Zeroual en 1998. Toujours est-il, et malgré une cohabitation strictement institutionnelle, Lamari n’a jamais admis la gestion réservée par Bouteflika au dossier de l’islamisme et du terrorisme. Et il le disait publiquement en plus. En 2002, le chef d’état-major de l’ANP surprenait fortement en affirmant que “la grâce amnistiante nous l’avons apprise à la télévision comme tout le monde” !

Farouche adversaire de l’islamisme politique, le général de corps d’armée, Mohamed Lamari, formulera un lourd reproche public à Bouteflika qu’il interpellera, en ces termes, le 3 juillet 2002, à partir de l’Académie interarmes de Cherchell : “Si le terrorisme est vaincu l’intégrisme, lui, est resté intact”. Il cite même les cas de la mosquée, de l’école et de la télévision. Jamais, depuis l’indépendance du pays, ce louable constat, d’une justesse incontestable du reste, n’a été fait à si haut niveau. C’est dire que la démission de Lamari, qui préfère ainsi se retirer dignement, s’inscrit dans l’ordre naturel des choses. Lors d’un tête-à-tête au ministère de la Défense nationale, le 4 juillet dernier, et qui aura duré près de deux heures, Lamari aurait signifié clairement au président Bouteflika, qui tentait de l’en dissuader, selon des indiscrétions fiables, “qu’il était impossible de continuer à travailler avec vous”. Une décision irréversible qu’une seconde audience accordée en ce début de semaine par Bouteflika à Lamari n’a pu infléchir. Le désormais ex-chef d’état-major de l’ANP est allé, il faut bien le reconnaître, au bout de sa logique…
K. A.- Le Soir d' Algérie – 28.7.04
Valiere
 
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