
Alors même que les cadres concernés avaient retiré leur plainte, c'est l'Etat par l'intermédiaire du procureur qui a maintenu la procédure et le procès.
C'est révoltant !
D’anciens salariés de Goodyear condamnés à neuf mois de prison ferme
Le Monde | 12.01.2016 à 10h35 • Mis à jour le 12.01.2016 à 17h40
Des pneus brûlent devant l'usine Goodyear d'Amiens-Nord le 7 janvier 2014.
Plus de deux ans après les faits, les anciens salariés de l’usine Goodyear à Amiens-Nord (Somme), qui avaient brièvement retenu deux cadres de leur entreprise menacée de fermeture, ont été fixés sur leur sort, mardi 12 janvier. Le tribunal correctionnel d’Amiens a condamné deux militants de la CGT-Energie à neuf mois de prison ferme aménageable et quinze avec sursis.
Le directeur des ressources humaines ainsi que le directeur de la production avaient été retenus pendant trente heures dans les locaux de l’usine de pneumatiques que plusieurs dizaines de salariés avaient occupée, avant de les laisser partir, sans violence. Les deux hommes, ainsi que l’entreprise, avaient renoncé à leur plainte, mais le parquet avait décidé de poursuivre les anciens salariés. Lors de l’audience du 24 novembre, le procureur de la République avait requis contre eux une peine de deux ans d’emprisonnement, soit un an « ferme aménageable » et un an de sursis.
« Un coup de colère »
A la barre, tous les prévenus avaient évoqué « un coup de colère » face à une direction qui « n’apportait aucune réponse » à la « détresse sociale » dans laquelle se trouvaient les salariés de cette entreprise de 1 143 salariés, fermée quelques jours après. Ils avaient aussi réfuté toute préméditation de leur geste : « Si des gens étaient préparés à une telle action, les deux cadres de Goodyear n’auraient pas donné un rendez-vous dans une salle bondée de salariés déjà très remontés », avait expliqué l’avocat des prévenus, Fiodor Rilov.
La sévérité inédite de la peine a suscité de nombreuses réactions, à commencer par celles des condamnés eux-mêmes. « Je m’y attendais, mais en même temps on trouve la décision très injuste. On va faire appel. Ça fait longtemps que la confiance en la justice est cassée... », a réagi Hassan Boukri, l’un des prévenus. « Pour moi, six mois de sursis c’était déjà une catastrophe alors imaginez neuf mois ferme... », a affirmé de son côté Reynald Jurek, un autre prévenu, dénonçant une « décision purement politique ». « Le gouvernement a voulu faire de nous un exemple. Et dire aux gens : ‘Faites attention si vous vous battez pour votre boulot, regardez ce qui peut vous attendre’», a-t-il encore lancé.
Pour Fiodor Rilov, avocat des huit condamnés et de la CGT, ce jugement est « manifestement le résultat d’une opération politique.
»Je ne crois pas un seul instant que le procureur d’Amiens ait décidé seul de requérir des peines de prison. On veut faire passer un message à ceux qui se battent contre le fermeture de leur entreprise, contre les délocalitions, pour leur emploi, leur dire ce qu’ils risquent. »
Pour l’avocat, les personnes condamnés l’ont été « du fait de leur statut de syndicalistes. On ne peut pas dissocier ce jugement du recul sans pareil des acquis sociaux décidés par le gouvernement. Et désormais, dans toutes les luttes sociales, il y aura le jugement d’Amiens en toile fond. »
De la CGT Goodyear Amiens nord à la fédération au Parti socialiste de la Somme, en passant par Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent, les réactions se multipliaient à gauche pour dénoncer le jugement rendu par le tribunal d’Amiens mardi.