jamesdan a écrit :quelles réponses aux différentes questions que je pose ?? vous voulez que je les reprenne ?
La principale: par quel miracle donc, la Chine est-elle le SEUL pays dominé et exploité par l'impérialisme après 1945 à avoir connu un bond fantastique des forces productives pour ensuite devenir la deuxième puissance mondiale ? Et si la Chine était restée un pays capitaliste, comment pourrai-elle proposer des prix de vente 3,4,5 fois inférieurs à ceux des multinationales occidentales sinon parce que SEULE une propriété d'Etat, libérée de la recherche du profit maximum lui permet de vendre à perte ! On rejoint donc l'analyse de Trotsky sur l'Etat ouvrier dégénéré dont il faut défendre les bases productives collectives et les acquis sociaux à la fois contre la bureaucratie stalinienne et contre les agressions impérialistes.
D'abord, la Chine n'est pas le seul pays dominé et exploité par l'impérialisme après 1945 à avoir connu un bond fantastique des forces productives. Certes, la Chine est la seule "
pour ensuite devenir la deuxième puissance mondiale", d'autant que des deuxièmes, il ne peut y en avoir qu'un. Mais les forces productives ont aussi connu un bond fantastique en Corée du Sud, à Taïwan, à Singapour, au Vietnam et dans bien d'autres endroits, et l'étatisation n'y jouait pas partout le même rôle. Les pays occidentaux et, en premier lieu, les Etats-Unis, ainsi que le Japon ont joué un rôle crucial.
Il y a deux mouvements à distinguer :
- La construction, en Chine (ou au Vietnam), sous l'égide de l'Etat et en partie par le biais du travail forcé, de secteurs industriels certes très développés, mais peu diversifiés et très majoritairement tournés vers le marché intérieur qui a ses propres limites. Cela a aussi pu se faire du fait de la présence d'une importante population et de vastes ressources naturelles (notamment le charbon pour la Chine).
- La construction, par le biais de l'exportation des capitaux et technologies américains, européens ou japonais, d'une puissante industrie d'exportation dans certains pays notamment asiatiques, vers les marchés des Etats-Unis, d'Europe ou du Japon, à travers une politique volontariste des grandes puissances impérialistes pour, d'une part, bénéficier de bas coûts de production, d'autre part, associer à son camp impérialiste un certain nombre de pays face à des camps adverses (Russie, Chine). C'est le cas pour la Corée du Sud, Singapour, Taïwan (et dans une moindre mesure la Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie... qui restent très loin du compte en matière de développement industriel). Ces pays ont, eux, d'emblée bénéficié d'un marché international, beaucoup plus large que leur seul marché intérieur, et ce, même en l'absence quasi-totale de ressources naturelles (Singapour...) Certains sont, dans ce contexte, devenus aussi des puissances commerciales et financières et des plaques tournantes de transports (ports, aéroports), souvent appuyées sur une intense activité dans le cadre de ces échanges mondiaux, comme Hong-Kong et Singapour.
Lorsque la Chine a commencé à comprendre tout l'intérêt qu'elle pourrait retirer d'un certain rapprochement avec les Etats-Unis, et que les relations diplomatiques se sont réchauffées, les liens économiques se sont peu à peu renforcés, d'abord avec la mise en place de zones franches dans des villes portuaires, puis plus largement. Cela a fini par permettre à la Chine de bénéficier du deuxième mouvement (l'exportation des capitaux et technologies occidentaux et japonais), capable de se superposer au premier (celui de l'industrie d'Etat à marche forcée). La diaspora capitaliste chinoise à Hong-Kong, Singapour et ailleurs a aussi joué le rôle d'intermédiaire, elle qui n'avait jamais totalement rompu avec le pays d'origine. Il est peu à peu devenu possible à des sociétés étrangères de devenir majoritaires voire contrôler 100% du capital d'une société chinoise, mais avant cela, il y a eu une longue période où les intérêts chinois étaient obligatoirement présents au capital et retiraient des bénéfices de l'activité de la société commune. C'est d'ailleurs toujours le cas dans bien des entreprises en Chine, notamment dans les secteurs stratégiques où les participations chinoises restent importantes.
Ce développement des forces productives est donc le résultat de la politique américaine, européenne et japonaise rencontrant l'économie étatisée chinoise.
Les Etats-Unis, l'Europe et le Japon en ont eux aussi beaucoup retiré, du moins leurs principaux capitalistes. Ils se sont, d'une part, ouverts le marché chinois (insuffisamment à leur goût) et ont d'autre part bénéficié des bas coûts de la main-d'oeuvre locale pour réaliser une marge plus élevée à la réexportation que s'ils avaient produit dans les pays impérialistes. Cela a aussi été un moyen collectif des capitalistes occidentaux de procurer des marchandises meilleur marché à leurs propres travailleurs et donc, de limiter les hausses de salaires.
L'ouverture (partielle) du marché chinois a eu pour contrepartie l'ouverture (partielle) des marchés occidentaux aux entreprises chinoises (qu'elles soient à capitaux chinois, américains, européens ou japonais). Cela a pu se négocier sous forme d'un donnant-donnant, reflétant aussi les rapports entre capitalistes à l'intérieur même des pays occidentaux. Ainsi, le secteur du textile et de la chaussure qui avait beaucoup perdu de son intérêt stratégique a pu être ouvert aux importations chinoises, pendant que l'aéronautique, les assurances ou l'automobile occidentales pouvaient commencer à pénétrer le marché chinois. Cela a précipité la chute de certains capitalistes occidentaux et surtout des travailleurs de leurs usines, mais cela a largement conforté d'autres capitalistes bien plus puissants. Et les patrons de la grande distribution l'ont emporté sur les patrons du textile (on notera la clairvoyance de la famille Mulliez passée du textile à Auchan ou Décathlon).
L'originalité est que, au lieu du simple pillage et de la tonte des coupons, les capitaux accumulés par les parties chinoises ont pu être en partie réinvestis (grâce au rôle d'un Etat centralisé favorisant activement l'essor des entreprises privées) dans le développement de nouveaux outils productifs, parfois entièrement détenus par des intérêts chinois. Mais il y a aussi parfois des capitalistes occidentaux qui en ont profité (ex. : Warren Buffett détenant une part du constructeur automobile BYD). Aujourd'hui, certains secteurs industriels issus de cette stratégie sont en mesure de concurrencer plus fortement des multinationales occidentales poussives incapables d'organiser sérieusement le virage vers les véhicules électriques si l'Etat ne leur paie pas tout. C'est de l'intelligence patronale chinoise (Mulliez n'a pas le monopole de l'intelligence patronale).
Quant à dire qu'il s'agit de ventes à perte, c'est une vaste blague. Certes, le dumping peut exister momentanément pour tuer des concurrents (tous les pays le font, les Etats-Unis l'ont fait sur le gaz grâce à leur gaz de schiste par exemple) mais cela n'a qu'un temps. D'ailleurs, nombre d'entreprises de la chaussure ou du textile par exemple, qu'elles soient chinoises ou occidentales, confrontées à une hausse des coûts et des salaires en Chine, a choisi de migrer vers le Vietnam, lui-même devenu trop cher, puis le Cambodge, le Bangladesh et même l'Ethiopie.
Mais à mon tour de poser une question, à propos des références à un "état ouvrier dégénéré" ou quelque chose d'analogue. A-t-il suffi que le Royaume-Uni accepte de restituer Hong-Kong à la Chine, pour que ce territoire incontestablement capitaliste ait changé de nature ? L'intégration politique est certes difficile pour une partie de la population hongkongaise habituée à la pseudo-démocratie, mais quid de l'intégration économique ? L'organisme "prolétarien" chinois a-t-il rejeté la greffe capitaliste ?