Lénine à Paris
par Aline
La librairie matérialiste, 1929.
Humm, y'a des p'tits malins ou des grandes malines qui auraient ce livre? et qui l'auraient lu?
Peut-on trouver une version numérique quelque part ?
À la déclaration de guerre, le groupe bolchevique de Paris a flanché comme les autres : il y a eu des résistances – comme il y en a eu ailleurs – mais la guerre y a trouvé des partisans et même des volontaires. Les faits ont été relatés, notamment par Aline, dans son livre de souvenirs intitulé Lénine à Paris, dans lequel on trouve beaucoup plus à apprendre sur Lénine et sur le bolchevisme que dans les travaux plus prétentieux de nos pseudo-historiens.
Le restaurant des émigrants, dans la rue de la Glacière, grouille toute la journée d'une foule nombreuse. Les conversations ne s'arrêtent pas un instant. On guette les nouvelles. Mais la question de l'attitude des socialistes à l'égard de la guerre n`est pas encore là et nombreux sont ceux qui n'admettent pas encore sa possibilité.
Lénine ne donne pas de nouvelles. N.-V. Sapojkov, secrétaire du bureau des groupes étrangers, a essayé de lui télégraphier mais on lui a déclaré à la poste qu'on ne garantit pas la transmission.
… Le 1er août... on afficha un petit bout de papier écrit à la main qui annonçait la mobilisation générale. L'émotion gagne le restaurant, qui est devenu ces jours-là le centre de réunion des émigrants.
Accepter ou ne pas accepter la guerre?
L'acceptation trouve plus de partisans. Et, à la suite, se pose fatalement la question de l'enrôlement volontaire.
La guerre est devenue un fait accompli. Tout passe au second plan devant la guerre. D'Allemagne est arrivée la nouvelle du vote des crédits de guerre par les social~démocrates. Les socialistes français ont suivi leur exemple.
Les milieux d'émigrants russes sont déconcertés. La confusion se fait sentir dans notre groupe. Lénine ne donne aucune nouvelle. On a appris par hasard qu'il avait été arrêté en Galicie. Sapojkov écrivit et télégraphia à quelqu'un en Suisse de s'aboucher avec Lénine ou avec Nadedja Constantinovna. Sans résultats. Les dépêches pour l'étranger restent en souffrance près de cinq jours. De même pour les lettres.
Dans cette confusion complète, on convoque la réunion du groupe; Elle a lieu dans la journée. On ne peut pas la faire le soir, car l'état de siège est décrété. Et puis, tout le monde est libre maintenant du matin au soir.
Dans le petit restaurant de la rue des Cordelières, presque tous les membres du groupe sont présents. À l`ordre du jour, une seule question: l'enrôlement volontaire. La réunion est désordonnée, la discussion anarchique, les passions s'animent. La réunion se termine dans un tumulte général. Tout le monde parle. L'atmosphère s'échauffe à l'extrême. Les partisans et les adversaires de l'engagement volontaire appelés par la suite défensistes et défaitistes échangent des paroles brutales. À la fin, le groupe des «défensistes» quitte démonstrativement la réunion. Quelqu'un leur crie:
– Renégats !
Mais cette exclamation ne trouve pas d'écho, ni beaucoup de sympathie. Ce n`était pas le moment des exclamations escomptant un effet facile. La réunion se déroulait au milieu d'une tension extrême; elle fut, du commencement à la fin, profondément dramatique. Le sentiment pour la responsabilité des décisions prises était effroyable. Il était pénible de comprendre que le départ signifiait la scission totale; qu'une brèche s`était ouverte dans l'organisation, unie jusqu'ici; que cette brèche devait se transformer par la suite en abîme.
Malgré les affirmations de nombreux «mémorialistes», que «tout s'est bien passé», qu'on s'est affirmé résolument du premier jour en faveur des principes internationalistes, il faut avouer que ceci n'est pas tout à fait exact. Le temps et les événements qui se sont passés depuis ont probablement légèrement voilé le souvenir de cette époque. Dans toute l'émigration, aussi bien chez les bolcheviks que chez les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires, la confusion et l'indétermination étaient extrêmes. Une attitude plus ou moins déterminée à l'égard de la guerre commença à se cristalliser plusieurs mois après son début.
… La question de l'enrôlement volontaire se posa avec acuité. Elle ne se heurtait pas à des objections résolues et ouvertes. Sur la place des Invalides, où s'inscrivaient les volontaires, les premiers groupes de Russes se montrèrent. Ç' était pour le moment des individualités. Mais, quelques jours plus tard, le mouvement prit un caractère plus organisé.
Dans la rue de la Reine-Blanche, près de l'avenue des Gobelins, dans le local miséreux du Club ouvrier dont le secrétaire était Antonov-0vséenko, commença, sous sa direction, l'inscription des émigrants volontaires. S'inscrivaient des bolcheviks, des mencheviks, des socialistes-révolutionnaires, des anarchistes.
Et en quelques jours le premier régiment républicain russe fut constitué, dans lequel entrèrent les membres suivants du groupe bolchevique: Sapojkov,Antonov-Popov, Mikhaïl Davidov, llia Djaparidsé (Moïsséev) et d”autres. Sur l'initiative de ces derniers fut élaborée, à la premiere réunion, une déclaration que je cite in extenso:DÉCLARATION DES SOCIALISTES RUSSES
ENGAGÉS COMME VOLONTAIRES
DANS L'ARMEE FRANÇAISE
Nous, socialistes russes, entrons dans les rangs de l”armée de la République française. En pleine conscience de l°importance politique de notre acte, nous croyons indispensable de préciser clairement les motifs qui nous ont guidés dans cette décision.
La cause de la catastrophe internationale, la guerre actuelle, a été la politique impérialiste d'annexion des classes dominantes de tous les États européens et la responsabilité de la catastrophe leur incombe entièrement. Les gouvernements aristocratiques-féodaux de l`Allemagne et de l'Autriche, qui ont directement préparé et provoqué cette guerre, représentent le facteur principal de l'impérialisme mondial, un des suppôts essentiels de l'autocratie russe et la principale cause de l`alliance franco-russe dans sa forme réactionnaire actuelle. La victoire du militarisme féodal austro-allemand sur les puissances démocratiques de l'Europe occidentale amènerait fatalement le renforcement du militarisme international, cette entrave capitale au développement victorieux du socialisme international; elle serait une défaite de la démocratie de l'Europe occidentale et par conséquent constituerait un arrêt de l'évolution sociale de l'Europe et du libre développement du mouvement ouvrier; enfin, elle amènerait fatalement un arrêt du développement économique et social de la Russie, c`est-à-dire qu'elle renforcerait le régime autocratique.
Toutes ces conséquences de la victoire du gouvernement austro-allemand actuel constituent une menace terrible pour les intérêts vitaux du prolétariat international.
La défaite de l'Allemagne et de l'Autriche dominantes sera fatalement un triomphe et une consolidation de la démocratie, un coup mortel au militarisme et aux survivances de l'absolutisme féodal dans les États allemands; elle amènera fatalement la constitution d`une République allemande et ce fait privera l'autocratie russe de son suppôt international en supprimant les motifs et les intérêts qui obligent les gouvernements et la bourgeoisie européens de le soutenir et de le nourrir, supprimera en particulier les motifs de l'actuelle alliance franco-russe.
Considérant la guerre comme un fait accompli, l'lnternationale socialiste, qui n`a pu l'empêcher, est profondément intéressée à de tels résultats de la guerre. Cest pourquoi il est du devoir des socialistes de tous les pays d`influencer activement la marche de la guerre dans cette direction et d'étouffer toutes les tentatives possibles de la réaction de tous les pays intéressés à transformer la victoire sur l'Allemagne en une victoire de la réaction et du chauvinisme sur la démocratie, en particulier sur la démocratie allemande et russe.
C'est pour accomplir ce devoir, pour atteindre ces buts que nos camarades français participent activement à la guerre.
En prenant tout ceci en considération, nous, socialiste russes, sommes profondément convaincus que nous servons fidèlement les intérêts du prolétariat international, en restant des ennemis intransigeants de l'autocratie russe, et que nous manifestons, enfin, une volonté maximum d'une action socialiste consciente, en rentrant dans l`armée de la République française, avec les mots d'ordre:
Vive la démocratie!
Vive la République allemande I
À bas le tsarisme!
Vive le socialisme allemand I
(Suivent les signatures)
21 août 1914
Cyrano a écrit :Aline est mentionné ici, là, et là aussi, dès que ça parle de Lénine in Paris. Mais qui c'est?!
Pour Kéox2 qui écrit: Rien non plus sur l'auteure Aline, pseudo ? L'auteure semble être un auteur.
Y'a un autre "Lénine à Paris", d'un certain Jean Fréville.
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