Téléchargement illégal

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par Loustic » 17 Mai 2009, 14:49

Dans le dernier journal LO, un article intéressant qui refuse de prendre position et montre qu'il n'y a pas de solution dans le cadre du système.

Les articles de Paul Galois sont toujours très intéressants.

a écrit :
Loi sur le téléchargement « illégal » - Artistes, marchands et internet

Le 12 mai, après quelques péripéties politiciennes, la loi Création et Internet a donc été votée par l'Assemblée. Elle interdit de « pirater » des œuvres sur Internet, c'est-à-dire de télécharger gratuitement des fichiers de musique ou de films qui, non encore dans le domaine public, sont des propriétés privées. Les contrevenants, débusqués par Hadopi (la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet), pourront voir leur connexion à Internet interrompue.

On s'aperçoit au passage qu'Internet, censé être un espace de liberté, est en fait sous le contrôle de ceux qui ont les plus gros ordinateurs : les grandes firmes et les États, pour ne pas dire les polices, capables de savoir à tout moment qui charge quoi et d'interrompre les connexions à volonté.

L'apparition d'Internet ne fait qu'actualiser la question des droits d'auteur, posée depuis que les œuvres d'art et les créations intellectuelles ont été diffusées largement par le livre puis par le disque. Car ces moyens techniques, s'ils ont constitué un immense progrès, n'ont pas mis les artistes directement en contact avec leur public. Il y a toujours eu et il y a encore un intermédiaire, l'éditeur, c'est-à-dire l'entrepreneur capitaliste, propriétaire de l'imprimerie, de la maison de disques, des moyens de diffusion et de publicité. L'œuvre d'art, bon gré mal gré, devient par son truchement une marchandise et sa valeur intrinsèque un support pour faire du profit.

Les libraires ont commencé par acheter les œuvres à la pièce, en toute propriété, comme le raconte par exemple Balzac. Les éditeurs de disques on fait de même, payant les musiciens à la fin de la séance d'enregistrement. Nombre de créateurs de jazz, jusque dans les années 1960, ont ainsi vécu difficilement, alors que leurs disques se vendaient honorablement, au seul profit des propriétaires des maisons de disques.

Les artistes, écrivains d'abord, musiciens ensuite, se sont défendus contre les marchands en inventant au XVIIIe siècle le droit d'auteur, qui fait que l'œuvre reste leur propriété un certain temps, avant de tomber dans le domaine public. Les éditeurs peuvent alors la publier à leur guise, sans avoir à payer quoi que ce soit.

La notion même de droit d'auteur a suscité des controverses. Le philosophe Condorcet pensait que tout ce qui contribuait au progrès de l'esprit humain appartenait à l'humanité et devait être libre de droits. Son collègue Diderot lui répondait que le créateur devait pouvoir vivre de ses œuvres, faute de quoi il n'y avait pas de création possible. Mais Condorcet pouvait vivre de ses rentes, alors que Diderot était contraint de vendre ses livres pour subsister...

Le même débat continue donc aujourd'hui sous d'autres formes, les nouveaux moyens techniques faisant évoluer les rapports entre créateurs et éditeurs. Mais on oublie toujours la grande masse de la population et ses conditions d'accès à la culture. Car si les œuvres culturelles sont innombrables et les moyens de leur diffusion de plus en plus performants, des milliards d'hommes n'y ont toujours pas accès, des centaines de millions ne connaissent que ce que les marchands veulent bien leur laisser voir. L'industrie culturelle, comme son nom l'indique, a pour vocation exclusive de faire des profits, pas de diffuser la culture auprès du plus grand nombre. Les firmes exigent que leurs artistes soient écoutés ou vus par un public payant, et payant cher. Tant pis donc pour ceux qui ne peuvent pas payer, tant pis pour les artistes qui ne rapportent pas assez.

Des sociétés qu'on a dites primitives nourrissaient et protégeaient les artistes qui les enchantaient. D'une façon ou d'une autre, la société future devra réinventer des rapports entre l'art et la société qui ne soient plus régis par la loi du marché.

Paul GALOIS
Loustic
 
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Message par jeug » 17 Mai 2009, 15:50

Oui, et sur ce sujet comme tant d'autres, on voit à quel point l'organisation capitaliste est un frein considérable au progrès humain.
Bien sûr, en premier lieu parce qu'elle maintient dans la misère physique et culturelle tous ceux que l'orgnisation économique tient à l'écart des marchés solvables.
Mais aussi parce qu'elle freine autant qu'elle peut l'utilisation des inventions qui gênent sa course aux profits.
jeug
 
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Message par Vérié » 17 Mai 2009, 16:04

Oui, l'article est bon et clair.

Mais :

a écrit :
Des sociétés qu'on a dites primitives nourrissaient et protégeaient les artistes qui les enchantaient. D'une façon ou d'une autre, la société future devra réinventer des rapports entre l'art et la société qui ne soient plus régis par la loi du marché.


Ca ne va pas être évident pendant la période de transition au socialisme. D'une part, pendant cette période, l'art restera au moins partiellement une marchandise.

Par quoi va-t-on remplacer le critère du marché pour décider de qui a droit de vivre uniquement de son art ? :33: Le critère du marché, c'est à dire du succès public des oeuvres - bien que ça ne soit pas exactement la même chose - va-t-il entièrement disparaître ? La solution "académique" serait évidemment tout aussi négative que le marché (une acédémie de "spécialistes" qui déciderait qui a le droit de vivre de sa plume, de sa voix etc).

On peut certes imaginer une situation où, la durée et la pénibilité du travail ayant beaucoup diminué, tout le monde dispose de temps pour se consacrer à l'art, la littérature etc sur son temps libre, de même qu'il n'y aurait plus par exemple de sportifs professionnels rémunérés. Mais ce serait tout de meme dommage d'empêcher certains "grands artistes" de se consacrer entièrement à leur art. Dans certains métiers, c'est par ailleurs fort difficile : cinéma, musicien d'orchestre etc.

Donc, la sélection inévitable ne sera pas aisée...
Vérié
 
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Message par Loustic » 17 Mai 2009, 16:17

a écrit :On peut certes imaginer une situation où, la durée et la pénibilité du travail ayant beaucoup diminué, tout le monde dispose de temps pour se consacrer à l'art, la littérature etc sur son temps libre, de même qu'il n'y aurait plus par exemple de sportifs professionnels rémunérés. Mais ce serait tout de meme dommage d'empêcher certains "grands artistes" de se consacrer entièrement à leur art. Dans certains métiers, c'est par ailleurs fort difficile : cinéma, musicien d'orchestre etc.

Donc, la sélection inévitable ne sera pas aisée...


C'est sûr.
Ca sera juste dégagé des contingences de rentabilité... mais ça restera complexe et ambivalent. La production artistique aura toujours un statut particulier j'imagine ? Tributaire du "goût des autres".

Ah, et j'oubliais cet article de Monsieur Galois toujours, sur le même sujet dans le même journal, pour préciser que LO prend quand même position contre la loi Hadopi (mon premier message était ambigu à cet égard).

a écrit :Hadopi défend d'abord les gros

La loi Hadopi est censée défendre les intérêts des artistes qui ne vivent que de la diffusion de leurs œuvres. Mais c'est surtout une loi de défense de la propriété privée. Or la propriété privée, intellectuelle ou non, est très inégalement répartie. Dans le domaine de la musique et du cinéma, de leur création et de leur diffusion, elle est concentrée dans les mains de quelques grandes entreprises, gérant les carrières des vedettes les plus connues dont les ventes de CD se chiffrent en centaines de milliers à chaque fois, et vers qui reviennent 90 % du produit de la vente globale de CD ou de vidéos. Ce sont surtout les profits de ces grandes compagnies qu'il s'agit de protéger et c'est ce que fait, tout à fait logiquement, la majorité au pouvoir.

En revanche, cette loi n'aide guère la plus grande partie des musiciens, ceux qui vivent de leurs cachets. Car leurs CD, lorsqu'ils existent, sont tirés à quelques centaines d'exemplaires, peu ou pas distribués et en général vendus exclusivement lors de concerts. C'est d'ailleurs pourquoi un certain nombre de ces artistes se sont prononcés contre cette loi, préférant que leur œuvre soit connue et diffusée, y compris gratuitement sur Internet, plutôt qu'ignorée.

En fait, la loi Hadopi ne concerne que la toute petite partie des grandes vedettes qui, en plus de leur cachet, obtiennent de toucher un pourcentage sur les recettes des films et sur leur diffusion télé ou vidéo.

Les autres, c'est-à-dire en fait la plus grande partie des musiciens et comédiens, ne vivent que de leurs cachets. Dire que la loi Hadopi protège le monde artistique est donc très largement exagéré. Il en va des chanteurs de rock comme des autres, ceux qui gagnent déjà le plus sont aussi ceux qui auront le plus à gagner aux mesures gouvernementales.

P.G.
Loustic
 
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Message par Valiere » 20 Mai 2009, 09:57

A mon avis l'essentiel pour les promotteurs ce cette loi c'est mettre en place un système de surveillance renforcée et légal sur les échanges sur le net et de donner un coup aux logicieils libres, les détenteurs devant prouver qu'ils n'ont pas chargé illégalement des films, ce qui semble techniquement difficile...Je ne suis pas un spécialiste mais c'est ce qu'explique chez moi les défenseurs de ces logiciels!
Valiere
 
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Message par françois marcel » 20 Mai 2009, 16:10

bon, c'est aussi un gros coup pour décourager le téléchargeur lamba. En fait, il y a des tas de façons de télécharger sans que le fournisseur de service sache ce que l'internaute télécharge. Encryptage, ftp, et autres: Le logiciel vuze (ex-azureus) permet l'encryptage. Apparemment Waste ou gigatribe (réseaux d'échange fermés) laisserait à la porte les "big brother".
Avec omemo, antP2P, Ipredator , impossible de savoir ce que télécharge les internautes.
A suivre, donc
françois marcel
 
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Message par Valiere » 22 Mai 2009, 07:57

La loi va leur permettre de concevoir et de mettre en service des robots pouvant détecter les "chargeurs"...Des appels à projets et des industriels vont permettre cette "innovation" à la Big Brother!
Valiere
 
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Message par françois marcel » 22 Mai 2009, 15:01

oui peut-être mais des repérer les chargeurs c'est une chose. Savoir ce qu'ils chargent, c'en est une autre. Et c'est là que l'encryptage ne permettra pas à ces robots de savoir ce qui est téléchargé, ou je me trompe ?
françois marcel
 
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Message par Faber » 02 Juin 2009, 09:39

a écrit :On peut certes imaginer une situation où, la durée et la pénibilité du travail ayant beaucoup diminué, tout le monde dispose de temps pour se consacrer à l'art, la littérature etc sur son temps libre, de même qu'il n'y aurait plus par exemple de sportifs professionnels rémunérés. Mais ce serait tout de meme dommage d'empêcher certains "grands artistes" de se consacrer entièrement à leur art. Dans certains métiers, c'est par ailleurs fort difficile : cinéma, musicien d'orchestre etc.


Je partage le raisonnement, mais je ne comprend pas si (et éventuellement pourquoi) tu en exclus les "grands sportifs" ?
Faber
 
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Message par com_71 » 10 Juin 2009, 18:01

a écrit :Le conseil constitutionnel censure partiellement la loi Hadopi

Reuters Emile Picy



Le Conseil constitutionnel a censuré mercredi les pouvoirs de sanction de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) créée pour lutter contre le piratage.

Ce projet de loi adopté le 13 mai dernier par le parlement à l'instigation de Nicolas Sarkozy prévoyait la création d'une autorité chargée de la mise en oeuvre d'une "riposte graduée" pouvant aller jusqu'à la suspension de l'abonnement en cas de récidive pour les auteurs de téléchargements illégaux.

C'est ce volet qu'a invalidé le Conseil constitutionnel, saisi par les députés socialistes opposés au projet, estimant que seules les instances judiciaires, et non une simple autorité administrative, pouvaient décider de couper l'abonnement.

En revanche, il a validé la partie du dispositif qui permet à l'Hadopi d'envoyer des messages d'avertissement aux fraudeurs.

"C'est Nicolas Sarkozy qui a été censuré par le Conseil constitutionnel", a déclaré le député Patrick Bloche, porte-parole du Parti socialiste dans le débat.

Le président français avait reçu l'appui d'une bonne partie du monde artistique pour faire passer ce projet de loi qui a suscité des divisions au sein de sa propre majorité.

"La décision est très claire. Le coeur du projet de loi du gouvernement soutenu par l'UMP a été annulé. Ça veut donc dire qu'internet, c'est un droit", a dit Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

LIBERTÉ D'EXPRESSION

Le Conseil estime dans un communiqué que plusieurs dispositions "n'étaient pas conformes à la Constitution".

La liberté de communication et d'expression "implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne", explique-t-il.

Or, ajoute-t-il, les articles 5 et 11 de la loi confiaient à la commission de protection des droits de l'Hadopi des pouvoirs de sanction l'habilitant à restreindre ou à empêcher l'accès à internet à des titulaires d'abonnement.

"Ces pouvoirs pouvaient donc conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement", expliquent les "sages".

"Dans ces conditions, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d'auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu'au juge", poursuit le communiqué.

De plus, le Conseil a estimé contraire à l'article 9 de la Déclaration de 1789 - principe de la présomption d'innocence - le fait que seul le titulaire du contrat d'abonnement à internet pouvait faire l'objet des sanctions instituées.

"En méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration de 1789, la loi instituait ainsi, en opérant un renversement de la charge de la preuve, une présomption de culpabilité pouvant conduire à prononcer contre l'abonné des sanctions privatives ou restrictives du droit", a estimé le Conseil.

SIMPLE RÔLE PRÉALABLE POUR HADOPI

Concernant les pouvoirs d'avertissement confiés à l'Hadopi, le Conseil a décidé de les valider après avoir censuré les pouvoirs de sanction.

"A la suite de l'annulation de ces derniers, cette autorité ne dispose plus que d'un rôle préalable à une procédure judiciaire", explique le Conseil, qui insiste sur la nécessité de limiter le nombre d'infractions, très nombreuses, dont les autorités judiciaires seront saisies.

Les traitements de données à caractère personnel s'inscrivent dans un processus de saisine de juridictions compétentes et ne sont pas contraires à la Constitution, conclut le Conseil constitutionnel.

Il souligne toutefois avoir formulé une réserve "pour rappeler qu'il appartiendra à la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés-NDLR), lorsqu'elle sera saisie de la demande d'autorisation de ces traitements de données à caractère personnel, de veiller à ce qu'ils respectent cette finalité".

Édité par Yves Clarisse
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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